Les 27 ont conclu un plan de relance de 750 milliards d’euros.
Après quatre jours et nuits d’âpres négociations, les chefs d’États et de gouvernements européens sont parvenus à un accord sur le plan de relance pour compenser les effets de récession provoqués par la pandémie. Ce sommet aboutit pour la première fois à la création d’une dette commune pour les 27 pays de l’UE.
Un « jour historique pour l’Europe », dixit Emmanuel Macron. Ce mardi 21 juillet restera comme le jour d’un accord européen d’ampleur, à l’issue d’un sommet marathon qui aura réuni les dirigeants européens. Le contenu de l’accord : un plan massif de relance de quelque 750 milliards d’euros, répartis en subventions et en prêts parmi les 27 pays de l’Union européenne, pour préparer et favoriser la relance continentale après la crise sanitaire et économique. Pour parvenir à un terrain d’entente et mettre fin à des négociations interminables, Paris et Berlin ont dû revoir leur proposition initiale pour convaincre les plus réticents. Il n’empêche que l’accord sonne comme une victoire. Selon le Président de la République : « Une étape majeure et essentielle a été franchie. C’est un changement historique de notre Europe et de notre zone euro. » Et pour cause, le plan prévoit de la dette commune, à rembourser par les 27, une première. Il se décompose en 390 milliards d’euros de subventions, alloués aux États les plus frappés par la pandémie et qui constitueront la dette commune, auxquels s’ajoutent 360 milliards d’euros disponibles pour des prêts, remboursables par le pays demandeur. Le plan de relance est de plus adossé au budget à long terme de l’Union pour la période 2021-2027, qui prévoit 154 milliards d’euros de dotation par an.
Diplomaties
Il y a quelques semaines encore, les pays d’Europe du Nord – dits les « frugaux » – s’étaient opposés à l’idée d’une dette commune via des corona bonds. Cette fois-ci, les tractations diplomatiques auront abouti, non sans concessions. D’un côté, le plan de relance initial, porté par l’Allemagne et la France, solidaires des pays les plus touchés par le virus comme l’Italie et l’Espagne. De l’autre les fameux « frugaux » : Pays-Bas, Suède, Danemark et Autriche, rejoints par la Finlande. Très réticents à l’idée de subventions, les pays du Nord ont durement parlementé, jusqu’à pousser Charles Michel, président du Conseil européen, à ramener de 500 à 390 milliards d’euros la part des subventions dans le plan. Se sont aussi ajoutées des hausses des rabais accordés aux pays du Nord pour leur contribution au budget de l’Union, de 22 % pour les Pays-Bas à 138 % pour l’Autriche. De quoi convaincre, finalement, le Premier ministre néerlandais Mark Rutte, qui voit la contribution européenne annuelle de son pays baisser de deux milliards d’euros.
Le plan final devrait voir la France toucher 40 milliards d’euros, comme attendu, tandis que l’Italie et l’Espagne, principaux bénéficiaires, disposeraient de 60 milliards. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, précise que ces subventions entreront dans le financement du plan de relance français, qui prévoit 100 milliards d’euros sur deux ans (dont 40, donc, alloués par l’UE) et sera présenté lors du conseil des ministres de rentrée du 24 août. Outre la répartition des subventions parmi les Vingt-Sept et le rabaissement des montants, les « frugaux » ont également obtenu un droit de regard sur l’utilisation que feront les bénéficiaires de leurs subventions. Un point chaud des négociations, entre pays du Nord et du Sud, avec en mémoire la mise sous tutelle de la Grèce lors de la crise de l’euro. Droit de regard relatif oui, mais droit de veto non, malgré la demande de Mark Rutte. L’accord prévoit une forme de contrôle des plans nationaux de relance par le Conseil européen, à la majorité qualifiée.
Au-delà des tractations diplomatiques interminables, on se félicite à Bruxelles des conditions d’octroi des fonds, comme le revendique Charles Michel : « Pour la première fois dans l’histoire européenne, le budget est lié aux objectifs climatiques et le respect de l’État de droit devient une condition pour l’octroi des fonds. » En clair, l’accord prévoit que 30 % des dépenses du budget de l’Union et du plan de relance devront être alloués à la lutte contre le réchauffement climatique. Quant au respect de l’État de droit, une suspension des fonds européens pour un pays fautif pourra se voir approuvée par une majorité qualifiée des États membres (55 % des pays de l’UE représentant 65 % de la population).
Il faudra attendre les prochains mois pour évaluer l’application et la qualité de cet accord d’ampleur, mais une chose est sûre, le couple franco-allemand a affiché son unité pour obtenir un accord historique. Non sans mal.
Adam Belghiti Alaoui