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Une lettre ouverte d’un aménageur d’espaces de travail que le télétravail dérange…

L’innovant Totem, service de snacking pour les entreprises et créateur de lieux de convivialité dans les bureaux, créé par Rafaël de Lavergne, plaide pour le retour au bureau et donc pour sa chapelle, au nom d’arguments forts. Le titre de sa lettre ouverte, Mort aux bureaux, ne manque pas d’humour ni de litote. Une occasion, au passage, de rappeler l’historique de l’aménagement des bureaux, de l’usine aux open spaces.

Soyons honnêtes. Le 16 mars, qui n’était pas un peu soulagé·e de pouvoir enfin se passer du réveil à 7 heures du matin, de ne plus se farcir les allers-retours sur la ligne 13 bondée ? Finis aussi, les chargeurs de smartphone qui disparaissent et qui réapparaissent une semaine plus tard à côté du frigo, finis les collègues qui mangent leurs clémentines devant leur ordinateur en nous laissant profiter de cette odeur acidulée toute l’après-midi…

En fin de compte, avec un ordinateur et une connexion Internet, nous pouvons désormais télétravailler partout et de partout ! Pourquoi sortir de sa couette ? Mort aux bureaux ! Vive le télétravail !

Mais alors, pourquoi des 27 % des employé·es qui sont passé·es en télétravail en mars, il n’en reste que 12 % trois mois plus tard ?

Pourquoi, après l’allocution du président de la République, l’idée de devoir renoncer de nouveau aux bureaux nous semble plus douloureuse encore ? Est-ce vraiment la mort des bureaux ? Sommes-nous prêt·es à prononcer leur éloge funèbre ?

Nous sommes des animaux sociaux
La vérité, c’est que ça nous manque de vibrer sur notre chaise parce que Noë tape du pied avec son casque pendant qu’il travaille, d’entendre le rire de Cassandre jusqu’à l’étage du dessus même si à cause d’elle on a perdu le fil de ce qu’on disait, de finir son café avec Laurent avant de dire « allez, j’y retourne ».

Le télétravail apporte de vraies solutions pendant cette période de crise. Pourtant, même si on enchaîne les visios et que les échanges entre collègues « survivent » ainsi, l’absence d’un lieu où se retrouver affecte la culture d’entreprise, la créativité, le moral et l’engagement des employé·es

Selon le baromètre Paris Workplace, les salarié·es qui pratiquent le télétravail (au moins une fois par semaine) sont plus nombreux·ses à se sentir isolé·es. Seuls les échanges en face à face permettent de réduire le risque d’isolement.

Quand on parle à plus de trois personnes en face à face dans une journée, la probabilité qu’on se sente isolé est divisée par deux. Même les plus simples interactions du quotidien comme les « salut ça va ? » dans le couloir suffisent à influencer positivement notre moral.

Rafaël de Lavergne, CEO de Totem, explique : « Ce n’est pas sans raison que plus de 50 % des freelances se rendent dans des espaces de coworking plutôt que de rester seul·es chez eux. Si le télétravail est donc un bel outil de motivation quand il est possible d’y recourir un ou deux jours par semaine, le généraliser à cinq jours impacte très négativement le moral du salarié. »

À l’inverse, l’étude montre aussi que les ping, les slack, les mails, les call, les visios peuvent renforcer le sentiment d’isolement et d’exclusion.

Pour Hugues Meili, PDG de Niji : « L’intuition, les ondes, les mimiques, la gestuelle, tout cela ne se retrouve pas par écran interposé. À distance les uns des autres, c’est bien simple : on perd l’âme. »

Au bureau, nous sommes tous logés à la même enseigne
Le télétravail a mis en évidence un renforcement des inégalités liées aux conditions matérielles des employé·es, comme des logements trop petits ou partagés avec d’autres personnes. Comme Emmanuel Macron l’a souligné la semaine dernière, « il est plus facile de travailler de sa maison de campagne que d’un studio ».

Ce qui est particulièrement vrai en Île-de-France, la région avec le taux le plus élevé d’employés actifs en situation de télétravail (41 %), où la surface moyenne des logements est plus faible (20 m2² de moins que dans les autres régions) et où plus de 25 % des logements sont surpeuplés.

Sans parler des inégalités liées à l’accès au matériel informatique, à une connexion Internet, à du mobilier adapté (chaises de bureau, supports pour les PC, écrans…). Même si des acteurs comme Enky mettent en avant des offres d’ameublement en télétravail, le contexte du bureau ne peut être reproduit à l’identique chez soi.

Les jeunes diplômés sont particulièrement touchés car ils ne télétravaillent pas dans les mêmes conditions matérielles que leurs collègues plus âgé·es, ont plus de difficultés à s’intégrer et à se responsabiliser au sein de leur entreprise et demandent un suivi supplémentaire qui risque facilement de se perdre à distance.

Le bureau est sans nul doute un levier majeur pour lutter contre les inégalités sociales dans le travail.
Au bureau nous sommes tous·tes les mêmes ! Qu’on soit propriétaire d’un manoir en bord de mer ou locataire d’une mansarde au sixième sans ascenseur, nous sommes tous assis à une place, avec une même chaise, un même clavier, un même écran de bureau, et avons tous les bons outils à notre disposition pour travailler.

Nous avons le calme que nous n’aurions pas chez nous, où nos enfants crient à côté de la table, où le voisin fait des trous dans son mur, où le camion des poubelles passe en bas de chez nous en pleine réunion commerciale. Nous sommes tous dans les meilleures dispositions pour exploiter au mieux notre potentiel et favoriser notre créativité.

On vit les choses autrement quand on les vit ensemble
Imaginez-vous le soir de la finale de la Coupe du monde de football de 2019. La France est dans la rue, l’équipe de France est sur le terrain et vous, vous êtes sur votre canapé, seul·e. Vous êtes un·e vrai·e fan de football pourtant. Difficile de penser que le but de Kylian va vous éjecter de votre sofa et que vous allez faire la danse de la joie sans personne pour vous accompagner, si ?

Le bureau c’est pareil, c’est là qu’on vit les choses, c’est là que les choses se passent. C’est là que les grandes décisions se prennent, c’est là que les synergies se créent.

Au bureau, on se nourrit de l’énergie des collègues, du travail en équipe, de l’envie d’apprendre, du sentiment de partager une aventure ensemble, de se battre pour un projet commun. Alors que se passe-t-il quand nous travaillons depuis notre canapé ? Cet engagement, cette soif d’apprendre s’affaiblissent.

Pour faire un parallèle, nous pouvons observer que l’apprentissage à distance a les mêmes répercussions sur l’engagement des élèves : absence de contacts réels, manque de motivation et d’assiduité ou encore sentiment d’isolement. C’est d’ailleurs pourquoi, cette fois, les écoles restent ouvertes.

Le bureau, comme l’école, est un lieu d’échanges, un endroit conçu pour créer des synergies positives, limiter les distractions externes et booster l’apprentissage par friction. Il est aussi l’endroit où l’on crée de vraies connexions avec les autres, des amitiés, des souvenirs et c’est ce tissu social, ces connexions interpersonnelles qui permettent aux employés de s’attacher à la culture d’entreprise et qui constituent l’extra mile leur permettant d’entretenir la flamme de l’engagement.

Le bureau s’est réinventé pour nous laisser inventer
Le concept de bureau a connu beaucoup de bouleversements au fil des années.

À la fin du xixe siècle, le modèle du « bureau tayloriste » s’impose. L’ingénieur américain Taylor prévoit dans son organisation scientifique du travail (OST) des rangées de bureaux et un espace neutre méticuleusement aménagé pour obtenir des conditions propres à maximiser la productivité des employés. Le bureau industriel est donc considéré comme une machine.

Les choses changent après la Seconde Guerre mondiale avec le « bureau social-démocrate », un lieu d’interactions humaines et de relations sociales où s’entendre avec les autres est la clé pour bien faire le travail. C’est une approche beaucoup plus axée sur le lieu, qui utilise des principes d’urbanisme (des rues, des boulevards et des espaces verts, et une disposition en grappes plutôt qu’en rangées) pour créer un environnement plus agréable et impliquer les personnes qui y travaillent.

Aujourd’hui, le bureau doit de plus en plus s’adapter aux divers usages qui en sont faits : espace de réunion, espace de réflexion, showroom… Les espaces se doivent d’être de plus en plus flexibles et plus que jamais ils doivent refléter et incarner la culture et les valeurs d’entreprise.

Alors, si nombre de sociétés tech ont opté pour une politique de full remote, les bureaux restent le centre de la culture d’entreprise pour une majorité d’organisations.

Firmin Zocchetto, Co-founder & CEO de PayFit, explique : « Ces derniers mois, au sein de PayFit, nous avons réfléchi à la manière d’intégrer les enseignements tirés du confinement dans un quotidien changé. C’est très naturellement qu’a émergé le souhait de dessiner une toute nouvelle organisation du travail, Work from anywhere. Dans ce cadre, garder des bureaux nous semble essentiel. Ils restent un lieu d’accueil privilégié pour nos collaborateurs où ils pourront choisir de travailler, où ils créeront du lien social et se retrouveront. »

La situation de crise actuelle et la réorganisation du travail amèneront inévitablement un nouveau changement du concept de bureau, selon Clément Alteresco, CEO et fondateur de Morning : « Le bureau de demain sera moins un lieu de production qu’un espace d’expression. »

Rafaël de Lavergne, Totem : « Le lieu de travail doit lui aussi évoluer afin qu’une journée passée dans les locaux de l’entreprise soit aussi gratifiante que celle passée chez soi. Les start-up l’ont déjà bien compris. Elles mettent en place le flex office et s’organisent à la manière d’une maison, avec des espaces dédiés à des fonctions bien définies : des salles de réunion pour brainstormer, des niches pour passer ses appels ou s’isoler, des pièces pour se détendre, une cafétéria où se retrouve. Le mobilier suit la même tendance pour se rapprocher de la décoration d’un appartement particulier, à la fois design et confortable, propice à la convivialité. »

Un lieu de travail porté sur le bien-être et l’épanouissement de l’employé est donc essentiel pour attirer et retenir les talents, booster l’engagement et transmettre le propre de la culture.

Chez Totem, même si on ne dit pas non à une petite journée de home office pour bosser tranquillement sous la couette, on croit fortement que les bureaux sont les lieux où la magie opère. Nous ne sommes pas prêt·es à planter le dernier clou dans le cercueil de notre cher et aimé bureau.

Nous croyons que le bureau est le seul endroit où on peut être soi-même, libre, ambitieux, créatif, exploiter au maximum son potentiel et libérer l’artiste intérieur qui dort dans chacun de nous !

Les synergies avec les autres et l’énergie qu’on ressent par friction au bureau nous aident à grandir en apprenant des autres, à surmonter les défis ensemble et à devenir la meilleure version de nous-même.

Alors voilà, nous respectons la décision qui a dû être prise, nous sommes solidaires et sommes prêt·es à faire ce sacrifice pour nos plus jeunes et nos plus âgé·es. Mais si nous sommes sûrs d’une chose, c’est que quand le soleil brillera à nouveau, les bureaux seront toujours là ! Et nous continuerons de les enchanter.

Longue vie aux bureaux.

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