Le parcours du combattant d’une start-up qui pense pouvoir sauver des milliers de contaminé·es sévères.
Éditorial, article de présentation, annonce d’un accord de production avec un laboratoire pharmaceutique, ÉcoRéseau Business s’est engagé depuis quelques semaines dans la mise en avant des travaux d’une jeune start-up nantaise, la biotech Xenothera, détentrice à notre sens d’une partie de la solution : Xenothera a mis au point depuis 2016 des anticorps polyclonaux glyco-humanisés (comprendre qu’ils n’engendrent pas de réaction inflammatoire) efficaces sur les coronavirus, dont le XAV-19 ciblé Sars-CoV-2.
Administré à des malades sévèrement atteints, il est capable de réduire l’attaque virale sans effet ADE (Antibody-dependant enhancement, mécanisme inflammatoire qui aggrave au lieu de soigner). Mais pour l’heure, et même si un laboratoire pharmaceutique spécialiste des maladies infectieuses, le LFB, vient de conclure un accord de production de lots pharmaceutiques du XAV-19, la biotech se bat dans le désert pour que les autorités de santé – armées de leurs « comités Théodule », comme nous les avons nommés avec quelque ironie – s’intéressent à cette avancée majeure. Au lieu de quoi, on tente de prélever des anticorps à des malades guéris, en sachant que ce balbutiement d’expérimentation ne pourrait aboutir que dans un délai indéterminé et lointain…
Pour comprendre comment Xenothera est à notre sens aussi porteur d’espoir, force est de conter son histoire à travers un entretien exclusif mené avec sa présidente, la docteure Odile Duvaux.
Une chercheuse devenue cheffe d’entreprise
Tout commence vraiment en 2014, quand Odile Duvaux comprend que les travaux d’une équipe scientifique nantaise, associée à des chercheurs italiens, sur les transplantations xenogreffes (organes d’animaux destinés à l’humain), au sein de l’école d’immunologie de Nantes, méritent de se développer dans le cadre d’une entreprise. À l’origine, les recherches et résultats du professeur Jean-Paul Soulillou, enseignant d’immunologie nantais, et ceux de l’Institut de transplantation de Nantes, l’Itun.
Le parcours d’Odile Duvaux explique cet aboutissement à Xenothera.
Médecin normalienne, elle a suivi dix ans de recherche fondamentale en neurobiologie et immunologie auprès du professeur Jean-Pierre Changeux dont le premier livre, L’homme neuronal en 1983, est resté un repère. La chercheuse bascule dans le privé pour modéliser au sein d’Auchan des approches biologiques de l’organisation des entreprises, puis crée un cabinet de conseil en stratégie et organisation. Son arrivée à Nantes va lui donner l’idée de créer Xenothera avec huit associés.
Se concentrer sur les anticorps ciblés sur le SARS-CoV-2
Le premier produit, le Lis1, sera le creuset de toute une série de découvertes et de brevets autour des anticorps antiviraux, dès 2015. Il fonctionne en expérimentation animale sur l’Ebola dont la mise en sommeil devient l’occasion pour Odile Duvaux de travailler sur les coronavirus. L’immunologue est persuadée que des pandémies de type Sars-Mers attendent leur heure. Après des travaux sur les bactéries résistantes qui aboutissent à la mise au point d’une parade, le XAB-05, en essai clinique en 2021, la survenue de la covid-19, maladie engendrée par le Sars-CoV-2, pousse Odile Duvaux « sur son chemin » : elle convainc ses équipes et son conseil d’administration de se concentrer sur l’opération « anticovid », la mise au point du XAV-19, à charge pour elle de trouver les financements – pas question de mettre l’entreprise en péril sur ses propres fonds.
On vous écrira…
Commence alors son vrai parcours du combattant, apparemment plus complexe que la mise au point d’un antiviral… La préfecture nantaise, réactive, l’aide à présenter Xenothera et sa solution clinique au ministère de la Santé. Un mail lui revient dans les 24 heures : on lui demande comment encourager ses recherches. Par un financement, bien sûr, répond-elle dans la foulée. Mais « le logiciel de décision de l’État semble incompatible avec des décisions rapides », constate la cheffe d’entreprise. Qui répond aux appels d’offre multiples. Sans réponse. « C’est en cours de process », lui dit-on. « Je veux bien comprendre que 50 projets sont meilleurs que le mien, déplore Odile Duvaux, mais qu’au moins l’on me donne une réponse ! » Entre-temps, les réseaux sociaux alertés par les médias, de la presse spécialisée aux Échos, à Valeurs actuelles ou 20 Minutes et bien sûr ÉcoRéseau Business, répondent à l’appel aux dons tenté par Odile Duvaux : 90 000 euros de promesses. La région Pays de la Loire débloque 200 000 euros. Le député nantais ex-ministre de l’Environnement, François de Rugy, tente de donner à la patronne de Xenothera les bons contacts dans la sphère étatique et le labyrinthe des organismes censés donner à la recherche française les moyens de financer les labos et les start-up de pointe. Mais du Comité Care au consortium Reacting en passant par l’Inserm et l’Institut Pasteur, les « pitchs » d’Odile Duvaux se heurtent aux décisions de financement en circuit fermé : les « 20 projets de recherche sélectionnés pour lutter contre l’épidémie » présentés par l’Inserm semblent vraiment privilégier des travaux « académiques » fort passionnants pour les thèses futures, mais très éloignés de la solution à grande échelle, à portée de main dans les deux mois à venir, les anticorps glyco-humanisés de Xenothera ! « Je suis face à une inertie terrible », constate cette scientifique capable de conduire une entreprise mais impuissante devant les circuits étatiques, elle qui a déjà dit que les profits éventuels tirés du XAV-19 seraient réinvestis dans la recherche.
Appel aux président de la République et ministre de la Santé…
MM. Macron et Véran, généraux en guerre, serait-il possible, au-delà de vos états-majors verrouillés, garants d’une recherche exemplaire qui se chiffre en années, de court-circuiter pour une fois les savants arc-boutés contre les solutions agiles pour vous intéresser aux biotechs de cette start-up nation qui a prouvé dans tous les domaines que les solutions lui appartiennent… ? OM