Les TNS – entrepreneurs individuels, gérants d’EURL, gérants majoritaires ou égalitaires de SARL, associés de SNC, président de SA ou SAS… – ne se préparent pas suffisamment à la retraite, tout comme ils sous-estiment l’importance d’une solide prévoyance. Pourtant, des outils existent.
Avec un statut « assimilé salarié », le dirigeant est affilié au régime de retraite de base des salariés du privé et aux régimes complémentaires Arrco et Agirc, désormais fusionnés. De leur côté, les dirigeants TNS cotisent pour la retraite de base au RSI ou à la CnavPL (Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales), et dépendent selon leur profession d’une dizaine de caisses complémentaires particulières. L’enjeu est d’importance. Les salariés touchent une pension de vieillesse équivalente en moyenne à 70 % de leur dernière rémunération, le pourcentage tombe à 50 %, voire à 40 % pour les travailleurs non salariés. Ces trois millions de TNS en France cotisent proportionnellement moins à la retraite que les salariés. Le taux de cotisations vieillesse des premiers se situe aux alentours de 15 % de leurs revenus, contre près de 28 % pour les seconds en additionnant la part patronale et la part salariale. En cotisant moins, nécessairement, les TNS s’ouvrent moins de droits. « Cette situation reste mal comprise des chefs d’entreprise. Ils s’inquiètent le plus souvent de leur retraite après la quarantaine », observe Fanny Gilbert, directrice marketing et distribution grossiste chez Ciprés Assurances/Axelliance. Dans ce cadre explique-t-elle, « nos courtiers fournissent un important travail d’accompagnement et de conseil auprès de ces TNS ». Selon elle, 90 % des dirigeants TNS savent qu’ils doivent préparer leur retraite, mais seulement 44 % le font réellement. Une observation qui confirme que les Français éprouvent des difficultés à s’intéresser à la prévention, contrairement aux pays anglo-américains par exemple. Pourtant, s’ils veulent maintenir leur niveau de vie à la retraite, les TNS ont intérêt à se constituer un complément de revenu qui viendra s’ajouter à leurs pensions obligatoires. Il ne faut pas attendre le dernier moment pour se lancer. Une retraite, ça se prépare.
La loi Madelin, un outil efficace
Dans cette perspective, les contrats de retraite Madelin constituent une sorte de solution idéale. « Réservé aux TNS, ce placement propose un complément de revenus à l’âge légal de la retraite ou après avoir fait valoir ses droits à la retraite. Le contrat se dénoue sous forme de rente viagère, c’est-à-dire de sommes d’argent servies tous les mois ou tous les trimestres jusqu’au décès du souscripteur. Avec la loi Pacte qui vient d’être adoptée par le Parlement, il sera bientôt possible de sortir de ce contrat, soit sous forme de rente ou sous forme de capital », explique Mylène Guers, responsable développement du marché de l’épargne financière au sein du Groupe Quintésens. Ce détail à son importance. « La loi Madelin est un produit “tunnel”, bloqué jusqu’à la prise de la retraite. Sauf exceptions – invalidité, décès du conjoint, surendettement, expiration des droits au chômage… –, il est dénouable uniquement sous forme de rente viagère imposable au même titre qu’une pension de retraite. Or, toutes les études montrent que cette aliénation du capital suscite la défiance des Français qui préfèrent percevoir leurs capitaux plutôt que percevoir une rente. La sortie en capital va très certainement dynamiser l’épargne retraite et rendre le dispositif encore plus attractif », opine Mylène Guers. Le contrat Madelin offre un autre atout non négligeable. Si l’épargne est bloquée jusqu’au départ à la retraite, un avantage fiscal est octroyé à l’entrée : les cotisations sont déductibles des revenus imposables, à hauteur de 10 % des revenus professionnels ou 10 % du Pass (Plafond annuel de la Sécurité sociale, 2019, 40 524 euros) ainsi qu’une enveloppe complémentaire de 15 % des revenus professionnels. Exemple pour 100 000 euros de revenus : 10 % des revenus défiscalisés, soit 10 000 euros + une enveloppe complémentaire de 15 % d’environ 8 900 euros, soit un global de 18 900 euros. L’avantage fiscal est toutefois plafonné à 70 000 euros. Mieux, ces déductions ne sont pas comptabilisées dans les niches fiscales plafonnées à 10 000 euros par an (emploi d’un salarié à domicile, investissement locatif en « Pinel », etc.). L’entrepreneur est ainsi en mesure d’utiliser pleinement son plafond de 10 000 euros pour faire d’autres placements défiscalisations.
Bien étudier les termes du contrat
Toutefois, les travailleurs indépendants doivent malgré tout se montrer vigilants sur plusieurs points. Fanny Gilbert, Ciprés : « Je recommande de bien étudier les contrats Madelin. Durant sa phase d’épargne, l’entrepreneur n’est pas à l’abri d’un accident ou d’un décès prématuré qui pourrait mettre en péril son épargne. Aussi, pour ne pas risquer de tout perdre, je conseille fortement de souscrire aux garanties prévoyance qui sont associées au contrat – prise en charge des versements en cas d’arrêt de travail, de décès, etc. ». Faut-il le rappeler, pour que la rente servie soit significative, il faut avoir cotisé suffisamment tôt. Pour percevoir 1 000 euros de rente mensuelle à la retraite, le TNS doit capitaliser au moins 300 000 euros sur son contrat Madelin. Le même TNS doit également veiller au taux de revalorisation proposé par l’assureur. Si les rentes sont revalorisées en deçà de l’inflation, il perdra en pouvoir d’achat lorsqu’il sera retraité. Certains acteurs, comme Ciprés Assurances/Axelliance par exemple, proposent une option « table de mortalité garantie à chaque versement » qui assure un calcul des rentes viagères plus avantageux en fonction de la « table de mortalité » en vigueur au moment de chaque versement et non du départ à la retraite. Enfin, la fiscalité des rentes doit également se prendre en compte. « Si les cotisations sont déductibles des revenus imposables, les rentes sont intégrées aux revenus à déclarer, après application d’un abattement de 10 % », souligne Mylène Guers. Il est donc vivement recommandé aux travailleurs indépendants d’établir un bilan patrimonial avec un professionnel avant de souscrire un contrat défiscalisant afin de profiter au mieux du dispositif et d’être en phase avec sa stratégie globale d’investissement.
Ne pas négliger la prévoyance
Si préparer sa retraite revêt une importance majeure pour le dirigeant d’entreprise non salarié, il est un autre point souvent négligé, la prévoyance. Une large majorité de TNS déclarent régulièrement se préoccuper de la protection financière de leurs proches en cas d’événement imprévu, et estiment que disposer d’une assurance prévoyance est nécessaire pour répondre à cette inquiétude. Pour autant, peu de travailleurs indépendants sont passés à l’acte, avec un taux d’équipement de l’ordre de 50 %. « Les chefs d’entreprise non salariés doivent, contrairement aux salariés, se protéger eux-mêmes. Or à l’image de la préparation à retraite, ils n’en ont pas tous conscience », observe Fanny Gilbert. Ce qu’oublient les dirigeants, c’est qu’une mauvaise prévoyance va pénaliser leurs proches et l’entreprise. « Les chefs d’entreprise ne s’arrêtent de travailler qu’en cas de gros soucis. Nos 9 000 courtiers indépendants, chefs d’entreprise eux-mêmes, comprennent cette problématique et constituent des relais très efficaces auprès des dirigeants. Ils accompagnent chaque dirigeant en fonction de ses propres besoins. » L’assureur recommande d’opter pour un contrat prévoyance qui couvre les entrepreneurs en cas d’arrêt de travail, d’invalidité et de décès. « Un dirigeant qui se rompt les ligaments croisés devra nécessairement s’éloigner pour une assez longue période de son entreprise. Grâce à son contrat, il percevra des indemnités journalières durant son immobilisation. » De même, le contrat prévoyance intègre le risque d’invalidité par lequel le dirigeant percevra une rente d’invalidité jusqu’à la fin de l’état ou bien jusqu’à ce qu’il atteigne les 67 ans. Enfin, le dirigeant doit être vigilant sur sa couverture en cas de décès afin de protéger ses ayants droit. Il existe plusieurs rentes comme celle dédiée au conjoint, ou celle destinée à l’éducation des enfants. « La prévoyance ne doit pas se confondre avec la complémentaire santé qui couvre les frais de santé. Dans le cas de la prévoyance, le conseil du courtier est fondamental. En fonction de votre situation familiale, de votre âge, de vos revenus, de votre profession et de votre statut, le courtier déterminera le contrat le plus adapté », assure Fanny Gilbert. Enfin, conclut-elle, en cas d’arrêt de travail, un travailleur non salarié couvre les frais généraux permanents de son entreprise, comme les loyers.
Pierre-jean lepagnot