Immobilier, on s’adapte

Des choix nouveaux à cause du confinement.

« De l’air, un peu d’air, c’est juste une question de survie », chantait au début des années 2000, le groupe L5. Près de 20 ans plus tard, les fans de Popstars confinés en ville se sont sous doute surpris à fredonner de nouveau ce tube oublié. Pour preuve, observait début septembre PAP [De Particulier à Particulier], certains types de biens comme les appartements avec balcons ou terrasses ou les maisons en périphérie des agglomérations (si elles sont bien desservies et connectées à Internet, vogue du télétravail oblige) trouvent encore très vite preneurs depuis le mois de mai. Au printemps, Aymeric et Daphné, deux quadragénaires avec deux jeunes enfants, n’ont pas hésité à vendre leur spacieux appartement à étage élevé de Neuilly, mais sans balcon, pour acquérir un rez-de-chaussée avec jardin à Boulogne. « Côté prix, nous n’avons pas fait l’affaire du siècle. Avec le montant déboursé pour le nouvel appartement de Boulogne, nous aurions pu acquérir un bien plus vaste à Neuilly, mais nous avons clairement privilégié l’existence d’un jardin. Nous avons même installé une piscine gonflable pour les enfants », se félicite Daphné.

D’autres critères, comme l’orientation, pensée « télétravail »

Les attentes des acquéreurs ont clairement évolué après le confinement. La luminosité, le calme, des espaces extérieurs figurent désormais parmi les principaux critères de sélection d’un bien. « Les particuliers qui en ont les moyens cherchent une pièce de plus, un balcon, une terrasse, voire un bout de jardin. Certains regrettent d’avoir dépensé 50 000 euros dans une voiture au lieu de consacrer cette somme à l’achat d’une résidence plus spacieuse. On constate en outre une forme de prise de conscience des ménages après la pandémie. Ils se recentrent sur leur noyau familial et cherchent à protéger les leurs, ils veulent faire de leur lieu d’habitation un cocon », constate Pierre-Louis Baslez, agent immobilier chez Michaël Zingraf Real Estate à Paris. De même, certains critères jusque-là plutôt considérés comme des variables d’ajustement, ont changé. Auparavant, beaucoup de Français·es estimaient que leur maison ou leur appartement de rêve devait être orienté·e au sud. Mais le changement climatique et le confinement ont changé la donne. Interrogée fin août sur Europe 1, Christine Fumagalli, la présidente du réseau d’agences immobilières Orpi, révélait que 68 % des ménages privilégiaient désormais une exposition ouest. Être orienté à l’ouest évite le plein soleil toute la journée, notamment quand on veut télétravailler, et permet de profiter d’une jolie lumière le soir. Cette quête d’une meilleure qualité de vie n’a pas échappé aux spécialistes de l’immobilier résidentiel. Sur son site Internet, Emerige, par exemple, met en avant son programme situé à Paris dans le XVe arrondissement, baptisé Ateliers Vaugirard. Le promoteur propose « des appartements lumineux, pour la plupart traversants, déclinés du 2 au 5 pièces duplex. Tous disposent de surfaces extérieures particulièrement généreuses, notamment des balcons ou de belles terrasses en attique pour les étages supérieurs ». Ses concurrents comme Pitch Promotion, Catala et Cappelli font également la part belle sur leurs sites aux programmes avec jardins et terrasses en Île-de-France comme en province.

Changer de ville, de département, de région ne fait plus peur

Si certains particuliers ont fait le choix d’améliorer leur qualité de vie en restant dans leur ville, d’autres rêvent de verdure et/ou de soleil. Alexandra et Stéphane ont vendu dès la fin du confinement leur appartement parisien du boulevard Flandrin pour s’installer avec leurs deux jeunes enfants sur la Côte d’Azur. « Le confinement nous a fait réfléchir. Auparavant, cette installation dans le Sud n’était qu’un vague projet, mais la pandémie a accéléré les choses. Depuis fin juin, nous louons une maison avec piscine près de Cannes en attendant de trouver la villa de nos rêves », explique Alexandra qui reconnaît que ce changement de vie a été également rendu possible par l’essor du télétravail. En juin, Orpi a publié une étude qui confirme cette envie d’ailleurs. Selon le réseau d’agences, un acheteur sur trois a fait évoluer son projet immobilier entre mars et mai. Une large tendance se dégageait : la recherche de plus grands espaces intérieurs ou extérieurs : 26 % souhaitent dorénavant un extérieur, 19 % voudraient un espace de vie plus grand pour leur famille ou bien encore 19 % ne veulent plus de vis-à-vis ni de copropriété. Et pour cela, ils sont prêts à s’éloigner. Un quart des répondants souhaitent changer de ville (9,4 %), de département (5,6 %) ou de région (8,9 %). En régions, les promoteurs s’activent pour s’adapter à la demande. Le Groupe Giboire vient de débuter la commercialisation d’un programme. À 10 minutes de l’entrée de Rennes, à Betton, la résidence assure à ses habitants, à la fois, les atouts d’une vie au calme, dans un cadre verdoyant, et une vie économique et culturelle dynamique : commerces, services de proximité, infrastructures sportives de qualité, établissements scolaires… Elle est également très bien desservie par les transports en commun. D’autres promoteurs réputés comme le groupe Oceanis jouent des mêmes armes pour séduire une clientèle à la recherche de calme de confort en régions.

Recherche métropoles

Si Alexandra et Stéphane ont pu réaliser leur projet, la grande majorité des Français·es ont revu leurs ambitions à la baisse. Ce que confirme Seloger : l’exode urbain des Parisien·nes annoncé au printemps n’a pas eu lieu. Les acheteurs ont été rattrapés par la réalité du monde de l’entreprise avec l’obligation faite à une majorité de salarié·es de réintégrer leurs bureaux. Lesquel·les regardent donc des biens à moins d’une heure de leur lieu de travail. « Même si la banalisation du télétravail change la donne, force est de constater que c’est en ville que se concentre l’emploi. C’est cette métropolisation de la croissance qui fait se concentrer les nouveaux jobs dans les grands centres urbains et se vider les petites villes au profit des grandes », observe la plate-forme immobilière. Son étude publiée début septembre révèle d’ailleurs qu’entre le 11 mai et le 31 août de cette année et en 2019, les métropoles ont continué de figurer en bonne place dans les recherches immobilières (à l’achat comme à la location) sur son site.

Une occasion pour les banques de s’arracher de bons clients

Bonne nouvelle pour ceux qui sont en quête d’une pièce de plus, d’une terrasse ou d’une maison spacieuse, les taux des prêts restent très faibles. Le taux moyen a reculé de 4 points depuis juin pour atteindre 1,24 % au mois d’août. Dans les mois à venir, ces taux ne devraient guère augmenter grâce à l’absence d’inflation et la politique monétaire très accommodante de la BCE. Mais les banques sont bien moins prêteuses qu’auparavant. « Le marché du crédit immobilier résidentiel est moins dynamique qu’il y a un an. On observe moins de jeunes primo-accédant·es. Une situation qui s’explique directement par les recommandations du HCSF », explique Jean-Marc Vilon, directeur général de Crédit Logement. Cet organisme vient d’ailleurs de confirmer ses recommandations formulées à l’hiver 2019. Inquiet de la formation d’une bulle immobilière, le HCSF contraint les banques dans l’octroi des crédits immobiliers. Parmi ces recommandations, on retrouve l’application de la règle d’endettement de 33 % maximum pour les particuliers : le montant des mensualités ne doit pas dépasser un tiers de revenus nets actuels du ménage. Les prêts de plus de 25 ans restent également bannis. « Il faut cependant relativiser cette dernière recommandation. Les crédits supérieurs à 25 ans ne représentaient l’an dernier que 2 % du marché. En revanche, il est vrai que ce sont les primo-accédant·es qui avaient le plus recours à des crédits de long terme. On observe que les dossiers qui passaient l’an dernier ne passent plus, que les banques se concentrent davantage sur une clientèle au profil patrimonial », précise Jean-Marc Vilon. Selon lui, la baisse de la production de crédit enregistrée depuis le début de l’année s’explique davantage par les recommandations du HCSF que par la covid-19. Pour autant, les conditions restent attractives. Les taux moyens se sont établis à 1,24 % en août, légèrement au-dessus du plancher de novembre 2019, et sa moyenne de 1,12 %, révèle le dernier observatoire de Crédit Logement. « Si les banques respectent les recommandations du HSCF afin d’éviter des sanctions, elles n’ont pas fermé le robinet du crédit. Elles se livrent une concurrence féroce dans ce secteur qui revêt pour elles une importance majeure. C’est le plus souvent l’unique occasion de conquérir un client de la concurrence », ajoute Marc Vilon.

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