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Le gouvernement présente sa stratégie pour le développement d’une filière française de l’électrolyse.
L’ambition date d’avant la crise sanitaire, elle est aujourd’hui sur les rails : la France entend développer la production d’électrolyseurs grâce à sa stratégie nationale de l’hydrogène décarboné et son enveloppe de 7 milliards d’euros. Pour réduire la dépendance énergétique vis-à-vis de l’Asie notamment, l’idée d’un « airbus de l’électrolyse », en collaboration étroite avec l’Allemagne, fait son chemin. De quoi, par la même occasion, réduire considérablement les émissions de CO2.
La rentrée 2020 est décidément marquée par les annonces successives du gouvernement pour favoriser la relance de l’économie et accélérer la transition écologique, à commencer par le plan de relance. Le 9 septembre, devant l’Association française de l’hydrogène et des piles à combustible (Afhypac) et les acteurs de la filière, Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, et Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et de la Relance, ont présenté la stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné. Une démarche qui s’inscrit dans la dynamique de transition écologique de l’économie française qui entend créer une filière française compétitive et génératrice d’emplois. Sans oublier les enjeux de souveraineté énergétique et d’indépendance technologique, vis-à-vis des importations d’hydrocarbures.
Pour rappel, l’hydrogène dit « décarboné » désigne une production et une utilisation sans émission de CO2. En France, l’hydrogène est très utilisé dans l’industrie pétrolière et chimique notamment, jusqu’à 900 000 tonnes par an, dont l’immense majorité est carbonée et engendre près de 9 millions de tonnes de CO2 par an.
Stratégies d’avenir
La volonté française de développer sa production d’hydrogène par électrolyse – méthode de production par des réactions chimiques causées par une activation électrique – ne date pas d’hier. Dès 2018, un « plan hydrogène » a été lancé dans le cadre du programme d’investissement d’avenir (PIA). Depuis, l’État a mobilisé plus de 100 millions d’euros pour les entreprises à fort potentiel. L’Ademe (Agence de la transition écologique, ex-de la maîtrise de l’énergie) a soutenu le développement de la mobilité hydrogène à hauteur de 80 millions d’euros. De son côté, l’Agence nationale de la recherche a mobilisé plus de 110 milliards d’euros en 10 ans. Avant 2020, le cap était déjà donné : installer suffisamment d’électrolyseurs pour commencer la décarbonation de l’économie, développer les mobilités propres et construire une filière industrielle créatrice d’emplois.
Aujourd’hui, la dynamique s’accélère : le plan stratégique du gouvernement est doté de quelque 7 milliards d’euros sur 10 ans et s’articule autour de trois priorités. Tout d’abord, le paquet est mis sur l’électrolyse, considérée comme le meilleur procédé pour une production décarbonée et dont l’émergence d’une filière sera la clé de voute de la réussite de la stratégie. D’ici à 2030, le gouvernement fixe l’objectif de 6,5 gigawatts d’électrolyseurs installés en France, pour quelque 600 000 tonnes d’hydrogène décarboné par an. L’idée est simple : décarboner l’industrie en remplaçant l’hydrogène carboné et les procédés à base de combustibles fossiles. Deuxième priorité : développer une mobilité lourde à hydrogène décarboné. Les technologies de l’hydrogène, qui offrent une capacité de stockage complémentaire à celle des batteries électriques, répond aux besoins des mobilités « lourdes ». Il s’agit ici de développer les partenariats entre collectivités et industriels pour synchroniser le développement des usages décarbonés. Troisième priorité : soutenir la recherche, l’innovation et le développement de compétences pour favoriser les usages. Autrement dit, booster l’effort de R&D pour les technologies de l’hydrogène.
Un enjeu européen
Pour mener à bien sa stratégie et ses ambitions, il est primordial que la France produise elle-même des électrolyseurs. Pour cela, la collaboration avec l’Allemagne pour le développement d’une filière européenne hydrogène, sur le même modèle que l’alliance européenne des batteries, pourrait bien faire la différence. En l’occurrence, et à la différence du secteur de la batterie, il ne s’agit pas de relocaliser des productions concentrées en Asie, mais bien de construire une nouvelle filière industrielle compétitive. Et la France n’a pas le monopole de l’ambition hydrogénée. En juin, l’Allemagne présentait déjà son propre plan hydrogène de 9 milliards d’euros et affirmait son ambition de devenir en dix ans un leader mondial de la production d’hydrogène décarboné. Une concurrence directe entre la filière allemande et la filière française pourrait se révéler contreproductive, la Commission européenne l’a bien compris. Le 8 juillet, l’organe exécutif de l’Union européenne annonçait sa stratégie hydrogène qui vise à l’installation de 40 Gigawatts de capacité de production d’ici à 2030, date également fixée par la France pour le développement de sa propre filière. Pour favoriser la coopération européenne en général et franco-allemande en particulier, la Commission présidée par l’Allemande Ursula von der Leyen a créé une alliance européenne pour un hydrogène propre. De grands groupes industriels l’ont déjà ralliée, à l’instar du français EDF ou des allemands Siemens et Bosch. Comme l’expliquait Barbara Pompili et Bruno Le Maire lors de la présentation de leur plan : « Cette stratégie nationale s’inscrit dans une logique européenne. »
Adam Belghiti Alaoui