Juste après la première grande pandémie du siècle, le bond en avant tant espéré par certains – justement nommé « le monde d’après » – ne s’est pas produit. Le monde d’après ressemblait à s’y méprendre au monde d’avant – du moins en surface. Car les leçons du Sars-Cov-2 ont été retenues quand semble se manifester le Sars-CoV-3…
Des tendances jusque-là encore à mi-chemin entre réalité technique et fantasme sur le terrain (les outils pour le télétravail existaient déjà, mais la pratique, on l’a vu, n’a jamais décollé aussi vite que l’on pensait qu’elle le ferait) ont dû, pendant quelques mois, devenir des réalités pour tous ou presque. Si l’attitude première a été un bien compréhensible retour à la normale, c’est-à-dire aux « anciens » systèmes, la vie étrange de ces quelques mois n’a pas été oubliée. Et à l’heure où se profile la deuxième, nous sommes prêts – au moins autant que nous pouvons l’être après l’épreuve de ce que l’on nomma covid-19 (coronavirus disease, maladie du coronavirus que longtemps les Français.es, toujours aussi peu anglophones, ont masculinisée).
Coopération internationale
Si, sur le plan international, les choses restent peu ou prou les mêmes – l’OMS, longtemps critiquée, disqualifiée par l’ex-président Trump, fut recréditée par son successeur –, en Europe, les choses ont changé. Si certaines divisions demeurent, sur la question de la dette notamment, le point d’équilibre a changé. Les capacités de réaction de l’Union ont été considérablement renforcées, avec l’idée qu’une réponse rapide commune pourrait éviter, pendant un temps du moins, l’isolation par nation qui s’était produite en 2020. Il fallait garder ouvert l’espace européen. D’où l’élaboration d’un ensemble de mesures – les essentielles, puisque par définition les caractéristiques d’une nouvelle pandémie sont inconnues : fermeture des frontières avec ou sans conditions, déblocage d’aides financières d’urgences, intensification de la production médicale, confinement par zone si nécessaire, etc. –, en package, qui peuvent être déclenchées en bloc en même temps sans avoir à tout redéfinir. Des dispositifs similaires ont été adoptés également sur le plan national.
L’Union dispose maintenant d’une vraie influence sur le domaine de la santé, notamment en matière de production et de répartitions de produits de première nécessité médicale (masques, gel, tenues de protections, molécules essentielles…), mais aussi côté recherche. L’Union – ce n’est pas encore le cas des États – est maintenant autonome en la matière grâce à une politique active de soutien et de maintien aux unités locales de production, tant à l’échelle communautaire que nationale. Le tout est financé par une véritable réserve financière, alimentée à parts égales par les États membres.
Infrastructures et secteur privé renforcés
Si le rôle prépondérant accordé au Conseil scientifique a fait l’objet de critiques pendant la première pandémie, la décision a été prise, après de longs débats, de lui laisser ce rôle, mais d’en changer sa composition (une « réserve » des meilleurs experts en tous les domaines choisit au moment de la crise dix représentants).
Le réseau Internet filaire et sans fil a fait l’objet d’investissements prioritaires, sur tous les plans – autant son étendue que sa sécurisation. S’il doit y avoir confinement, le réseau pourra affronter sans ciller la surcharge de trafic. En outre, les entreprises qui avaient dû incorporer à la hâte des outils de télétravail ont pu – entre autres grâce à des incitations législatives – prendre le temps de les intégrer et de commencer à les utiliser même en temps normal. Une augmentation massive du télétravail serait aujourd’hui beaucoup plus facile à gérer. Conjointement, un effort important pour pousser une meilleure culture de la cybersécurité et des bonnes pratiques – et ne pas juste en parler – a, d’après les dernières études, porté ses fruits. Avoir rendu obligatoire, au même titre que le RSE, d’incorporer ces éléments dans l’évaluation de l’entreprise s’est aussi montré efficace. Les changements les plus longs à venir – en partie parce que véritablement structurels, et en partie parce que les investissements demandés ont été colossaux – ont concerné la santé et l’éducation. Revalorisation salariale pour les deux, une rénovation progressive des services d’urgences hospitaliers et l’incorporation progressive de l’enseignement à distance à raison de deux ou trois heures par semaine, là encore dans l’idée de faciliter la transition, si transition il doit y avoir.
Surtout, nous possédons maintenant les infrastructures de soutien psychologique qui s’étaient construites dans l’urgence. Si ce ne fut pas le premier élément à faire la une au lendemain de la crise, les mois qui ont suivi ont révélé l’impact profond du confinement dans les mentalités. Cette fois, nous sommes prêts.
Jean-Marie Benoist