Les MBA en IAE : une alternative à moindres frais

Les instituts d’administration des entreprises (IAE) constituent une alternative de plus en plus reconnue en matière de formations initiales. Ils le sont aussi désormais pour le graal du manager, le Master of Business Administration (MBA).

Difficile de lutter contre les vieux réflexes. Qui dit Master of Business Administration (MBA), dit business schools. Pourtant, le monde des MBA ne se limite pas aux sacro-saintes écoles de commerce d’HEC à l’Edhec en passant par l’Essec ! Créés en 1967 par Gaston Berger sur le segment de la double compétence en management pour les non initiés, les instituts d’administration des entreprises (IAE) – entité autonome au cœur de l’université ‒ affichent un MBA à leur catalogue de formations. « Si l’on n’est pas en mesure d’en délivrer un, c’est difficile sur le marché, commente Éric Lamarque, aux manettes de l’IAE de Paris, en outre patron du réseau IAE France depuis mai 2018. Au moment de la création de nos établissements, Gaston Berger s’est inspiré précisément des MBA d’outre-Atlantique, avec cette vision transversale du management. Ça s’est appelé d’abord CAAE, pour Certificat d’aptitude à l’administration des entreprises, puis Master de mangement des entreprises (MAE) avec la réforme licence-master-doctorat (LMD). » Un libellé distinct du MBA, mais l’état d’esprit est très proche. Voilà pour le contexte historique. En 2018, neuf des 32 établissements du réseau ont mis en place un MBA, avec 21 cursus distincts à la clé. L’un des derniers en date, Bordeaux, il y a quatre ans.

Un rapport qualité/prix séduisant

Diplôme d’université, diplôme d’État avec un master ou titre I du Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), les statuts varient d’un établissement à l’autre. Tout est question de stratégie de développement. L’IAE francilien Gustave Eiffel tient mordicus à rester dans le giron public avec un diplôme d’État. Celui d’Aix-Marseille s’est engouffré dans une politique de multiplication des diplômes d’université. L’IAE de Gustave Eiffel cible la formation initiale – en poursuite d’études ‒ quand celui de Lyon classe le MBA dans la catégorie de la formation continue. L’intérêt ? La liberté tarifaire et l’envie de reprendre ainsi l’un des codes des business schools. Les IAE sont entrés dans la mondialisation. À l’IAE d’Aix-Marseille, le ticket d’entrée est fixé à 25 000 euros – on parle de « fees » ‒, contre 6 035 à Rennes, 6 300 à Gustave Eiffel en formation continue et 261 euros en formation initiale. Un argument massue sur ce marché, car sans commune mesure avec les prix pratiqués par les grandes écoles. Deux exemples : la facture pour suivre un MBA sur le campus de Jouy-en-Josas est de 66 000 euros, à Skema, de 32 000.
De loin « le meilleur rapport qualité/prix », pour Benjamin Ayela. À 27 ans, cet ancien de l’IAE Gustave Eiffel a intégré directement Adidas en Allemagne. Ses collègues de travail ? Des diplômés de business schools. « Nous nous retrouvons sur les mêmes postes, au même salaire, mais moi, sans un emprunt à rembourser. » Parfois, ces MBA d’IAE sont riches des mêmes accréditations que les business schools. C’est le cas à Aix, déjà adoubé par l’Amba’s. Nice y travaille, par exemple.
Les profils diffèrent entre IAE et business schools. « Tout dépend de leur parcours antérieur, souligne Éric Lamarque. Les candidats à un MBA qui ont mené leur scolarité initiale dans une école de commerce restent attachés à cet environnement. Je ne crois pas aux transferts d’un système vers l’autre pour le top 15 des business schools ! En revanche, dans le reste du classement, les transfuges existent. » Mais, plus que les Français, le MBA a vocation a attirer les étudiants étrangers. À Bordeaux, les promotions sont à 100 % composées d’internationaux. Et toutes ne comptent pas dans leurs rangs de salariés de grands groupes. Les start-up misent aussi sur ce cursus. L’IAE de Lyon pratique volontiers cette mixité.

Cursus transversal

L’éclectisme ne s’arrête pas là. À l’instar de leurs acolytes business schools, les IAE jouent parfois la carte de la spécialisation. Celui de Strasbourg en a fait sa spécificité, avec des cursus dédiés au marketing et la stratégie de la pharmacie ou bien encore au management stratégique de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Au sein de l’IAE de Savoie-Mont-Blanc, le focus est placé sur l’innovation touristique. Mais d’un IAE à l’autre, la ligne générale MBA est respectée, avec cette découverte à 360 degrés du monde de l’entreprise : marketing, stratégie, organisation, management… « Nous n’avons pas à rougir face des business schools, souligne Éric Hertzler, directeur de l’IAE Gustave Eiffel, et d’autant que nombre de nos enseignants y officient aussi. » Avec une méthodologie peut-être un peu différente, moins de soft skills probablement, moins de travail sur le leadership, d’ateliers dédiés à la psychologie pour se concentrer davantage sur les cours fondamentaux.
Fanny Rolet parle cash. Le côté international était un peu faible dans le MBA de l’IAE de Montpellier qu’elle a préparé en 2012. « On peut parler davantage d’une connotation que d’une réelle ouverture, mais ce cursus a été salutaire pour la lecture de business plan, la comptabilité analytique ou bien encore la recherche de financements, commente cette chercheuse, convertie depuis à l’entrepreneuriat, avec la création d’Antofénol. Ce MBA-MAE rayonne. Du coup, mon CV est très bien vu. » Quatre ans plus tard, l’unité de production d’Antofénol, spécialisée dans la valorisation de la biomasse végétale et l’éco-extraction va sortir de terre. Coût : 1,2 million d’euros et six emplois à la clé.
La communication du réseau IAE France ou, même, de chacun d’eux, fait défaut, globalement. Pourtant, les parcours post-MBA couronnés de succès sont nombreux. Jérôme Schang en fait partie. Spécialisé dans les semi-conducteurs, cet ingénieur a fait le choix d’un IAE pour son MBA – celui de Nice. La carte de la proximité géographique. « C’est raisonnable de ne pas investir dans un programme quatre ou cinq fois plus cher, explique-t-il, si l’objectif n’est pas d’intégrer l’une des dix plus grandes écoles. Spécificité française : les entreprises misent plus sur l’expérience que sur le potentiel. » Outre-Atlantique, c’est l’inverse. Jérôme Schang répond à une offre de Texas Instrument, à Dallas. C’était en 2011. Changement d’entreprise au profit de NXP, sept ans plus tard, où il est à la tête d’une équipe de 95 salariés, dont 10 sous-directeurs régionaux. Salaire annuel, hors bonus : 260 000 dollars américains. Avec les primes, 350 000 dollars. Décidément, pas de quoi rougir face aux business schools !

Murielle Wolski

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