Bruxelles et Bercy se relaient pour imposer des mesures toujours plus restrictives à l’encontre des automobiles attribuées dans les entreprises aux managers et dirigeants. Fiscalité exorbitante, émissions de CO2 trop élevées, poids excessif, les voitures haut de gamme n’ont pas la cote auprès du législateur. Même en version électrique, ces véhicules premiumpourraient ne plus bénéficier intégralement du bonus écologique. En attendant, les constructeurs pensent toujours à ce segment de clientèle…
Plus que de longs discours, les programmes d’investissement annoncés par les constructeurs automobiles suffisent à illustrer leur détermination à imposer très vite des voitures électriques dans leurs catalogues. Audi explique ainsi l’arrivée de 30 modèles électrifiés dans sa gamme d’ici à 2025, dont 20 entièrement électriques. Plus largement, le groupe Volkswagen va investir 60 milliards d’euros avant 2024 dans la voiture du futur, dont 33 milliards uniquement dans sa gamme 100 % électrique. 70 modèles électriques qui seront lancés d’ici à 2028 avec un objectif de ventes de 26 millions de voitures électriques dans le monde en 2029. Auxquelles s’ajoutent près de six millions de modèles hybrides.
Chez BMW, ce sont 25 modèles électrifiés (dont plus de la moitié 100 % électriques) qui seront proposés en 2023. La marque automobile bavaroise prévoit de vendre en 2021 deux fois plus de modèles électriques qu’en 2019. Même Porsche ne fait plus mystère de son futur sur batteries. Comme l’a révélé Klaus Zellmer, patron de la marque pour l’Amérique du Nord, « à partir de 2025, la moitié des véhicules produits seront dotés d’une prise électrique applicable à des véhicules hybrides rechargeables ou à des modèles 100 % électriques ».
Quant à Lexus, marque haut de gamme du groupe Toyota et précurseur dans le domaine des motorisations hybrides, elle va également élargir les choix de motorisations disponibles dans sa gamme. Arnaud Martinet, responsable du département ventes aux sociétés de Toyota-Lexus France, annonce la couleur : « 35 modèles électriques, hybrides et hybrides rechargeables, de marques Lexus et Toyota, vont faire leur apparition dans notre gamme d’ici à 2025. Dès 2020, Lexus commercialisera le nouveau UX300e, un SUV premium 100 % électrique destiné aux entreprises. »
Le courant passe dans le haut de gamme
Si l’ensemble des constructeurs suivent la même démarche, c’est que l’enjeu est de taille. Les instances européennes les obligent à partir de 2021 à réduire à 95 g de CO2 par kilomètre la moyenne des émissions de CO2 rejetées par les modèles commercialisés dans l’année. Tout gramme supplémentaire sera taxé d’une amende de 95 euros et les fabricants de voitures qui n’atteindraient pas leurs objectifs de réduction d’émissions pourraient se voir infliger des amendes de 500 millions à 1 milliard d’euros ! De quoi réfléchir à son offre…
Autant dire que pour les marques automobiles opérant sur le segment des voitures de direction, l’introduction de modèles électriques et hybrides est un passage obligé. Selon une étude réalisée par Jato Dynamics, le marché des grandes routières premium a reculé de 10 % dans le monde au cours des premiers mois de 2019 alors qu’il avait progressé de 3,5 % en 2018. En Europe, cette baisse a été de 13 % – notamment pour les voitures diesel –, alors que les modèles électrifiés étaient eux en hausse de 21 %. Sur cette même période, ce sont les ventes de voitures hybrides rechargeables qui ont le mieux évolué en enregistrant une progression de 60 %.
Voiture de direction : fiscalité accrue !
Une évolution qui répond aux menaces qui pèsent sur les ventes de voitures haut de gamme. Au premier janvier prochain, avec le nouveau malus, un modèle émettant 160 g/km sera taxé à 6 724 euros au lieu de 3 113 aujourd’hui. Et ce n’est pas tout. La loi de finances 2020 prévoit également l’introduction du nouveau protocole d’homologation WLTP au 1er mars 2020. À cette date, une nouvelle grille de malus entrera en vigueur qui tiendra compte de ce nouveau mode d’homologation plus sévère en moyenne de 24 % sur le calcul des taux d’émissions de CO2. Si l’on ajoute la hausse prévisible de la taxe sur les véhicules de sociétés (TVS), c’est un véritable coup de massue fiscal auquel doivent s’attendre les flottes d’entreprises dans les prochains mois. Et nombreuses sont celles qui commencent à orienter leurs choix de voitures de direction vers des modèles électriques et hybrides. Mais là également, les modèles les plus chers pourraient ne plus bénéficier intégralement du bonus écologique accordé aux véhicules électriques.
Flottes : le choix de l’usage plutôt que des coûts
Comme l’évoque Arnaud Martinet, « dans la constitution de leur car policy, les gestionnaires de parcs seront désormais beaucoup plus guidés par l’usage des véhicules que par les coûts d’utilisation des modèles. Les flottes vont connaître une plus forte mixité. Elles seront constituées d’une variété de modèles essence, hybrides, hybrides rechargeables et électriques, et toujours des modèles diesel pour des usages à forts kilométrages. »
Reste que dans le domaine du haut de gamme, les modèles électriques proposés aux managers ou aux membres du comex des entreprises se résument à une offre de cinq modèles actuellement : Audi e-Tron, Jaguar iPace, Mercedes EQC, Tesla Model S et Model 3. En revanche, le choix de voitures hybrides se révèle beaucoup large. Toutes les marques haut de gamme ont ainsi déployé ces derniers mois des variantes hybrides rechargeables dans leur portefeuille de modèles. Principal atout : avec l’hybride rechargeable, le moteur thermique est associé à un moteur électrique, lequel procure une autonomie de près de 60 km. Surtout, lors de leur homologation, les consommations et les émissions polluantes de ces modèles sont mesurées durant la phase de démarrage au cours de laquelle le recours à l’énergie électrique est prédominante. Ces modèles hybrides rechargeables sont ainsi annoncés pour des consommations moyennes très faibles et avec des niveaux d’émissions de CO2 qui les placent à l’abri du malus écologique.
L’hybride a la cote !
Ainsi de la Peugeot 508 hybride, annoncée pour une consommation de 2,2 l/100 km et 54 km d’autonomie électrique. Cette version « plug-in » de la 508 a été homologuée pour seulement 29 g/km de CO2. Dans ce même esprit, le SUV Peugeot 3008 Hybrid4 adoptera une technologie développant 300 ch et disposera d’une autonomie de 59 km en énergie électrique seule. Sa consommation est homologuée pour 1,3 l/100 km et seulement 29 g/km de CO2. Toujours chez PSA, le DS7 Crossback sera proposé en fin d’année en version e-Tense. Une version hybride rechargeable homologuée avec 31 g/km de CO2 et 1,4 I/100 km de consommation ; elle disposera d’une autonomie de 58 km en mode « zéro émission ».
Chez Volvo, pour compléter l’offre des SUV hybrides de la marque, c’est la nouvelle berline S60 T8 hybride rechargeable qui crée la nouveauté. Dotée d’une puissance de 405 ch, cette grande berline annonce une consommation de 2,1 l/100 km et 48 g/km de CO2.
De même, chez Mercedes, les Classe A et Classe B sont proposées désormais avec la technologie hybride rechargeable et disposent en version 250 e, de 218 ch et 60 km d’autonomie tandis que la consommation est annoncée pour 1,6 l/100 km, soit 32 à 36 g/km de CO2.
Parmi les marques premium allemandes, Audi suit la même démarche avec le développement de sa gamme plug-in. Il en va ainsi des Q5, A6, A7 et A8 proposées avec une autonomie de 40 km lorsqu’elles sont en mode électrique. L’Audi Q5, l’A6 et l’A7 notamment sont proposées dans deux niveaux de puissance 50 TFSI e quattro de 299 ch et 55 TFSI e quattro de 367 ch. Enfin, du côté de BMW, la technologie hybride touche désormais le SUV X5 xDrive 45 e et la berline Série 3 en version 330 e. Laquelle allie une puissance de 300 ch, une autonomie électrique de 50 km et des émissions de CO2 de 39 g/km. Des performances qui ne mettent cependant pas ces modèles hybrides à l’abri d’une fiscalité à l’avenir plus sévère.
Jean-Pierre Lagarde