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En cinq ans, près de 22 % des entreprises françaises ont connu un cas de corruption.
L’un des sujets tabous par excellence : la corruption au sein de nos entreprises. Lundi, l’Agence française anticorruption (AFA) a publié son enquête. Lancée en début d’année, l’étude a récolté les réponses d’environ 2 000 directeur.trices généraux.ales ou de spécialistes de l’éthique d’entreprises de toute taille. Résultat, sur les cinq dernières années, près de 22 % de nos entreprises ont été confrontées à un cas de corruption. Compte rendu.
Près d’une entreprise sur cinq a été touchée par un cas de corruption depuis cinq ans. L’Agence française anticorruption révèle aussi que parmi les entreprises concernées, la moitié ont entamé des procédures « qui ont toutes abouti à une sanction disciplinaire », mais seules 20 % sont allées jusqu’à la plainte pénale. Depuis la loi Sapin 2, datée 2016, des progrès ont été accomplis, notamment pour la mise en place d’un dispositif de lutte anticorruption. Encore insuffisant.
Loi Sapin 2, un tournant ?
Une réaction forcée. Une réaction tout de même. Depuis l’instauration de la loi Sapin 2 en 2016, le nombre d’entreprises qui ont œuvré pour l’établissement d’un dispositif de prévention a doublé en trois ans. D’autant plus que toutes les entreprises qui ont agi en ce sens n’y étaient pas toutes assujetties. Pour rappel, la loi Sapin 2 recommande aux entreprises de plus de 500 salarié.es et dont le chiffre d’affaires se révèle supérieur à 100 millions d’euros d’appliquer un dispositif de prévention et de détection de la corruption. Aujourd’hui, « 70 % des entreprises ont mis en place un tel dispositif », souligne l’AFA dans son étude. Mais nombre d’entre elles croient que certaines fonctions restent hermétiques à la corruption : le juridique, la communication ou l’informatique. Contrairement aux achats, au commerce ou aux fusions-acquisitions, des domaines qui seraient davantage frappés par la corruption d’après les enquêté.es.
Parmi l’ensemble des répondant.es, tous.toutes semblent très bien informé.es sur les atteintes à la probité : 87 % font la distinction entre corruption passive et active. Puis, 85 % des sondé.es connaissent le détournement de fonds publics (85 %), le favoritisme (84 %), le trafic d’influence (79 %) ou bien la prise illégale d’intérêts (78 %). En revanche, une minorité des interrogé.es maîtrise la concussion, soit la perception d’une somme indue par un représentant de l’autorité publique (43 %).
La France, perçue comme mauvais élève
Une étude parue en début d’année et publiée par l’ONG Transparency International avait quelque peu plongé la France dans l’embarras. Dans un traditionnel classement mondial de l’indice de perception de la corruption, notre pays ne pointait qu’à la 23e place. Pour une société avancée comme la nôtre, ça fait tâche. Notamment derrière l’Uruguay et les Émirats arabes unis.
« La France reste dans la moyenne de l’Union européenne, région la mieux classée du monde, mais son recul au classement montre que la dynamique française initiée ces dernières années à la faveur des lois pour la transparence de 2013 et de la loi dite Sapin 2 de 2016 s’est enrayée », expliquait fin janvier Marc-André Feffer, président de la branche française de l’ONG. Alors oui, il y a sans doute du mieux, puisque le problème se veut d’être combattu… sans doute le minimum syndical pour notre pays. GW.
Cas vécu
Il y a quelque vingt-cinq années, alors que j’interviewais un directeur haut placé de l’un des fournisseurs publics d’eau de l’époque, je capte un échange édifiant au téléphone entre mon interlocuteur et le maire d’une commune qu’il se garde bien de me dévoiler. En substance, je comprends que ledit maire s’inquiète de ne pas voir arriver « la Mercedes » que le fournisseur lui avait promise en échange du décrochage de l’appel d’offre. L’homme de l’eau le rassure, raccroche et me dit : « Je vous ai laissé entendre cet échange pour que vous compreniez que s’il existe des corrupteurs, c’est avant tout parce qu’il existe des corrompus ». Fermez le ban. OM