On vous aura prévenus, clame l’Agence nationale de sécurité sanitaire – Anses : la lumière bleue perturbe le sommeil et… endommage les yeux. Or nous baignons de plus en plus dans cette satanée « lumière bleue », température de couleur 5 500-6 000 degrés Kelvin. Et pour cause. Depuis plus de dix ans, en quête d’économie d’énergie, nos sociétés ont banni les lampes à incandescence et les halogènes, voraces en ampères. Les ampoules « basse consommation », sorte de néon amélioré, ont tenté de prendre le relais, malgré leur temps d’allumage à l’origine poussif – aujourd’hui instantané – et leur éclairage réputé terne – aujourd’hui capable d’atteindre la lumière du jour à 6 000 K. Mais justement : une autre race d’ampoule s’est imposée au nom de ses avantages apparemment inégalables, les LED – Light-Emitting Diode, en français DEL, Diode électroluminescente, composant semi-conducteur électronique qui utilise des diodes électroluminescentes pour l’éclairage. Comment leur résister ? Les LED consomment 80 % d’électricité de moins que les ampoules classiques et jusqu’à dix fois moins que les ampoules basse consommation. Pire ! Leur durée de vie frôle les 25 ans – 25 à 50 fois plus qu’une ampoule à incandescence classique. Pourquoi « pire » ? Parce qu’elles nous agressent !
Alerte à malibleue
En 2010, l’Anses avait déjà rendu une expertise d’alarme : en validant le résultat d’études qui montraient la perturbation des rythmes biologiques causée par la lumière bleue des LED lors d’une exposition avant le coucher ou pendant la nuit, l’Agence avait recommandé un éclairage domestique réglementé, limité aux groupes de risques 0 et 1. Neuf ans plus tard, la garante de notre sécurité sanitaire ressort ses « warnings » bleutés : non seulement cette température de couleur affecte notre sommeil, mais il est démontré désormais qu’elle induit des effets toxiques sur la rétine. Entre autres travaux, ceux de l’université de Toledo, aux États-Unis, concluent qu’une molécule photosensible, la retinal, indispensable au fonctionnement des cellules photoréceptrices, détruit lesdites cellules après sa mutation sous l’effet de la lumière bleue. Que l’on subisse une exposition aiguë temporaire ou chronique sur le long terme et nous voilà susceptibles de déclencher une DMLA, dégénérescence maculaire augmentée.
Or la lumière bleue des LED nous sature : éclairage public, domestique, écrans des ordiphones*, des ordinateurs, des tablettes, des téléviseurs et même des éclairages de nos voitures baignent nos rétines. Non seulement nous perdons le sommeil, mais nous risquons la cécité à terme ! Encore plus grave : les LED modulent des longueurs d’onde variables. De quoi engendrer maux de tête, fatigue visuelle, risques accidentels.
Et la lumière fuit…
L’Anses le redit : il faut nor-ma-li-ser. Après tout, les LED « blanc-chaud » (éclairage de moins de 3 000 K) existent, il s’agit d’interdire les autres. Commission européenne ou gouvernements, à vos règlements, limitez le risque photobiologique à 0 ou 1 ! Obligez les équipementiers auto à baisser la température de couleur des phares, sans nuire pour autant à la sécurité. Et puis limitez cette foutue variation des sources lumineuses. Côté parents, fini le laxisme : avant le coucher, plus d’écrans. Le temps que ces mesures de santé publique ne soient prises par nos politiques aveugles (eux aussi), il nous reste à n’acheter que des mobiles multifonctions à écran traités anti-lumière bleue, à chausser des lunettes de protection et à préférer des télés traitées. Mais comme l’efficacité de ces protections se révèle aléatoire, il nous faut là aussi faire preuve de discernement.
Un ultime argument devrait inciter cette humanité bleuie à revenir au blanc-chaud : nos éclairages augmentent la mortalité des espèces animales et des végétaux. Forçons les édiles à choisir les LED – puisque LED il faut – à moins de 3 000 K et à limiter l’éclairage urbain : les rues désertes éclairées toute la nuit, ça suffit…
Olivier Magnan
* La Commission d’enrichissement de la langue française recommande « mobile multifonction » pour smartphone, ou mobile tout court. L’ordiphone canadien a du mal à s’imposer.