Reprise d’entreprise : on n’y pense pas assez !

L’entrepreneuriat déferle, les start-up s’affolent et l’achat de franchises, sous toutes ses formes, s’emballe. Mais… et si l’on reprenait simplement une entreprise existante ? Le marché de la reprise reste en retrait alors que de belles affaires sont à saisir… à condition de bien s’y préparer.

C’est l’Insee qui le dit : en 2018, les créations d’entreprises atteignent un nouveau record : 691 000 entreprises ont été créées en France, soit 17 % de plus qu’en 2017. Les médias s’en sont largement fait écho. En revanche, qui connaît le nombre d’entreprises à reprendre dans l’hexagone ? Le chiffre plafonne à 7 000, voire 7 500 cessions, sur un total de 4,2 millions d’entreprises en France – trois millions n’ont pas de salariés, 1,2 million en comptent au moins un. Des données relativement stables. 94 % du tissu des sociétés françaises comptent moins de dix salariés, 6 % seulement sont plus staffées. Voilà pour le contexte général. « Reprendre une entreprise, on n’en parle pas ou peu, déplore Francis Petel, vice-président de la commission nationale éducation formation de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). Une reprise paraît moins sexy aux yeux de certains que d’en créer une. L’idée même fait moins vendre ! » Et Nathalie Carré, chargée de mission entrepreneuriat auprès de la Chambre de commerce et d’industrie enfonce le clou. « Comme le principe du gouvernement est de mettre en avant la facilité, regrette-t-elle, le sujet demeure davantage dans l’ombre. On peut faire croire que créer une entreprise est un exercice facile, mais impossible de pipeauter sur la thématique de la reprise. » Or, si un peu moins de deux créations d’entreprises sur trois capotent au bout de cinq ans maximum, la réussite est davantage au rendez-vous des reprises. À condition de bien la préparer.

Demain tous repreneurs ?

Hugues Paquet a 47 ans. William Martinez a tout juste 21 ans. Depuis septembre 2017, l’un et l’autre bûchent pour reprendre une entreprise. Animé d’une véritable passion pour l’odeur de l’essence, Hugues Paquet cible une concession de la marque Harley Davidson. Avec son récent bac pro d’accompagnement soins et services à la personne, William Martinez peaufine son dossier pour reprendre l’entreprise familiale de paysagisme. Deux ans de préparation, rien de trop. La durée moyenne de bouclage du dossier oscille entre 18 et 24 mois. « On ne s’improvise pas repreneur », résume très justement William Martinez. Jean-Jacques Brunet approuve. Lui aussi s’est lancé dans cette aventure. Il avait 50 ans. Son projet : reprendre une entreprise de découpe au laser de tôles. « Une envie de ne plus être un numéro, même cadre dirigeant, même bien payé, résume-t-il. Mais la première erreur à ne pas commettre est de croire que l’on sait tout. Polytechnicien, énarque, on peut être bien formé… mais pas à la reprise d’entreprise. On ne connaît pas du tout la petite entreprise. Qui peut le plus, ne peut pas le moins, car on change de monde. J’ai fait des erreurs. » Aujourd’hui membre actif du Club des repreneurs d’affaires (CRA) Île-de-France, créé il y a plus de 35 ans, il assure des formations pour éviter aux autres les écueils les plus fréquents.

Soubresauts du début

À l’annonce officielle de la reprise de la concession par Hugues Paquet, l’équipe a fondu de… moitié. Quatre des huit salariés ont préféré partir. Une grande (et mauvaise) surprise pour cet ancien dirigeant d’une agence commerciale spécialisée dans les produits consommables pour les imprimeurs. En réalité, un phénomène classique. « Il y a toujours une période de flottement, confirme Nathalie Carré, avec le départ de collaborateurs, la perte de clients, la baisse du chiffre d’affaires… » La démission d’un « salarié clé » risque de produire un impact fort sur la vitalité de l’entreprise. Combien la racheter ? Quel chiffre d’affaires prévisionnel établir ? Quel niveau d’apport fixer ? À quel rythme rembourser ? Ces questions sont incontournables. « Et pour ne pas payer trop cher, avoir accès aux comptes est indispensable – avec une clause de confidentialité à la clé –, souligne Jean-Jacques Brunet, même si ça ne va pas du tout de soi. Certains cédants offrent un accès très limité. » Comment déterminer la valeur d’une entreprise ? Un exercice pas facile. « Un patron qui fait tout, tout le temps, partout, sa boîte n’a pas de valeur, détaille Nathalie Carré, s’il tombe malade, elle ne fonctionne plus. »

Outil de référence pour la prospection commerciale et l’analyse financière des sociétés en France, le fichier Diane va se révéler bien utile pour cerner la fiabilité de l’entreprise visée (dirigeants, actionnaires, comptes consolidés, conseil d’administration). D’ordinaire payant, ce registre est en accès libre via le Club des repreneurs d’affaires – il en existe un par département. Avec un maillage territorial dense, le réseau de la Chambre de commerce et d’industrie accompagne cédants et repreneurs. Les créateurs aussi. Mais pas de switch possible, ce ne sont vraiment pas les mêmes profils.

Murielle Wolski

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