Congrès, salons, séminaires… les entreprises jouent leur image de marque

L’enjeu est on ne peut plus simple pour les entreprises : se différencier, marquer les esprits
tout en ne laissant rien au hasard.

«La force du salon reste la rencontre physique. Pour certains, c’est totalement irremplaçable : vous ne pourrez jamais faire déguster un verre de vin par l’intermédiaire d’un téléphone portable, aussi sophistiqué soit-il ! Je crois que plus on va vers un univers dématérialisé, plus le besoin de la rencontre physique se fera sentir. » Signé le sociologue Bertrand Pulman, dans les colonnes du Monde. Le MICE – acronyme de meetings, incentive, conventions, events –, le TAG en français – Tourisme d’affaires de groupe – lui donne raison : la rencontre humaine, le voyage occupent une place de plus en plus importante dans la stratégie des entreprises.

Dans le cadre d’un séminaire, d’une réunion ou d’un team building, il faut désormais penser et prévoir un thème qui s’inscrive dans l’air du temps. Et ce sont le sport, la nature, la ville, la mer, l’atypique et la technologie qui attirent. Bref, l’événement d’entreprise, les séminaires ou, en bon français, les incentives, naguère tarte à la crème de la com interne, passages obligés de l’année, sont désormais ressentis par la direction comme par les salariés comme de véritables moments de cohésion entrepreneuriale. Près d’une PME sur deux utilise des plates-formes en ligne pour organiser ses voyages, mais plus de la moitié des grandes entreprises restent fidèles aux agences spécialisées globalisées à l’instar d’un American Express Global Business Travel.

Au centre, la mobilité du collaborateur

Même le mouvement des gilets jaunes, en 2018, n’a pas empêché le millésime de s’inscrire parmi les records d’affluence en France, première destination des voyages d’affaires. Jamais le nombre de salons à Paris (446 en 2018) n’avait été aussi élevé avec près de 5 milliards d’euros de retombées économiques pour le territoire francilien. Les congrès ne sont pas en reste : la capitale, qui concentre plus des trois quarts des voyageurs « business » de l’hexagone, a hébergé pas moins de 1 192 manifestations de ce type.

Le marché du voyage d’affaires a sensiblement remonté la pente après avoir connu les difficultés issues de la crise de 2009. Pourtant, « il ne s’agit plus de voyager à tout prix, même si la rencontre physique reste importante pour signer un contrat. D’autres outils ont pris le relais, comme la visioconférence », pondère Michel Dieleman, président de l’Association française du travel management (AFTM). L’association relève deux défis majeurs auxquels le secteur est actuellement confronté : « Dans la réalité de son quotidien, les travel managers deviennent de plus en plus des mobility managers. Ils sont malheureusement encore trop peu à en recevoir le titre. L’AFTM est justement là pour accompagner les entreprises dans leur réorganisation qui doit mettre au centre la mobilité du collaborateur. C’est l’un des objectifs forts de notre comité de développement composé d’acteurs précurseurs en la matière. »

Une étude du cabinet Epsa, publiée en septembre 2018 dans le cadre du salon spécialisé IFTM Top Résa, a indiqué que l’achat des déplacements professionnels via agence en baisse depuis dix ans avait repris des parts de marché en 2018. Désormais, les agences misent sur des outils mêlant simplicité d’utilisation et maîtrise de la dépense.

Développer l’image de marque

De son côté, le marché du voyage événementiel a généré 7,3 milliards d’euros de dépenses des entreprises françaises en termes de séminaires, de congrès et de déplacements « motivationnels »,soit une hausse de 4,2 % par rapport à 2017, selon le cabinet Epsa. Le MICE représente en moyenne 26 % du budget déplacements des entreprises. « Ce secteur se porte bien, avec une légère croissance. Les réunions et événements jouent, de plus en plus, un rôle important dans la croissance et le développement de l’image de marque des entreprises. On constate une recherche permanente de l’innovation : nouveaux lieux, formats repensés, prise de parole plus “aspirationnelle”®, l’utilisation des réseaux sociaux comme caisse de résonance », détaille Stéphane Vallageas, président de GBTA – Global Business Travel Association – France. Et les enjeux ne manquent pas : ré-imaginer les formats des événements pour les rendre écoresponsables ou se différencier et maximiser l’expérience des participants. En définitive, les entreprises doivent proposer des événements plus personnalisés, inhabituels et « mémorables ». 67 % des gestionnaires de voyages considèrent la personnalisation du déplacement comme une priorité. L’intelligence artificielle devrait faciliter cette recherche du sur-mesure.

Au cours des dernières décennies, les attentes des voyageurs business ont fortement évolué. La réussite du séjour ne se résume plus à la facilité de réservation ni au confort des équipements : l’heure est aux expériences de voyage créatives et connectées. Le secteur du voyage d’affaires est ainsi considérablement impacté par l’arrivée des millenials sur le marché du travail. Ultra-connectée, addict au mobile, cette génération de digital natives pousse les établissements hôteliers à se réinventer, tant dans le parcours client que dans les équipements mis à disposition dans les chambres d’hôtel. Même si les générations précédentes constituent encore la majeure partie des voyageurs business, les professionnels de l’hôtellerie ont fort intérêt à intégrer dans leur stratégie d’acquisition les nouvelles attentes des Y et des Z.

L’Île-de-France, un pôle d’attractivité

Lieux d’échanges et d’innovation, mais surtout lieux de rencontres entre professionnels, entre entrepreneurs et investisseurs, entre clients et fournisseurs, les centres d’exposition et de congrès participent à la dynamique économique et au développement territorial de Paris, plus largement de la région francilienne et de la France. « Avec environ 700 000 m² d’espaces couverts, Paris Île-de-France propose la première offre de surfaces d’exposition en Europe, des équipements riches et variés de toutes tailles répartis de façon équilibrée sur l’ensemble du territoire », aime à rappeler Didier Kling, président de la CCI Paris Île-de-France.

Parmi les centres majeurs capables d’accueillir de grands événements nationaux et internationaux, on citera pêle-mêle Paris Nord-Villepinte, Paris Expo Porte de Versailles, Paris Le Bourget, le Palais des congrès de Paris… Les centres de taille intermédiaire concernent la Grande halle de la Villette, Business Solutions by Disneyland Paris, le Paris Event Center, le Parc floral de Paris, l’Espace Jean Monnet, l’Espace Champerret, les Docks de Paris, le Carrousel du Louvre… Enfin les « petites surfaces » incluent l’Espace Grande Arche, le Palais des congrès Paris Saclay, la Maison de la mutualité, la Cité des sciences et de l’industrie Universcience, l’Espace Charenton, la salle Wagram, le Palais Brongniart, le Palais des congrès d’Issy, le Palais des congrès de Versailles, la Chesnaie du Roy…

Paris Nord Villepinte (246 312 m2) s’impose aujourd’hui comme le plus grand site d’exposition et de congrès national et le 6e plus grand parc d’Europe derrière Messe Frankfurt (393 838 m2), Messe Hannover (392 453 m2), Milan Rho Pero (345 000 m2), Koelnmesse (284 000 m2), Moscou Crocus Expo (254 960 m2) et Messe Düsseldorf (248 580 m2). La compétition à laquelle se livrent les sites d’exposition et de congrès à l’échelon international ne se limite pas à une course au gigantisme. Les visiteurs, exposants et congressistes exigent également plus d’innovations, de services et de confort. Pas étonnant si plusieurs sites franciliens ont lancé des travaux de rénovation depuis quelques années.

Le choix fondamental de l’hôtel

Poste stratégique par excellence dans un déplacement, l’hébergement à l’hôtel revêt une importance capitale. Face à une offre pléthorique, comment assurer les bons choix pour atteindre ses objectifs business ? La sécurité arrive en tête des préoccupations des entreprises, pas question de négliger cet aspect. Autre tendance : « Les voyageurs d’affaires aiment allonger leur séjour, que ce soit avant ou après l’événement pour lequel ils se déplacent. Pour répondre à cette demande, de plus en plus d’hôteliers créent des forfaits qui allient affaires et agrément », explique Julie Payeur, analyste en veille stratégique. De nombreux hôtels ont adapté l’aménagement pour répondre aux besoins des voyageurs d’affaires. Par exemple, des lobbys plus adaptés, des espaces de travail collaboratif plus stimulants. « De plus en plus, les voyageurs d’affaires ont besoin d’être accompagnés par la technologie et l’apprécient davantage », souligne Julie Payeur. Le numérique, surtout, orchestre l’événement dans la durée. Plusieurs établissements voient de nombreux avantages à accélérer l’enregistrement, à proposer des chambres « intelligentes » ou à offrir des technologies nouvelles, comme le paiement virtuel ou la reconnaissance faciale. « Certains hôtels ont même choisi d’adapter le menu de leurs restaurants ou de miser sur leur centre de conditionnement physique ou sur des cours de yoga pour rappeler aux voyageurs d’affaires qu’ils peuvent maintenir leur équilibre de vie. »

Séminaires : des réunions « cadrées » sur deux jours

Face à la révolution numérique, le séminaire affiche sa résistance. Certes, les « conf calls » et réunions Skype se développent, mais quand il s’agit de motiver ou remercier ses collaborateurs, le format séminaire reste plébiscité. Bien sûr, dans un monde où tout va toujours plus vite, « l’expérience » et l’efficacité sont de rigueur. Il faut surprendre son hôte, lui proposer des activités ludiques marquantes. Prestige Sodexo organise par exemple des réunions en bateau à Paris, sur la tour Eiffel ou au Lido. Pernod Ricard, lui, ouvre son vaste domaine dans la vallée de Chevreuse à ses collaborateurs. Rien de mieux pour souder une équipe ! Pour autant, constatent les professionnels, le temps est compté et la durée des séminaires n’excède guère deux jours. Dans ce cadre, les entreprises privilégient, quand elles le peuvent, le tout-en-un. De plus en plus de CAC 40 louent le campus de Pernod Ricard pour leurs propres séminaires avec comme triple objectif de bénéficier de la convivialité propre au numéro deux mondial des spiritueux, de son savoir-faire pratique, mais aussi d’une infrastructure dédiée. Pas de perte de temps entre les moments de travail, intimes et ludiques puisque tout est regroupé au sein du château. « Les collaborateurs extérieurs plébiscitent notre offre de séminaire. Ils sont ravis de partager l’expérience Pernod Ricard et sentent leur esprit d’équipe renforcé. Preuve de notre succès, certaines entreprises du CAC 40 viennent nous rendre visite chaque mois », se félicite Carole Misset, la directrice du campus Pernod Ricard à La Voisine (lire interview).

Jonathan Nahmany avec P.J. Lepagnot et A.belghiti Alaoui

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