Malgré des taux très bas, l’assurance vie a, contre toute attente, « assuré » en 2018 ! L’année a même été qualifiée de « bon cru » par le think tank Cercle de l’Épargne. Elle a donc conforté, l’an dernier, sa place de premier placement des Français avec un encours de 1 700 milliards d’euros, en croissance de 1 % par rapport à fin 2017. La collecte nette 2018 s’est élevée à 22,4 milliards d’euros selon la Fédération française de l’assurance. C’est le meilleur résultat depuis 2015. Contrairement aux prévisions, l’assurance vie n’a pas pâti de la diminution du rendement des fonds euros, de la hausse de l’inflation pas plus que de l’introduction du prélèvement forfaitaire unique et de la volatilité des marchés. Les unités de compte ont représenté sur l’ensemble de l’année plus de 28 % de la collecte qui a atteint 140 milliards d’euros. Bien connue des épargnants, l’assurance vie a capitalisé sur ses atouts, la garantie en capital, facteur de sécurité, son importante liquidité et sa souplesse de gestion. Choisie par 42 % des ménages, elle reste le placement des classes moyennes, des classes aisées et des plus de 45 ans.
2018, un bon cru
Mais, pour combien de temps ? Toujours en 2018, pour la première fois, le rendement moyen servi par les fonds en euros des contrats d’assurance vie devrait se montrer négatif une fois l’inflation déduite… En clair, avec une inflation à 1,8 % et des rendements moyens autour de 1,6 % selon Good Value for Money (un cabinet d’analyse spécialisé sur l’assurance vie), un investissement de 1 000 euros en contrat d’assurance vie à capital garanti aura fait perdre 2 euros nets à son épargnant. Mais une fois la fiscalité prise en compte, cet écart risque d’atteindre 8 euros dans certaines situations ! Bref, l’assurance vie n’est plus un rempart contre l’inflation.
Face à cette situation inédite, les assureurs pensaient avoir trouvé la parade en proposant des assurances vie dites multisupports, c’est-à-dire dotées d’une palette d’options, outre le fonds en euros qui est garanti. Ces nouvelles options ne sont pas libellées en euros mais en « unités de compte » (UC), c’est-à-dire en parts de fonds, le plus souvent actions. Las ! Après une très belle année 2017, les principaux marchés actions ont souffert en 2018. Le CAC 40 a par exemple chuté de près de 11 %, soit sa plus mauvaise performance depuis 2011. Le mois de décembre a été particulièrement éprouvant avec une chute de plus de 5 %. Les épargnants ne s’y sont pas trompés. Le mois de décembre a été marqué par une décollecte de 600 millions d’euros. C’est le seul mois de l’année 2018 à avoir connu un résultat négatif. Il fallait remonter au mois de novembre 2017 pour enregistrer un recul de la collecte. La baisse des marchés financiers au cours du dernier mois de l’année a clairement dissuadé les ménages à investir sur des produits au capital non garantis.
Alors, l’assurance vie est-il un placement fini, comme le clame Nicolas Kert, directeur général de Novaxia Asset-Management ? Pour lui, l’épargnant n’a probablement plus d’autres choix que de renoncer au diktat de la liquidité ou du capital garanti ! C’est la condition aujourd’hui pour retrouver des rendements réels satisfaisants. En prêchant pour sa paroisse, le spécialiste recommande l’immobilier, la spécialité du groupe. « J’y vois deux vertus. La première consiste à allier sens et rentabilité. Le sens à travers une thématique rare et socialement utile, le développement et la transformation en d’autres usages, la rentabilité, avec des objectifs de performance supérieurs aux placements sans risque. À condition de renoncer à la liquidité immédiate et assumer une perte en capital potentielle. La seconde, c’est que dans un contexte souvent d’instabilité des marchés, se tourner vers des actifs tangibles comme l’immobilier permet d’en retrouver un peu, de la stabilité », indique Nicolas Kert.
L’assurance vie s’inscrit obligatoirement dans une stratégie patrimoniale
Si cette analyse fait bien sûr sens, elle ne concerne pas les épargnants français toujours à la recherche d’un placement rentable, garanti et liquide à tout moment (outre la fiscalité très avantageuse pour l’héritage). « Malgré les vents adverses, l’assurance vie s’inscrit obligatoirement dans une stratégie patrimoniale », assure Christophe Decaix, conseil en gestion de patrimoine du cabinet 2B Patrimoine. « C’est un outil qui comporte des avantages fiscaux loin d’être anodins et qui peuvent, à long terme, s’assurer d’un complément de retraite sans fiscalité », rappelle le CGP.
Bien sûr, il ne faut pas faire n’importe quoi, surtout en ces temps tourmentés. Le professionnel, comme beaucoup de ses confrères, prône la diversification, c’est-à-dire le panachage au sein d’un même contrat de fonds en euros, d’actions, et surtout d’immobilier. « Tout dépend de votre horizon de placement. Plus il est court, deux ans par exemple, plus la prise de risque doit être faible. En revanche, sur un horizon de dix ans, voire vingt ans, rien n’interdit de prendre des risques. »
Christophe Decaix apprécie, de manière mesurée, les SCPI et OPCI, c’est-à-dire les fonds investis en immobilier. Ces produits, surnommés « pierre-papier », offrent d’investir dans des immeubles de bureaux, commerces, logistiques ou spécialisés, avec beaucoup plus de flexibilité qu’en achetant directement un bien. « Il existe des SCI qui offrent des rendements attractifs. L’épargnant capitalise chaque année dessus. En outre, le risque est faible. Un investisseur qui a acquis de la pierre en 1989 a traversé quatre crises… et pourtant, il est aujourd’hui toujours gagnant. » Au vu du prix de l’immobilier à Paris, on le croit sans peine.
Les charmes de la pierre
Patrick Janel, responsable de la gestion privée Equance, un cabinet de conseil en gestion privée internationale, conserve lui aussi toute sa confiance dans l’assurance vie. « La fiscalité de ce support reste particulièrement avantageuse, notamment en ce qui concerne l’imposition des plus-values et l’aspect successoral, rappelle-t-il. Cependant, l’objectif premier, c’est de capitaliser. Dans le terme « assurance vie », il y a « vie ». Pour dégager du rendement, il faut faire vivre son contrat, assurer des dépôts, prévoir des retraits, modifier son allocation d’actifs », explique le professionnel. Selon lui, l’épargnant doit bien comprendre la volatilité des marchés et ne pas hésiter à porter la part de son contrat en unités de compte à 60 %. « Les marchés actions doivent être considérés dans la durée : à long terme, le couple rendement-risque de l’investissement en actions reste l’un des plus intéressants. » Comme beaucoup de ses confrères/sœurs, il recommande de diversifier cette poche entre plusieurs classes d’actifs sans omettre l’immobilier. « Les SCPI protègent contre la volatilité des marchés financiers tout en servant une rentabilité très correcte », souligne Patrick Janel.
Bouger pour gagner, tel pourrait s’énoncer également la devise de Nalo. La fintech promet une gestion sur-mesure, en fonction des besoins du client. « Un épargnant est à la fois prudent et dynamique. Notre allocation d’actifs est construite autour d’objectifs – achat de son propre logement, retraite, etc. – et de durées de placement préalablement bien définis », indique Guillaume Piard, cofondateur du groupe. Dans ce cadre, bien identifier le client est essentiel. « Une épargne dédiée à l’achat de sa résidence principale dans trois ou quatre ans ne peut être semblable à celle conçue pour préparer sa retraite dans trente ans, même si elle exige de maîtriser le risque dans le temps, donc de sécuriser progressivement son portefeuille au fur et à mesure que l’échéance de la retraite approche », souligne Guillaume Piard.
Longue vie aux fonds en euros
Au final, faut-il jeter aux orties les fonds garantis ? Bien sûr que non, répond Antoine Delon, président de Linxea, une société spécialisée dans l’épargne en ligne. « Notre fonds en euros bien-aimé a tiré son épingle du jeu en 2018. Si on peut lui reprocher de ne plus coller qu’à l’inflation, il reste la fondation saine d’une allocation d’actifs et, quoi qu’on en dise, elle représente un atout incroyable pour tous les épargnants français, affirme-t-il. Au lieu de pousser l’épargnant à choisir entre plusieurs placements à risques, laissons-le choisir librement son fonds en euros – la colonne vertébrale de son allocation d’actifs. Il pourra ensuite y rattacher des supports en unités de compte plus risqués. » Le fonds en euros est le principal allié de l’épargnant mais également de l’assurance vie : longue vie à lui ! »
Pierre-Jean Lepagnot