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La commission des Finances de l’Assemblée a rejeté à la quasi-unanimité les nouvelles économies que le gouvernement veut imposer aux chambres de commerce.
Dans son projet de loi de finances (PLF) pour 2021, dévoilé fin septembre, le gouvernement prévoit une diminution des ressources allouées aux chambres de commerce et d’industrie (CCI), de l’ordre de 100 millions d’euros. Une volonté dénoncée par les CCI, qui ont appelé les parlementaires à réviser la décision. Appel entendu le lundi 12 septembre, premier jour d’examen du PLF pour 2021.
Chaque projet de loi de Finances est une course aux bonnes économies, aux compensations et aux optimisations. En particulier pour 2021, année 1 après un exercice 2020 de crises, année de relance espérée qui disposera d’un budget hors normes. Au jeu des compensations, les CCI pourraient bien perdre gros. Le PLF 2021 prévoit une diminution de 100 millions d’euros des taxes affectées aux chambres de commerce. La mesure, déjà évoquée en 2019, est justifiée par Bercy au nom de la loi Pacte (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises), qui vise à lever les obstacles à la croissance des entreprises et à mieux partager, a priori, la valeur créée avec les salarié·es. Selon le ministère de l’Économie et des Finances, la baisse des moyens des CCI « permettra une baisse équivalente de la fiscalité des entreprises ». Une baisse généralisée des charges sur les sociétés décidément au cœur du plan de relance. Pour finir d’appuyer sa démarche, Bercy rappelle que les CCI ont bénéficié de 30 millions d’euros de restitution de taxes en 2020, grâce à la suppression du prélèvement France Télecom, et de 100 millions d’euros pour « appuyer leurs actions d’accompagnement des TPE et des PME dans le cadre de la crise sanitaire ».
Cure d’austérité
Qu’importent les justifications apportées par le gouvernement, les chambres de commerce n’entendent pas accepter sans mot dire cette baisse du plafond de leurs ressources. Selon Pierre Goguet, président de CCI France, cette mesure est « totalement incohérente avec l’ambition affichée par le plan de relance et compromet sa mise en œuvre dans la proximité des territoires, au plus près des entreprises […] Si elle était maintenue dans le PLF, les CCI seraient contraintes de licencier a minima 1 800 collaborateur·rices supplémentaires en 2021-2022 et de mutiler leur maillage territorial qui est pourtant leur principale valeur ajoutée ». Malgré les plaintes des chambres de commerce et de leurs dirigeant·es, le gouvernement suit sa ligne. Depuis le début du quinquennat, les ressources allouées aux CCI ont déjà été restreintes de 350 millions d’euros et la loi Pacte prévoit des baisses jusqu’en 2022, dans le cadre de la réforme du réseau des chambres de commerce. Réforme qui doit notamment aboutir à une refonte des moyens de financement des CCI, aujourd’hui basés sur une taxe pour frais de chambre et que la loi Pacte prévoit de déplacer sur la vente de prestations aux entreprises. Ce financement par prestations de services est au cœur des débats. D’autant plus que la baisse totale en cumulé des ressources des CCI serait en réalité de 200 millions d’euros pour 2021, les 100 millions d’euros du PLF 2021 venant s’ajouter – ou en l’occurrence, se soustraire – aux baisses déjà prévues par la loi Pacte.
Fronde parlementaire
Pour faire écho à leurs doléances et faire réviser le PLF, les CCI comptent sur les discussions à l’Assemblée et sur les prises de position des député·es. Leur « lobbying » a semble-t-il été efficace. Des groupes parlementaires de tous les horizons ont déposé une soixantaine d’amendements contre la réduction de 100 millions d’euros des ressources des 129 CCI françaises, soit 5 % de tous les amendements au PLF. Mieux encore, le scénario prévu par le gouvernement a été rejeté en bloc par la commission des Finances ce lundi 12 octobre, à la quasi-unanimité. Le projet fédère contre lui les élu·es de tous bords et de la quasi-totalité des groupes politiques de l’Assemblée, y compris le parti présidentiel et ses allié·es de la majorité. En d’autres termes, la semaine d’examen du PLF 2021 commence pour le gouvernement par une opposition frontale à l’une des rares économies prévues par son budget 2021. Les coupes de moyens des CCI, au moment où celles-ci apparaissent comme des relais territoriaux de choix et des acteurs centraux pour le plan de relance, ne passent pas auprès des député·es. Les débats sont ouverts.
Adam Belghiti Alaoui