Cette start-up montante entend sauver 10 % des emplois menacés.
Face au fléau covid-19, des milliers d’emplois se retrouvent menacés. Des plus petites entreprises aux plus grandes… comme Air France ou Nokia. Quentin Guilluy, cofondateur et président d’Andjaro, la start-up qu’a choisie le gouvernement pour l’épauler en début de crise, se révèle intarissable sur les possibilités qu’ont les dirigeants afin de réduire les licenciements. Et plus globalement de résoudre l’équation du staffing. Entretien.
Plus de 7 000 postes seront supprimés à Air France d’ici à 2022, 400 chez Nokia, face à la crise que nous traversons, pensez-vous que les licenciements sont évitables ?
Tous ne sont pas évitables, mais les recettes du passé qui assimilent la crise économique à des plans de départs volontaires pourront être atténuées lors de cette crise qui ne ressemble à aucune autre. Des secteurs vont rebondir très vite. Tout n’est pas évitable, mais tout est « atténuable ». Aucun dirigeant ne prend plaisir à lancer un plan social, mais ils ne savent pas que des outils existent pour faire autrement. C’est très difficile d’être dirigeants de grandes entreprises, s’ils peuvent éviter de licencier, ils le feront. Andjaro entend sauver 10 % des emplois menacés. De quoi limiter déjà l’impact sur le chômage.
Les ressources humaines au sein même des entreprises ne suffisent pas ? Quels outils apportez-vous à vos clients ?
Pour l’anecdote, j’étais moi-même « RH ». Les ressources humaines en France sont spécialistes de la gestion des temps longs. Par exemple, tout ce qui relève de la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences, du droit social. Là, nous sommes sur des laps de temps très courts. Un.e employé.e appelle le matin pour témoigner d’une absence et, en un claquement de doigts, nous devons trouver un.e autre employé.e qui voudra bien le.la remplacer. Ce n’est pas de la compétence d’un.e DRH. Imaginez sur une organisation de 10 000 collaborateurs, difficile pour eux de faire « matcher » l’offre et la demande.
Nous, chez Andjaro, on répertorie sur un logiciel l’ensemble des ressources de nos clients. Le ou la manager d’une entreprise se connecte alors sur une plate-forme qui lui proposera tout le personnel dont l’activité correspond au personnel recherché mais qui se retrouve tout ou partie disponible ou moins occupé. A fortiori, ce personnel pourra se voir redéployé au sein même de l’organisation, mais sur d’autres postes/activités qui exigent du renfort. On priorise les ressources internes, puis si besoin, externes. Un manager opérationnel, par exemple – et ça, c’est universel –, va chercher du monde le matin pour assigner un.e employé.e à tel poste. Mais du côté d’Andjaro, le logiciel sera beaucoup plus rapide ! Durant la crise, notre activité auprès de certains clients a quintuplé, des entreprises ont parfois atteint le pic de 40 % d’absentéisme alors qu’en moyenne en France, ce taux ne dépasse pas les 5 %.
Êtes-vous optimiste à l’avenir du côté des emplois ? Pour celles et ceux déjà en poste et les jeunes qui entrent sur le marché du travail ?
À mon avis, tout dépendra des secteurs. Bien sûr, il n’est pas bon pour l’instant d’exercer dans l’aéronautique ou le tourisme. Mais imaginez celui ou celle qui s’est lancé.e dans la téléconsultation médicale, il.elle se porte plutôt bien… Cette crise rend difficile toute anticipation, tout est imprévisible, nos clients se révèlent incapables de prévoir leurs besoins. Cette imprévisibilité est particulièrement forte dans la gestion quotidienne des hommes et des femmes, des plannings en général. Donc, oui, certains secteurs vont fortement embaucher, d’autres moins. En réalité, je suis davantage inquiet pour les séniors, qui vont devoir retrouver un emploi. C’est dramatique, ce genre de situation, il faudra un vrai accompagnement car les séniors sont moins mobiles, ils ont plus d’impératifs familiaux, contrairement aux jeunes qui sauront rebondir.
Propos recueillis par Geoffrey Wetzel