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Chez Indeed, les congés illimités ont été mis en place depuis 2016.
Nous voilà à l’ère de l’autonomie. Plus que jamais, les entreprises doivent s’adapter à des évolutions de comportements de la part de leurs salarié.es, une en particulier : le désir de liberté. Pas étonnant que le télétravail ait la cote ou que le débat sur la semaine de quatre jours refasse surface. Nouveau symbole du « travailler autrement»: les congés illimités. La possibilité pour certain.es salarié.es d’aller au-delà des cinq semaines légales de congés payés par an. Entretien avec Charles Chantala, directeur commercial chez Indeed, une entreprise qui a sauté le pas en 2016.
D’où est venue cette décision de mettre en place les congés illimités chez Indeed ? Provient-elle des salarié.és ?
Non, pas d’eux.elles directement. En réalité, dans la mesure où Indeed s’affiche comme un moteur de recherche d’emploi, nous avons constaté des évolutions de comportements sur le marché du travail même. Parmi les critères pris en compte pour trouver un emploi, on retrouve sans surprise une attache particulière à la rémunération, la localisation ou la pertinence du poste proposé. Mais, plus nouveau, on remarque de plus en plus un désir d’autonomie de la part des candidat.es. Les entreprises l’ont bien compris, elles n’hésitent pas à mettre en avant des caractéristiques comme la possibilité de télétravailler… jusqu’aux congés illimités. Nous, chez Indeed, nous avons mis en place les congés illimités depuis 2016.
Concrètement, les congés illimités signifient que tous.toutes les salarié.es peuvent prendre des vacances n’importe quand ? J’imagine que c’est plus restreint ?
Vous savez, dans n’importe quelle entreprise, les collaborateur.rices sont tenu.es de prendre leurs cinq semaines de congés payés par an, c’est en quelque sorte le prérequis. Mais si jamais j’ai épuisé tous mes congés légaux, je peux tout à fait en demander davantage, ces congés supplémentaires seront payés par Indeed. Bien entendu, le but derrière ne vise pas à mettre nos collaborateur.trices en difficulté. D’où l’importance de se coordonner, toute une équipe ne peut s’absenter le même jour.
En moyenne, remarquez-vous un écart significatif avec les cinq semaines de congés payés légaux par an ?
Pour l’anecdote, sachez que les ressources humaines de l’entreprise m’ont déjà contacté, moi, pour que je pose des jours de congés. Je me suis – en quelque sorte – fait rappeler à l’ordre, car les « RH » ont découvert une anomalie sur la charge de travail, ils.elles n’ont pas attendu et me l’ont fait savoir. Ils.elles interviennent aussi lorsque les gens n’osent pas prendre des congés, car, oui, le phénomène d’autocensure existe aussi. En France, chez Indeed, les salarié.es prennent environ sept jours de plus en moyenne de congés par an par rapport aux cinq semaines permises par le cadre légal. En plus aussi des RTT.
Ces congés illimités participent-ils à une meilleure productivité ?
Tout à fait ! Depuis 2016, année où la mesure a été effective, Indeed n’a jamais été aussi rentable. Donc en aucun cas les congés illimités ne constituent un rapport de force entre l’entreprise et les collaborateur.trices, je le perçois plutôt comme un compromis entre les deux parties. Une forme de donnant-donnant.
Indeed fixe des objectifs réalisables, même si tout cela reste subjectif, mais on mesure ce qu’une personne à un poste précis peut réaliser sur une période donnée. Pas question par exemple d’allonger les journées de travail pour prendre plus de congés. Autrement dit, si je demande des congés supplémentaires, je dois pouvoir atteindre mes objectifs avant de partir.
Selon vous, le concept apparaît-il applicable dans toutes les entreprises ?
Pas forcément dans toutes les entreprises ! Le métier exercé joue un rôle. Par exemple, effectivement, travailler dans les services où le numérique va favoriser la mise en place des congés payés. Mais je pense avant tout que la recette d’un bon fonctionnement repose sur une vraie culture d’entreprise. Des collaborateur.trices engagé.es et responsables, parmi lesquel.les règne déjà une certaine confiance. Puis, il faut être capable de mesurer la performance de manière assez claire, préciser des objectifs atteignables, mensuels ou annuels.
Enfin, les managers doivent se rendre prêts à gérer ce type de fonctionnement. Le rôle du manager ne se réduit pas à vérifier les modalités et dresser le constat des résultats. Chez nous, le manager doit d’abord enfiler le costume de « coach » pour permettre aux collaborateur.trices d’atteindre leurs objectifs, pour éviter les situations où il devrait refuser des congés par manque de résultats. Nos managers veulent à tout prix éviter ça.
Propos recueillis par Geoffrey Wetzel