La doyenne des centrales nucléaires s’est éteinte.
Quarante-trois ans après sa mise en service, la centrale nucléaire de Fessenheim a définitivement cessé toute activité, après l’extinction de son second et dernier réacteur lundi 29 juin à 23 heures. Un processus de fermeture de la centrale entamé avec l’arrêt du premier le 22 février. Et qui continue à nourrir les controverses.
Elle était à l’ordre du jour depuis plusieurs années et fruit de débats incessants entre partisans du statu quo et militants de la transition énergétique : la fermeture de la centrale nucléaire alsacienne est désormais actée. En activité depuis 1977, Fessenheim, doyenne des centrales françaises, ne sera pas cinquantenaire. Comme pour l’arrêt du premier réacteur, l’opération qui a eu lieu dans la nuit du lundi 29 juin au mardi 30 a consisté en une baisse progressive de la puissance du second réacteur. La centrale est de fait définitivement déconnectée du réseau électrique. Mais le chemin est encore long avant la fermeture totale du site du Haut-Rhin (68). Quatre étapes restent à franchir avant la fin de la démolition prévue pour 2040 et la fermeture totale en 2041 : démantèlement électromécanique, assainissement des structures, démolition des bâtiments et enfin réhabilitation du site (le « retour à l’herbe », comme on dit). Une opération fastidieuse et très coûteuse (entre 250 et 500 millions d’euros pour chaque réacteur).
Loin de porter leur regard jusqu’en 2040, les détracteurs de la fermeture n’ont pas attendu pour faire entendre leurs critiques. Avec en tête une affirmation qui, il faut le dire, paraît curieuse au premier abord : la fermeture de la centrale de Fessenheim est une mauvaise nouvelle pour l’environnement.
Une fermeture en questions
Entre partisans de l’atome, syndicalistes et élus locaux, les craintes et les regrets ne manquent pas autour de Fessenheim. « Un gâchis économique, social et environnemental », dénonçait Jean-Luc Cardoso, délégué CGT à la centrale, auprès de nos confrères de France Bleu Alsace, « ça va devenir une catastrophe sociale ». Selon le syndicaliste, les promesses de maintien des emplois des salariés de la centrale ne seront pas tenues. Pour rappel, le site emploie 650 salariés d’EDF et 300 d’entreprises prestataires. De son côté, Élizabeth Borne, ministre de la Transition écologique, et EDF, affirment le contraire.
Outre le sort des employés, les détracteurs de la fermeture vont jusqu’à dénoncer « un écocide », causé par la future compensation de l’énergie perdue. La question : comment remplacer une capacité de production annuelle de 1,8 gigawatt ? Selon la Société française d’énergie nucléaire (SFEN), la transition se fera dans la douleur puisque l’arrêt de la centrale provoquera des émissions additionnelles de CO2 de l’ordre de 10 millions de tonnes par an. Rien que ça. La cause ? Le recours, suppose la SFEN, à des centrales à charbon ou au gaz pour alimenter la région. S’il est indéniable que les énergies fossiles émettent plus de CO2 que l’exploitation nucléaire, le raisonnement de la SFEN est à relativiser : la stratégie française de fin du tout nucléaire s’accompagne d’une dynamique de fermeture des dernières centrales à charbon, d’ici à 2026, au bénéfice des énergies renouvelables. L’inquiétude concernant l’approvisionnement de la région Alsace en énergie n’en est pas moins légitime, rappelons que Fessenheim produisait 90 % de l’électricité du territoire. Mais EDF l’affirme : aucune pénurie n’est à prévoir, grâce au réseau électrique européanisé, la région sera fournie par d’autres centrales du continent.
Malgré tout ce tintouin, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire s’est présenté ce mardi 30 juin sur les ondes de BFMTV et RMC comme un « défenseur du nucléaire », en réaffirmant la « pertinence » de l’énergie nucléaire, garante, selon lui, de notre indépendance énergétique. « Je veux bien qu’on me dise qu’il faut réindustrialiser le pays […], mais il ne faut pas fragiliser nos atouts stratégiques, dont le nucléaire », a-t-il ajouté. Une chose est sûre, avec la fermeture de Fessenheim, la première pierre de la politique de transition énergétique est… déposée. Pour rappel, l’exécutif souhaite limiter la production d’électricité d’origine nucléaire à 50 % en fermant douze nouveaux réacteurs d’ici à 2035 (contre 70 % aujourd’hui).
Adam Belghiti Alaoui