Quel constat portez-vous sur la conjoncture mondiale ?
L’économie mondiale est mal en point comme le souligne la récente révision à la baisse des prévisions de croissance du FMI. La guerre commerciale n’améliore pas la situation tout comme l’issue incertaine du Brexit ou encore les difficultés à mettre en place une nouvelle gouvernance européenne dont on aimerait pouvoir escompter des initiatives en faveur de la croissance. En outre, l’inflation pointe plus que jamais aux abonnés absents.
Pourtant, les taux longs se sont récemment redressés, n’est-ce pas paradoxal ?
Il apparaît difficile de trouver des justifications solides à cette remontée des taux. Des trois scénarios susceptibles de l’expliquer, aucun ne parvient à convaincre. Le premier suggérerait que le diagnostic pessimiste sur la croissance mondiale soit erroné. Les marchés estiment que les États-Unis et la Chine finiront par trouver un accord commercial qui relancera la conjoncture mondiale. Je pense néanmoins qu’il est un peu tôt pour prendre un tel pari et une déception sur ce dossier chaud pourrait tirer de nouveau les taux vers le bas. Le deuxième scénario serait que les marchés soient plus hésitants sur l’action à venir de la FED, dans la mesure où Powell a, à plusieurs reprises, souligné sa préférence pour un statu quo des FED Funds. Cette hypothèse apparaîtrait cependant malvenue dans le contexte de volatilité des marchés et on peut imaginer qu’une telle déception serait suivie sans tarder d’une correction baissière des taux longs. Une dernière explication serait que les investisseurs aient intégré que les marges de manœuvre des banques centrales sont devenues extrêmement ténues. Ils spéculeraient donc sur un relâchement généralisé des politiques budgétaires. Pourtant, rien dans les écarts de rendements entre les pays européens ne laisse présumer que tel soit le risque qu’intègrent les marchés. Au final, cette remontée des taux apparaît donc comme essentiellement épidermique et peu durable.
La BCE peut-elle encore soutenir favorablement l’économie ?
La BCE et la FED ont fait ce qu’elles devaient pour contrer les risques financiers post-crise de 2008. Mario Draghi a sauvé la zone euro, il a cependant échoué à rétablir une croissance soutenue qui puisse s’accompagner d’un retour de l’inflation vers 2 %. Rien de tellement surprenant. Les maux dont souffrent les économies développées ne sont pas uniquement monétaires et les remèdes des banques centrales ne sont pas suffisants. C’est bien la raison pour laquelle Mario Draghi a explicitement demandé aux gouvernements européens de profiter de la faiblesse des taux pour s’endetter afin de lancer des plans d’investissements porteurs de croissance future. C’est au tour du politique de prendre le relais.
Propos de Véronique Riches Flores, fondatrice du cabinet Riches Flores Research