Face à la faiblesse des taux d’intérêt, les épargnants n’ont plus le choix : il faut prendre des risques. Pour éviter de se faire (trop peur), miser sur la diversification.
Nul besoin d’être un économiste averti pour le savoir. La retraite est un sujet qui préoccupe les Français/es. Alors que le gouvernement entend faire passer son projet de loi controversé sur la réforme des retraites, il apparaît que les ménages en capacité d’épargner sont, plus que jamais, conscients que la retraite par répartition ne suffira pas à couvrir leurs besoins futurs. Dans son étude annuelle sur les attitudes et opinions des épargnants à l’égard des placements élaborée en 2019, l’Autorité des marchés financiers observe que l’épargne retraite constitue l’une des priorités des Français/es lorsqu’ils mettent de l’argent de côté. L’immobilier est privilégié, l’intérêt pour les placements en actions reste limité. Ainsi, 71 % des interrogés placent parmi leurs priorités d’épargne l’objectif de « disposer d’un capital en vue de la retraite, pour avoir suffisamment d’argent tout au long de votre retraite » et 38 % la qualifient de « préoccupation forte ». La première de ces préoccupations reste de « faire face à d’éventuelles dépenses imprévues » : 53 % des actifs déclarent mettre de l’argent de côté en préparation de la retraite, un chiffre à la hausse ces deux dernières années (48 % en 2017). Seulement un actif sur cinq (21 %) le fait régulièrement (dont 86 % tous les mois). Le montant moyen épargné par nos concitoyen/nes en préparation de leur retraite s’élève à 2 300 euros par an (100 euros de plus que l’année précédente).
1 – L’immobilier, placement préféré
Interrogés sur le placement considéré comme « le plus adapté pour placer son épargne sur le long terme, à 15-20 ans, pour la retraite par exemple », les Français/es répondent en premier lieu l’immobilier. Dans un environnement de taux d’intérêt toujours bas où les placements financiers garantis ne rapportent quasiment rien et face à une Bourse qui reste volatile, l’immobilier continue de séduire. « Cet investissement dans un bien tangible rassure. Il est palpable, et la perte en capital apparaît quasi impossible. De plus, la pierre est le seul placement à pouvoir se financer à crédit. C’est donc un moyen efficace pour se constituer un patrimoine mois après mois grâce au remboursement du prêt », indique Stéphane van Huffel, cofondateur de Netinvestissement. Selon lui, tous les produits disponibles, Pinel, Denormandie, Malraux, SCPI, résidences services, suscitent l’intérêt des investisseurs. « Les Ehpad, dit-il, sont intéressants dans la mesure où ils livrent une rentabilité nette d’impôts comprise entre 3 et 5 % par an. Et puis l’allongement de la durée de la vie rend ce placement particulièrement intéressant. Les résidences étudiantes gardent également le vent en poupe, mais tout dépend de l’emplacement. Je pense que le marché secondaire des résidences services est plus rassurant pour un particulier car l’on peut consulter les comptes d’exploitation de la résidence et constater si elle est bien gérée. » Philippe Malatier, associé fondateur de K&P Finance rappelle que l’investissement en résidences services, via le statut de Location meublée non professionnelle (LMNP), est fiscalement attractif. « Le statut de LMNP autorise de déduire des loyers une somme liée à l’amortissement des murs et du mobilier. L’impôt à payer sur ces revenus locatifs est gommé plus ou moins intégralement durant plusieurs années. » Dans le cadre du statut LMNP, l’investisseur n’est même pas obligé d’utiliser le levier du crédit pour acquérir son bien. « En revanche, prévient Malatier, l’investissement dans un Pinel doit se faire absolument par le crédit afin de supprimer la fiscalité sur les revenus locatifs. Ne pas le faire serait une hérésie fiscale ! »
Pour doper le rendement, Philippe Malatier souligne les charmes de l’outre-mer. Basée sur le même modèle que la loi Pinel en métropole, la loi Pinel outre-mer est encore plus avantageuse puisqu’elle offre de bénéficier de réductions d’impôts sur le revenu jusqu’à 32 %, contre « seulement » 21 % dans l’hexagone. Comme en métropole, vous aurez droit à une réduction d’impôt si vous louez votre bien pour une période de 6, 9 ou 12 ans. Pour 6 ans, vous bénéficierez de 23 % de réduction d’impôt, de 29 % pour 9 ans et de 32 % pour 12 ans. « Ce placement offre généralement un meilleur rendement et une meilleure défiscalisation que le Pinel. Il faut veiller à investir dans des résidences premium bien placées dans la perspective de la sortie du dispositif. De surcroît, à l’issue des 6, 9, ou 12 ans, vous aurez une autre possibilité de sortie en passant le bien, si l’emplacement s’y prête, en location saisonnière. La zone Caraïbes est par exemple prisée des touristes français comme internationaux qui fuient les tensions géopolitiques actuelles au Maghreb notamment. »
Pour sa part, Geoffroy de Bouillane, fondateur de Geo Patrimoine, se montre plus prudent vis-à-vis des résidences services en raison du risque de révision à la baisse des loyers à la fin du bail entre l’épargnant et le gestionnaire. « Pourquoi ne pas allouer 10 % de son capital dans un Ehpad, mais je pense que la clé d’une bonne gestion patrimoniale reste la diversification. À la limite, le dispositif Denormandie, qui cible l’ancien dans les centres-villes, apparaît un placement plus rassurant. » Globalement, dans l’immobilier en outre-mer comme en métropole, la sélectivité reste de mise. Il faut cibler des communes dotées d’un marché immobilier actif avec une demande locative pérenne, et, bien sûr, ne pas suracheter son bien.
2 – Diversifier son placement en SCPI
Les SCPI : les professionnels restent globalement favorables. Avec un rendement moyen de plus de 4,5 % en 2018, les SCPI promettent en 2019 de dépasser encore le record de collecte, atteint en 2017 avec 6,3 milliards d’euros (de source Aspim). Accessibles, à partir de quelques centaines d’euros, les SCPI restent le moyen pour les particuliers d’investir dans l’immobilier tertiaire, et notamment dans des actifs susceptibles d’atteindre jusqu’à plusieurs centaines de milliers, voire de millions d’euros de valorisation. Liquides, et même si l’acquisition de parts de SCPI reste un investissement de long terme, il est possible, en cas de nécessité, de les céder rapidement. Les SCPI offrent en outre de multiples solutions pour diversifier son patrimoine dans de l’immobilier de bureau, du commerce, de la logistique, d’actifs de santé, de l’hôtellerie… « Il existe plusieurs types de SCPI qui offrent des rendements, mais aussi des risques, différents. Dans ce cadre, je conseille fortement aux épargnants d’investir dans plusieurs SCPI afin de lisser le risque. Les SCPI sont essentiellement des placements de long terme qui répondent principalement à un besoin des investisseurs de diversifier leur patrimoine et d’obtenir un complément de revenus réguliers, par exemple pour leur retraite », rappelle Gregory Lecler, gérant fondateur du cabinet Prudentia.
3 – Le potentiel sous-estimé des actifs financiers
Si l’immobilier constitue le placement préféré des Français/es, les observateurs regrettent leur manque d’appétence pour la Bourse, en direct, dans un PEA, un PER ou une assurance vie. Selon l’AMF, les placements investis en Bourse (actions, obligations, fonds…) recueillent une bonne note (entre 7 et 10 sur 10) auprès de seulement 29 % des personnes sondées. Plus généralement, la confiance dans les placements en actions a baissé en 2019, à 21 % contre 27 % en 2018, comme le montre la nouvelle édition de la Lettre de l’observatoire de l’épargne. La proportion des Français/es qui envisagent un investissement en actions dans les 12 prochains mois reste limitée à une personne sur cinq (19 % en 2019). Pourtant, rappelle Geoffroy de Bouillane, les contrats en euros ne rapportent plus rien. « Les épargnants sont aujourd’hui obligés de prendre des risques et donc d’avoir une vision de long terme. Pour limiter ces risques, je le répète, il faut diversifier, avec un peu d’immobilier, de SCPI et des fonds, notamment actions. » À cet égard, ajoute l’ancien spécialiste des marchés, « de nombreux fonds ont sous-performé l’an dernier, en général ceux spécialisés dans les mid et small caps. Ces fonds, qui n’attirent pas les particuliers, sont sous-valorisés et mériteraient plus d’attention. Enfin, les actions n’ont jamais déçu sur le long terme. Si le CAC 40 avait retrouvé en fin d’année dernière son plus haut niveau depuis juillet 2007, il affiche un rendement positif en prenant en compte les dividendes réinvestis ». Un point de vue partagé par Albert d’Anthoüard, directeur de la clientèle privée chez Nalo. « Les Français/es ont été éduqués dans la culture du fonds en euros et du livret A, des placements rassurants qui nourrissent un sentiment de prise de risque nul. Mais l’investissement sans risque n’existe pas », explique-t-il. « Dans le même ordre d’idée, on ne peut plus se permettre d’opposer le fonds euros non risqué aux unités de compte risquées. Les deux sont des classes d’actifs à part entière qui doivent être intégrées au sein d’allocations réfléchies, afin de maximiser la performance de l’investisseur tout en maîtrisant son exposition au risque. » Pour Jean-François Lucq, directeur de l’Ingénierie patrimoniale de Banque Richelieu France, l’investissement d’actifs financiers via l’assurance vie constitue une priorité. « L’assurance vie, en dehors des investissements en immobilier non coté et SCPI, est exonérée d’IFI et reste un outil de transmission du patrimoine particulièrement efficace », rappelle le spécialiste. De plus observe-t-il, « avec l’augmentation de l’espérance de vie, la retraite est mécaniquement de plus en plus longue. Fort de ce constat, et compte tenu du niveau actuel des taux obligataires, l’investissement en actions représente une option susceptible d’apporter un complément de revenu, au prix d’une acceptation de variation du capital ». Dans cette perspective, Alexandre Hezez, stratégiste du Groupe Richelieu, recommande de miser sur des actions stables mais également sur des valeurs de croissance pour soutenir le rendement global du placement. « Pour réduire le risque du portefeuille actions, les investisseurs devraient utiliser le coussin du dividende pour acquérir, progressivement, des actifs plus risqués. » « En règle générale, le patrimoine d’une grande fortune obéit aux grands principes de la diversification : il est constitué pour partie d’actifs financiers et pour partie d’immobilier », rappelle Jean-François Lucq.
Pierre-Jean Lepagnot