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« La particularité française est le chacun pour soi, alors que l’étranger chasse en meute », Christophe Faurie, co-fondateur de l’association des INTERpreneurs
La particularité de l’entrepreneur français, c’est l’inventivité. Mais, mystère, il ne parvient pas à en profiter. Si les choses changeaient, notre pays serait transformé. L’association des INTERpreneurs veut élucider ce mystère. Elle mène une étude, faite d’expérimentations et d’interviews. Qu’a-t-elle trouvé ?
La créativité française n’est pas un mythe. Elle dépasse même en subtilité tout ce que l’on imagine. Et elle s’accompagne d’une étonnante humilité. Le.la dirigeant.e n’a aucune conscience de sa valeur. En outre, il.elle a un souci du détail que l’on n’associe pas spontanément à notre culture.
Pourtant, PME traditionnelle ou start-up, la faille de l’entreprise française est son ou sa dirigeant.e. Il.elle est seul.e. Il.elle a appris à diriger sur le tas. Il.elle a un « référentiel » de techniques de management au mieux obsolète. Surtout, nous dit-on, la PME s’est bâtie par « beau temps ». Elle n’est pas dotée des instruments qui lui permettent de voler dans les turbulences. Or, la particularité française est le « chacun pour soi », alors que l’étranger « chasse en meute ». Dans ces conditions, un incident mineur peut devenir une crise majeure. Ce phénomène pourrait être la principale cause de faillite.
Premier résultat. Si ce diagnostic est juste, il explique pourquoi l’action publique est impuissante. Le problème de la PME est une question de résilience.
La force du collectif
Problème bien posé, à moitié résolu ? Cette question de résilience a une solution qui ne coûte rien. Certains de nos interviewés l’appellent « diriger à plusieurs ».
Pour cela, il n’est pas besoin de partager le pouvoir. Deux techniques donnent de bons résultats. La première consiste à constituer un groupe de dirigeants qui vise à pousser ses participants à changer leur « modèle économique ». Et ce, agressivement. La seconde s’avère la mise en place, autour d’un.e dirigeant.e, d’un « board » composé d’anciens dirigeant.es qui présentent des compétences dans des domaines tels que la finance, les ressources humaines ou le commerce.
L’expérimentation que nous menons montre que l’animation de ce type de dispositif joue un rôle critique. Elle doit établir un pont avec la puissance publique, qui est devenue très favorable à la PME, mais qui demeure un univers difficile à comprendre. Elle doit, aussi, pousser le.la ou les dirigeant.es, surmené.es, à changer leur modèle économique, afin de leur transmettre, le cas échéant, des techniques et technologies modernes. Et surtout de l’enthousiasme !
Mais ce n’est pas tout. Il semble qu’il y ait un blocage psychologique chez le.la dirigeant.e français.e. Contrairement à ce que l’on entend, nous constatons que développer une PME n’est pas une question de stratégie, mais d’opportunisme. Or, face à une opportunité, le.la dirigeant.e se dit – trop souvent –, « je n’y arriverai pas ». Et, s’il.elle « y va », il.elle est, encore plus souvent, mal préparé.e.
L’antidote à ce mal pourrait être « l’équipe ». Dans la plupart des cas, les collaborateurs du dirigeant ne parviennent pas à l’autonomie. Car l’autonomie est pensée comme individuelle, alors qu’elle doit être collective. Lorsqu’un.e dirigeant.e voit une opportunité, il.elle doit pouvoir dire à son « équipe » : on la saisit ? Si oui, que fait-on ? Lorsqu’il.elle est satisfait.e de la réponse, il.elle possède un plan d’action, que son « équipe » sait appliquer, avec peu de supervision. La différence entre les entreprises qui ont réalisé cette forme d’autonomie et les autres se montre frappante.
Un guide de survie qui répertorie les dispositifs d’aide
Un dernier aspect du travail de l’association – celui qui se révèle le plus ardu –, consiste à inventorier ce que l’on pourrait appeler « l’écosystème » de l’aide à l’entreprise. Plusieurs faits nous frappent, dès maintenant : un retournement idéologique complet de la puissance publique vis-à-vis de la PME. Des dispositifs d’aide que l’on n’attendrait pas d’un si petit pays. Beaucoup d’organismes et d’associations, souvent de bénévoles, qui font un travail remarquable, et discret. Mais chacun.e semble y aller de son initiative, sans chercher à se faire connaître ou à profiter du reste de « l’écosystème ». Décidément, le « chacun pour soi » est bien le propre de notre culture ? Un exemple : les aides financières apparaissent tellement nombreuses et se créent tellement vite, nous a-t-on dit, qu’il est impossible d’en faire un catalogue. Certain.es entrepreneur.es rêvent d’un « point d’entrée unique ». En outre, une inconnue nouvelle est la détermination du personnel politique régional à prendre en main le sort de ce qu’il appelle les « territoires » et à en décharger l’État central. Certains interviewé.es nous ont expliqué que le « tiers de confiance » serait la solution à ce casse-tête. L’entrepreneur.e doit avoir un « guide », qui l’aide à se retrouver dans l’administration, en particulier locale.
En conclusion ? Il en faudrait peu pour changer notre économie. Comme nous le révèle un interrogé, le dirigeant doit se sevrer de sa dépendance à l’État. Il doit regarder en face ses manques. Bien posés, ses problèmes n’ont rien de sorciers. Il en a résolu de tellement plus difficiles !
Christophe Faurie
N.B : si vous voulez approfondir ces questions, consultez le site de l’association. Vous y trouverez, notamment, Le manuel de l’INTERpreneur, l’analyse de trois décennies d’expérience d’une agence de développement et des entretiens hebdomadaires avec des dirigeants et des familiers de la PME.