Gilles Attaf, résistant, FFI, est un entrepreneur made in France

Le patron de Smuggler a créé Forces françaises de l’industrie pour promouvoir la réindustrialisation française.

Gilles Attaf, ex-dirigeant du dernier costumier français Smuggler repris par l’assureur Molitor en 2018, a toujours été un militant défenseur du fabriqué en France. Le désormais délégué général de la branche textile du groupe prouve à quel point son credo made in France avec l’usine France confection de Limoges lui reste chevillé au corps. En créant les Forces françaises de l’industrie, club militant pour la réindustrialisation française, Gilles Attaf ne s’arrête pas au clin d’œil de l’allusion aux Forces françaises de l’intérieur de la Seconde guerre mondiale : il se veut, avec ses amis et partenaires, dont Emmanuel Deleau et Laurent Moisson, un « résistant », au-delà de tout clivage politique.

La remise en cause au moins morale de la mondialisation due à la pandémie n’arrive-t-elle pas à point nommé pour donner du relief à vos FFI ?
Vous imaginez bien que je n’aurais jamais souhaité qu’une telle occasion se présente. Quand j’ai créé ce club business il y a un an, tout entier tourné vers la réindustrialisation de la France, j’étais bel et bien un résistant avant même cette « guerre » sanitaire. J’ai ressenti le besoin, au moment où le made in France, les salons qui s’en réclament se multiplient, de fédérer les acteurs de cette volonté. Avec les FFI, j’ai voulu me comporter en provocateur, pour servir une cause juste. Aujourd’hui, les événements montrent seulement que nous avions raison. Nos filières de production sont en capacité de retrouver leur autonomie.

Vous portez pleinement le message parfois brocardé d’un Arnaud Montebourg…Bien sûr ! Et le patron de Bleu, Blanc, Ruche qui fut l’un des invités récents des FFI, a répété qu’un pays qui perd son industrie perd son indépendance. À travers le club, nous voulons agir et partager des expériences auprès de jeunes sociétés qui ont envie de produire en local et de créer des circuits courts.

Les délocalisations, dites-vous, portent des coûts cachés…
Nous voulons interpeller les instances d’achat public sur ces coûts, tangibles, comme écologiques et sociaux. Nous avons perdu l’ascenseur social en détruisant des usines qui étaient le gage, pour des salarié/es entré/es sans grand bagage, d’une évolution sociale. En tant qu’activiste, au bon sens du terme, je veux restaurer la notion de souveraineté nationale, oubliée ou malvenue. Donner du sens au made in France en le valorisant.

Qui entre aux FFI ?
On nous rejoint au prix d’une sélection à l’entrée pour rassembler des personnes à vraie valeur ajoutée, quand bien même nous ne nous prenons pas au sérieux. Mais il n’est pas anxiogène de réfléchir aux pistes que nous voulons suivre dans l’après-covid. C’est le rôle de nos cafés virtuels qui ont pris momentanément la relève de nos réunions mensuelles actuellement impossibles. C’est du reste tous les mercredis, à 18 heures, que nous tenons ces cafés où sont abordés quantité de sujets d’actualité et où se rencontrent des entrepreneurs à la tête d’entreprises de toute taille, mais aussi des investisseurs, des financiers. L’un des derniers thèmes s’est voulu on ne peut plus concret : comment s’organiser avec son expert-comptable, par exemple. Nous avons reçu, comme je l’ai évoqué, Arnaud Montebourg, Thomas Huriez de 1083, le jean français. Le mercredi 15, nous avons échangé autour des commandes publiques, l’Ugap, et la façon de changer les règles de l’appel d’offres européen.

J’ai voulu un club très ouvert pour que le milieu assez refermé du made in France s’ouvre. L’heure est aux investissements dans l’économie réelle.

Comment ressentez-vous le monde à venir ? Les réflexes mondialisateurs ne vont-ils pas revenir en force ?
Ce qui m’inquiète, c’est la désynchronisation des déconfinements selon les pays. La Chine va repartir plus vite face à notre inertie. Mais je suis persuadé que nous sommes passés dans un autre logiciel et qu’une prise de conscience de tous les secteurs est en train de s’opérer. Elle passe par la formation. Pour relancer la machine laminée, l’éducation va jouer un grand rôle en restaurant les compétences techniques dont nous avons besoin. Je ne supporte par exemple pas que les ingénieurs français s’orientent aujourd’hui vers la finance ! C’est une aberration ! Mais je reste optimiste : sur le long terme, les productions vont viser une relocalisation.

Propos recueillis par Olivier Magnan

 

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