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L’ONG propose d’introduire un « ISF climatique », pour faire rentrer 4,3 milliards d’euros dans les caisses de l’État.
En ces temps durs, l’État a besoin de liquidités pour financer son soutien aux entreprises, la relance économique et la traversée de la crise. Tout en poursuivant une transition écologique qui, si elle n’est pas encore parfaite, est au moins en ligne de mire. L’ONG Greenpeace et son antenne française publient un rapport et proposent une solution : rétablir l’ISF, un « ISF climatique » qui plus est, pour taxer la composante carbone du patrimoine des plus riches.
L’argent sale du capital : pour un ISF climatique, l’intitulé du rapport ne fait pas dans la demi-mesure. Un rien caricatural mais la vérité est bien là : nous vivons dans un monde où il est difficile de s’enrichir sans polluer toujours plus. Ce que rappelle l’ONG dès les premières lignes de son rapport, rendu public le 12 octobre : « En termes de capitalisme et d’écologie, une règle est irréfutable : plus on est riche, plus on pollue. Les plus riches ont une empreinte carbone beaucoup plus importante que les plus pauvres, non seulement en raison de leur consommation et de leur mode de vie, mais aussi en lien avec leur patrimoine financier. » L’affirmation est assumée. Sa forme peut se discuter, mais son fond est indéniable et prouvé, 1 % des plus riches de la planète sont responsables de deux fois plus d’émissions de CO2 que la moitié la plus pauvre. Un constat également vrai en France, où le niveau d’émission d’un individu est « fonction croissante de son niveau de vie ». Greenpeace rappelle ainsi, que selon l’OFCE, « l’empreinte carbone des ménages aux revenus les plus bas s’élève seulement à 15,2 tonnes de CO2 équivalent carbone (tCO2eq) contre 40,4 tCO2eq pour ceux aux revenus les plus hauts – soit 2,7 fois plus ».
Pour un juste partage de l’effort climatique
En conséquence, la proposition est « simple » : rétablir l’impôt sur la fortune (ISF), en y joignant une composante carbone appliquée au patrimoine financier. Selon les auteurs de l’étude, l’État pourra tirer quelque 4,3 milliards d’euros de cette taxation nouvelle, sur les 10 milliards d’euros générés par le rétablissement de cet ISF new look. Pour justifier sa proposition, Greenpeace invoque les estimations de l’empreinte carbone du patrimoine financier détenu par les ménages en fonction de leurs revenus, réalisées en collaboration avec le cabinet d’analyse Carbone 4. En rapprochant les données divulguées par l’Insee sur le patrimoine des ménages des facteurs d’émissions fixés par Carbone 4, l’ONG est arrivée à la conclusion, que nous évoquions plus haut, que « le patrimoine financier du pourcent des ménages les plus riches est associé à une empreinte carbone 66 fois supérieure à celle des 10 % les plus pauvres ». En chiffres, les plus riches (1 %) produisent 189 tCO2eq par an par foyer fiscal, contre 2,9 tCO2eq chez les plus pauvres. À eux·elles seule·es, les personnes assujeti.es à l’ISF en 2017, avant sa suppression, représentent 97 millions de tonnes de CO2eq par an, sur les 749 millions de tonnes qui constituent l’empreinte carbone de la France.
Une disparité qui préoccupe et un défi qui, selon le rapport, n’a pas été relevé par la taxe carbone, stoppée dans son élan à la suite du mouvement des « gilets jaunes ». Pour Greenpeace, pas de doute : « L’urgence climatique doit faire évoluer la fiscalité française qui structure le partage de l’effort entre les acteurs économiques ».
Une nouvelle manne pour la transition écologique
L’évolution de la fiscalité ainsi préconisée reprend donc les bases de l’ISF : augmenter la contribution des ménages les plus riches, en y intégrant les disparités d’empreinte carbone associées à la consommation et au patrimoine. Ce dérivé climatique de l’ISF devrait pouvoir aboutir à une recette annuelle de 4,3 milliards d’euros (estimation réalisée à partir du montant actuel de la taxe carbone, 44,6 euros/tCO2eq/an). Toujours selon l’ONG, ce montant pourrait participer à combler le déficit annuel d’investissements publics dans la transition écologique. Au-delà du fruit de la taxe, cet ISF climatique pourrait inciter les ménages les plus fortunés, et donc les plus polluants dans l’ensemble, à décarboner leurs activités et leur patrimoine, pour réduire leur « redevance climatique ».
Pour joindre le concret à la théorie, Greenpeace propose un exemple. Bernard déclare un patrimoine de 2,25 millions d’euros, il est donc éligible à l’ISF selon sa formule de 2017 (l’ISF s’appliquait aux ménages dont les revenus dépassaient 1,3 million d’euro), l’empreinte carbone de son patrimoine financier est de 190 tCO2eq. En reprenant le barème 2017 de l’ISF, Bernard est donc redevable de 15 750 euros en vertu de l’ISF, auxquels s’ajoutent 8 474 euros, composante climatique de son impôt. Bernard doit donc s’acquitter de 24 224 euros d’ISF climatique auprès de la République française. Addition salée s’il en est. Bernard, un conseil, décarbonez !
Adam Belghiti Alaoui