Temps de lecture constaté 2’20
En réponse aux critiques, Jean Castex a annoncé des mesures complémentaires au plan pauvreté lancé en 2018.
C’est l’une des dures réalités de la crise sanitaire : la pandémie de la covid-19 est un coup dur de plus pour les plus démuni·es et un nouveau facteur d’appauvrissement et de précarisation. Après avoir longtemps repoussé l’initiative, le gouvernement a annoncé ce samedi 24 octobre des nouvelles mesures de lutte contre la pauvreté. Toujours pas d’augmentation des minimas sociaux, au grand dam des associations.
Depuis les premières semaines de la crise sanitaire, les files d’attentes devant les banques alimentaires et les signaux d’alarmes des associations se multiplient. Le gouvernement ne pouvait plus nier l’évidence. Et pour cause, on estime que plus d’un million de personnes ont basculé dans la pauvreté depuis le début de la pandémie (l’Insee fixe le seuil de pauvreté à des revenus mensuels inférieurs à 1 063 euros par mois). Emmanuel Macron le reconnaissait lors de son interview télévisée du 14 octobre : le coronavirus « frappe de manière très injuste, encore plus dans les milieux les plus précaires, les plus pauvres ». Mais le reconnaître ne suffit pas, et le gouvernement est accusé de ne pas en faire assez. La réponse est donc arrivée le samedi 24 octobre, avec l’annonce par le Premier ministre Jean Castex d’un renforcement du plan de lutte contre la pauvreté, depuis un centre d’Emmaüs Solidarité à Épinay-sur-Orge (Essonne) qu’il visitait. Initialement prévue pour la Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté, le 17 octobre, l’annonce a été éclipsée par l’actualité, marquée par l’assassinat du professeur Samuel Paty.
Insertion par l’emploi et aide au logement
Comme l’exprime Jean Castex, ces nouvelles mesures ont vocation à « prévenir la bascule dans la pauvreté et à sortir de cette situation, en amenant vers l’emploi et le logement ». Le tout via une enveloppe de 700 millions d’euros. Outre l’aide exceptionnelle de 150 euros, plus 100 euros par enfant, pour les allocataires du RSA et des APL, annoncée ces dernières semaines et nouvelle preuve que le gouvernement préfère une aide ponctuelle à une allocation durable, le Premier ministre a annoncé la création de 30 000 postes supplémentaires dans les structures d’insertion par l’activité économique (IAE). Pour rappel, une IAE donne aux personnes les plus éloignées de l’emploi le bénfice d’un accompagnement pour faciliter leur insertion professionnelle. Grâce à une rallonge de 150 millions d’euros, ajoutée aux 300 millions d’euros déjà prévus par le plan de relance, l’objectif fixé est d’atteindre 240 000 places dans les IAE d’ici à 2022. En outre, l’État va également débloquer 120 millions pour soutenir les parcours « emploi compétence » dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), en portant sa part de financement de 45 à 80 %. Une mesure qui rappelle, en quelque sorte, les emplois aidés, supprimés en 2017 par Emmanuel Macron. Élisabeth Borne, sur France Inter le 27 octobre, a admis que le précédent plan supprimé avait le désavantage de ne pas suivre les intéressé·es.
L’accès au logement et à l’hébergement d’urgence ont aussi été évoqués par Jean Castex et sa ministre du Logement Emmanuelle Wargon : « 1 500 places d’hébergement et d’accompagnement social vont être financées pour des femmes sans abri sortant de maternité ». Le plan hivernal, qui déclenche l’ouverture de places pour les personnes sans abri, a lui été avancé au 18 octobre.
Refus de la hausse des minimas sociaux
Certes, les coups de pouce aux dispositifs d’insertion, aux aides à la mobilité et au logement ont été unanimement salués par les acteur·rices associatif·ves. Mais c’est encore loin d’être suffisant, selon ces mêmes associations. La plupart militaient pour un élargissement du RSA, notamment aux jeunes de moins de 25 ans, mais le chantier du « revenu universel d’activité » promis par Emmanuel Macron a été relégué au second plan. « Il faut aller plus loin », selon Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS). Christophe Devus, président du collectif Alerte, qui rappelle que le RSA n’atteint aujourd’hui que 39 % du Smic, contre 50 % en 1988 au moment de la création du RMI (ancêtre du RSA), estime que le gouvernement campe sur une « position idéologique » en refusant d’augmenter les minimas sociaux. Reste que le gouvernement a tranché, l’accent sera mis sur les aides à l’insertion par l’emploi. Et pas ailleurs.
Adam Belghiti Alaoui