Il est devenu l’un de ces héros un peu mythiques dont on ne sait s’il est bon ou mauvais, blanc ou noir, bandit ou victime. Michel Vaujour a défrayé tant de chroniques, d’évasions en braquages, de documentaire en film, d’émissions de radio en livres, qu’il semble l’une de ces figures familières françaises, odieux pour les uns, exemple pour d’autres. Un Mesrine. Ou un Papillon. Mais en tout cas une image du Rebond avec majuscule. Cet homme sans sang sur les mains est aujourd’hui libre après 27 ans de prison. Sauvé du naufrage par l’amour d’une femme…
Le résumé de la vie de Michel Vaujour qu’une page Wikipédia balance laconiquement, sans émotion, semble tout à fait simple. En le présentant comme un « braqueur français » en guise de profession, le rédacteur de la notice enferme l’homme dans une seule des facettes de l’individu, comme si l’on décrochait le titre de braqueur après avoir passé l’examen de « dangereuse crapule ». Il en est, de ces dangereuses crapules, bien sûr, et bien des mecs rudoyés par leur père alcoolique ne sont pas devenus « bandit » récidiviste, comme Vaujour. Mais lui, si.
Résumé style Wikipédia : soumis à la violence d’un père alcoolique qui bat sa femme, il est abandonné, confié à sa tante à 4 ans, qu’il perd à 8, alors qu’il était heureux près d’elle. Revenu auprès de ses parents, il vit l’existence d’un gamin qu’aime une mère battue. Quand, à 18 ans, ouvrier, il pique des bagnoles pour emmener danser sa petite amie, le voilà coincé et incarcéré. Pas son père qui, pourtant, en 2020, relèverait d’une peine bien plus sévère que celle qu’il risque. Or, Michel Vaujour, pour des balades en autos volées – et pas même accidentées ni brûlées –, écope de trente mois de prison et de cinq ans d’interdiction de séjour dans 21 départements. Sous l’Ancien Régime, on parlait de bannissement ou d’excommunication.
À en croire Michel Vaujour lui-même, une telle sévérité s’expliquerait par l’intervention d’un policier devenu l’amant de sa petite amie… Quelle que soit la cause, c’est aberrant. Et la révolte du jeune homme de moins de 20 ans va se transformer en violence, évasions, rebraquages, ré-emprisonnements, etc. Au total, 95 ans de condamnation théoriques…
Des rebonds : l’amour, le yoga, entreprendre
Michel Vaujour, comme l’explique sa fiche Wikipédia, entre dans le grand banditisme, mais ce grand amoureux va rencontrer les femmes de sa vie. Elles vont toutes le porter et l’aider à s’évader, telle Nadine qui portera l’abnégation jusqu’à passer sa licence de pilote d’hélicoptère pour venir le cueillir sur le toit de la prison de la Santé en 1986. Elle se livrera par la suite et Michel Vaujour lui-même sera repris. La fiche succincte de Wikipédia s’arrête à peu près là, après l’épisode d’un énième braquage au cours duquel, avec ses grenades factices, celui qui n’a jamais tué reçoit une balle dans la tête.
Ce qui devient riche, c’est la lecture de l’énorme livre que le « braqueur français » publie chez XO Éditions en septembre 2018. Cette fois, on écoute la « voix » du personnage. C’est un roman que sa vie. Forcément, on se prend de sympathie pour le narrateur, mais dans l’absolu l’on comprend que braqueur ou pas, grand bandit ou non, cet homme est courageux, intelligent, habile et… sincère en amour. Sa femme actuelle, Jamila, visiteuse de prison, qui subira cinq ans de détention pour l’avoir aidé à s’évader, reste à ses côtés après l’avoir convaincu de devenir un détenu exemplaire. Pour l’unique fois peut-être dans les annales judiciaires, un condamné sera remis en liberté quand il lui reste 16 années de détention à vivre, après un plaidoyer en commission qui sort de ses tripes. L’amour explique-t-il à lui seul son immense rebond qui fait de lui aujourd’hui un homme libre ? Selon toute vraisemblance, oui, mais il ne faut pas oublier sa rencontre avec le yoga, à 22 ans, au QHS de Chaumont, son écoute d’émissions de spiritualité sur France Culture, sa pratique des échecs à haute dose, le jeûne régulier qu’il pratique « pour dépasser nos petits conditionnements » et sa découverte de la littérature : « De Mickey, je suis passé à Giono, Rilke, Nietzsche, Zweig et les poètes persans », racontera-t-il dans Paris-Match en 2018.
Michel Vaujour ne nous dit rien, au terme du livre de 530 pages qui raconte sa ou ses vies, de ses nouveaux moyens d’existence. On sait que les deux rebondisseurs, mari et femme, sont associés dans une petite maison d’édition spécialisée dans la publication de brochures pour municipalités. Entreprendre comme résurrection. Et l’écrivain Vaujour doit bientôt publier un thriller, Du noir de chez noir ! On l’espère revenu définitivement au blanc éclatant.
Olivier Magnan
Ce qu’en disent les Rebondisseurs Français, association partenaire des Trophées Optimistes
Le rebond peut prendre plusieurs voies. Le parcours singulier de Michel Vaujour, qui débute par la délinquance (vols, braquages, évasion) et qui prend un virage entrepreneurial pour se reconstruire pourrait servir d’exemple. Un choix de vie étonnant guidé par le yoga et l’amour.