Expatrié.es et « navetteurs », comment se sont-ils.elles adapté.es ?

Ils.elles voyageaient sans cesse pour leur travail. Une étude mesure leur adaptation.

Une analyse de The Conversation France.

Lorsque la crise de covid-19 a brutalement interrompu les activités et les voyages transfrontaliers, les salariés internationaux ont été directement touchés. Malgré des changements significatifs de leur rôle, une étude réalisée avant et après l’épidémie montre cependant qu’ils continuent à trouver leur travail très satisfaisant.

Les résultats en partie surprenants de notre enquête présentée dans limpact paper du livre blanc Managing a Post-Covid19 Era d’ESCP Business School suggèrent des manières de mieux gérer cette catégorie critique de travailleurs, aussi bien dans le contexte d’une crise sanitaire que dans un proche avenir.

Une enquête ciblée
Des expatriés traditionnels jusqu’aux « navetteurs » internationaux et aux équipes virtuelles transfrontalières, les travailleurs internationaux sont devenus la norme – et un atout vital – pour toute entreprise à vocation internationale.

Mais lorsque la pandémie de covid-19 a éclaté et que les pays ont fermé des entreprises et parfois des frontières, les voyages internationaux ont été stoppés et le commerce transfrontalier s’est effondré. Les employés internationaux ont ainsi été touchés directement. Lorsque les écoles ont fermé, ils se sont retrouvés obligés de cumuler les heures de garde de leurs enfants au lieu des miles pour voyages aériens fréquents.

Mais quel a été l’impact exact de la pandémie sur leurs habitudes de travail ? Peut-on dire qu’elle a sapé leur moral ou même menacé leur emploi ? Après tout, les licenciements et le chômage technique font également partie des effets secondaires des mesures de confinement adoptées dans des dizaines de pays pour freiner la propagation du virus.

Pour comprendre comment les membres de ce groupe clé ont fait face au bouleversement inédit intervenu dans leur travail, nous avons interrogé plus de 340 employés internationaux juste avant la pandémie (en janvier 2020), et durant les premières phases de la crise (en avril 2020).

Nous avons abordé divers aspects du travail dont le stress lié à leur activité professionnelle, la perception de leur rôle, la satisfaction professionnelle, parmi un échantillon englobant un large éventail de situations, des expatriés à long terme aux navetteurs internationaux et aux équipes virtuelles.

Accompagner la transition
Globalement, l’étude a montré des « bouleversements » dans les environnements de travail des salariés interrogés de par le monde. Plus des deux tiers des répondants (276) ont déclaré qu’ils percevaient leur rôle professionnel différemment depuis le début de la pandémie alors qu’ils étaient 70 à se sentir tellement confinés qu’ils n’avaient plus l’impression que leur travail était « international ».

Les facteurs les plus déterminants du changement de perception du rôle professionnel sont le travail à domicile (33 %), l’incertitude financière ou plus générale (25 %) et les nouveaux modes d’interaction (25 %).

Ce dernier aspect va s’expliquer par l’impact énorme des mesures de distanciation physique et d’augmentation du télétravail sur les interactions en général. Même pour les personnes habituées à l’utilisation ponctuelle d’outils virtuels le temps d’une journée de télétravail occasionnelle, le passage aux contacts par la visioconférence exclusivement, sans pouvoir quitter la maison sauf pour des courses de première nécessité, risque de constituer un choc.

C’est ici que les responsables des ressources humaines (RH) devraient intervenir pour rassurer les employés et apporter un soutien – comme ils le font en temps normal, lors des transitions géographiques, pour amortir le double choc dû à l’adaptation à un nouveau pays ou au retour dans son propre pays – en trouvant des moyens de diriger et de motiver les équipes grâce à des outils numériques.

En outre, en observant les niveaux de stress chez les employé.es du monde entier, nous avons constaté que ceux et celles qui avaient des enfants montraient un niveau de stress au travail plus élevé que leurs pairs sans enfant, ce qui est sans doute vrai également pour d’autres groupes de travailleurs.

Parce que les écoles et les garderies ont été fermées dans de nombreux pays et les parents obligés de s’occuper à plein temps de l’enseignement à domicile, tout en gérant simultanément le travail (sans parler de la cuisson du pain et d’autres activités qui sont soudainement devenues populaires pendant le confinement), il n’est guère surprenant que le taux de cortisol ait grimpé en flèche.

Les femmes sans enfant plus satisfaites
Il est intéressant de constater que sur l’échantillon global, la satisfaction au travail et la satisfaction professionnelle à long terme ont augmenté depuis le début de la pandémie de covid-19 et ont été positivement associées à la nouveauté du rôle (c’est-à-dire le degré auquel les employé.es internationaux.ales perçoivent les divers aspects de leur rôle, en matière de tâches ou de méthodes, comme différents d’avant la pandémie).

Mais si l’on y regarde de plus près, la satisfaction au travail et vis-à-vis de la carrière n’a augmenté que pour les femmes sans enfant. Pour les hommes, la satisfaction était identique, qu’ils aient des enfants ou non. Traduction d’un fait, les femmes assument encore une plus grosse part du fardeau de la garde des enfants.

Nous pouvons aussi relever des perspectives communes au sein de ce groupe de travailleurs. Ainsi, la plupart des employé.es internationaux.ales semblent assez privilégié.es, car leurs emplois sont relativement sûrs. En outre, même avant la pandémie, ils.elles faisaient face à des exigences qui les ont peut-être préparé.es à affronter la crise, par exemple, en matière de maturité numérique ou de capacité à réagir avec souplesse à de nouvelles situations, ce qui les rend peut-être plus résilients que d’autres types d’employés.

Alors, quelles leçons peut-on tirer de cette étude ? La conclusion relativement surprenante selon laquelle les employé.es internationaux.nales (tout au moins ceux.celles qui n’ont pas eu à gérer des enfants très jeunes ou des adolescents 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7) se sentent plus satisfait.es de leur poste et de leur carrière qu’avant l’épidémie donne matière à réflexion.

Peut-être que les nouvelles formules de télétravail qui se sont substituées aux voyages ou au travail classique autorisent une plus grande flexibilité et pourraient être utilisées plus largement, car elles rendent les entreprises plus agiles.

Marion Festing, Professor, ESCP Business School

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