La filière française betteravière vaut plus que des millions d’abeilles

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En sacrifiant le long terme au court, les député·es viennent de confirmer que la transition écologique n’est qu’un discours politique.

Olivier Magnan, rédacteur en chef

C’est fait, on remet.

Les néonicotinoïdes pour les betteraviers, on en reprend jusqu’en 2023, tant pis pour les contingents d’abeilles qui vont y passer. Comme le dit le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie, « nous sommes tous favorables à l’arrêt des néonicotinoïdes, nous sommes tous favorables à la transition agroécologique, mais pas au prix de tuer une filière française. » Cette logique de l’humain avant tout le reste, de l’emploi avant tout le reste tue sûrement et rapidement l’avenir de cet humain sur la planète. Sans abeille, pas de pollinisation des plantes. Pas de pollinisation, extinction à terme des bovins et des herbivores, plus de viande dans nos assiettes. Encore ne serait-ce que secondaire si nous pouvions tous·tes devenir végétarien·nes. L’ennui, c’est que sans pollinisation, même les vegans seraient affamé·es… Et l’on n’évoque même pas l’empoisonnement des terres.

Au nom de l’urgence à ne plus nous empoisonner, il serait peut-être plus raisonnable d’envisager la reconversion des betteraviers ou de pousser la recherche, moyennant finance, à trouver le remplaçant de l’insecticide. Or, en repoussant à 2023 l’interdiction d’user des néonicotinoïdes, le texte de loi voté par les député·es ne met en place aucune contrainte qui oblige les betteraviers à ne pas dépasser cette date. Croit-on qu’en 2023 la filière sera moins menacée par une interdiction totale ? Que les betteraviers se seront convertis et reconvertis au nom de la transition agroécologique, en train d’aboutir à nombre de reconversions, dites « bio ». Pourquoi pas les betteraviers ? Peut-être parce qu’ils produisent du sucre pour l’industrie alimentaire à défaut de nous offrir leurs racines sur nos marchés.

Déjà, les 150 mesures « environnementales » de la Convention citoyenne commencent leur lente érosion et leur remise à plus tard. Le politique sait bien qu’entre la promesse la plus formelle et l’aboutissement dégradé des mesures, le temps de l’oubli fera son œuvre. Que des priorités autres prendront le pas. Nous nous mentons. Qui croit encore que l’objectif d’abaisser le taux des gaz à effet de serre de 60 % à horizon 2030, comme vient de le confirmer l’Union européenne, ait la moindre chance de se réaliser ? Pourtant, les catastrophes climatiques ne sont plus une simple possibilité.

Même si les zélés météorologues nous affirment que l’épisode dramatique de la tempête Alex n’est pas lié directement au réchauffement climatique, ils·elles se dépêchent d’ajouter pour ne pas compromette exagérément leur crédibilité que la répétition même de tels événements, d’une ampleur aggravée, est en soi une conséquence du réchauffement… Belle pirouette.

On danse sur un volcan.

Or, les entreprises européennes les premières, suivies de très loin par les pollueurs majeurs – les objectifs délirants de l’abattement du CO2 proférés par les Chinois n’en constituent pas moins un signe –, se placent en ligne de bataille pour faire de la transition écologique un levier de valeur ajoutée, de richesse, de croissance et au final… de sauvegarde des abeilles. Total investit dans les énergies renouvelables comme jamais. Il suffirait, même en pleine crise sanitaire, que les gouvernements décrètent la fin obligatoire des empoisonnements – des perturbateurs endocriniens jusqu’au CO2 – pour que la Transition avec une majuscule s’inscrive dans une dynamique collective de salut, betteraviers compris. Mais la logique et le calendrier des politiques ne passent pas encore par cet appel criant au salut public. Encore un instant, M. le bourreau.

Olivier Magnan

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