Il boxe, se hisse aux sommets et arrête sa carrière : en 2010, à 31 ans, le champion du monde olympique de Sydney en 2000 puis champion du monde WBA en 2007 n’a pas spécialement anticipé de suite à sa vie professionnelle. Les propositions des médias ne vont pas tarder. Mais de rebonds en rebonds, Brahim Asloum va peu à peu structurer son activité de communicant et d’organisateur de combats. Sans regrets.
Une révélation. Le môme de Bourgoin-Jallieu, en Isère, assiste à son premier match de boxe en 1993. Quand il bat en finale en catégorie mi-mouches en 2000, aux Jeux Olympiques de Sydney, l’Espagnol Rafael Lozano, il réalise qu’il rapporte à son pays la première médaille d’or depuis les JO de Berlin de… 1936. Mais à partir de 2001, l’homme est professionnel. Se gérer soi-même, toucher des cachets, ça vous plonge dans le bain d’une entreprise d’office. Et quand on réussit le doublé JO-titre mondial – il est quand même le premier Français à réaliser l’exploit –, on devient l’entreprise Asloum.
Dire « non », sans plan B
Une TPE à 900 000 euros par match, assurés par un client unique, Canal+. On connaît le danger des CA qui ne dépendent que d’une entité. Quand ce même financeur, au terme du contrat, commence à négocier à la baisse, veut imposer un cachet de 500 000 euros, quel homme normalement constitué va y renoncer ? Eh bien Asloum dit non. Il court tous les risques. Se prive d’une fortune, sans doute, mais il dit non. « On ne négocie pas à la baisse avec un champion du monde », dit-il et se dit-il. De l’orgueil ? Ou de la cohérence ? Pourquoi accepter un tel rabais quand on prend des coups, que l’on a la modestie de se demander ce que l’on fait sur ce ring avant chaque match et qu’au final on se dépasse ? « Subir ou passer à autre chose », s’était dit celui qui avait douté un temps de son destin à force de défaites avant de battre aux points et aux poings l’Argentin Reveco.
Brahim Asloum a toujours détesté l’image Rocky Balboa du boxeur. Lui sait s’exprimer, bâtir des raisonnements. Il n’a strictement rien du cogneur un peu brut de fonderie. Son « non » à Canal + en est la marque la plus probante, lui qui a tenu tête, sans coach pour lui dicter ses choix. D’autant plus qu’il est le manager et propriétaire de l’équipe de boxe Paris United depuis 2010 et que ses résultats sont loin de l’échec.
Quand RMC lui propose, tout de suite, un contrat de commentateur, lui qui avait déjà tenu le micro pendant les JO, il sent qu’il prend un « petit pied » dans les médias. « J’ai accepté. Je comprenais que l’économie du sport avait changé, que les chaînes payantes se multipliaient. Je comprenais la logique de la consommation du sport. »
« Ça m’a plu » : c’est un peu le critère Asloum. Et la modestie Asloum. « J’éprouve toujours la crainte de faire mal mon job, de ne pas être à la hauteur. » Quand on lui demande comment on gère une telle chute de revenus, la question l’irrite : « Ma priorité n’est pas de savoir ce que je vais gagner. » Et toc.
Une entreprise à trois pieds
Surtout si les contrats se multiplient. Pendant un ou deux ans, Brahim Asloum a littéralement exploré cet univers de prestataire indépendant, pas obsédé par le profit. En 2013, nouveau clin d’œil : le réalisateur Jacques Ouaniche lui demande d’incarner un autre boxeur au cinéma, Victor « Young » Perez. Acteur ? « C’est beaucoup dire. » Modeste, toujours. Mais frustré. « Ce fut une très belle expérience. Je serais ravi de tourner à nouveau. Mais tout, sauf incarner un boxeur ! »
Assez vite aussi, on lui demande d’intervenir en entreprise, de mener des conférences, de motiver des staffs. Monsieur « J’aime créer les choses, me réinventer » prend à nouveau « un petit pied » à vendre des prestations de conférencier. Mais cette fois, il structure, imagine des packages. Boxing Business Class créé il y a huit mois devient l’une des entités de l’entreprise BA (la première activité est celle de consultant TV/radio et responsable du développement de la boxe pour Altice, la deuxième organisateur d’événements sous l’égide d’Asloum Event), avec une offre de conférences, de formations et d’événements en entreprise (Altice, L’Oréal, des banques…).
L’homme qui n’enfile plus les gants transmet aux dirigeants, aux cadres, aux gens du business les valeurs de la compétitivité et du respect. « Je fais ressortir, à travers la boxe, les qualités du patron. À travers mon coaching, je détermine les traits de caractère, je fais passer les valeurs de résilience, de travail où chaque détail compte… »
Le coach mental du bouillant tennisman Benoît Paire a réussi tous les rebonds.
Olivier Magnan