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Vingt-cinq départements français ont déjà instauré un couvre-feu à 18 heures. Le reste du pays sera aussi concerné dès samedi 16 janvier.

Jeudi 14 janvier, la France s’approche du triste seuil des 3 millions de contaminé·es et 70 000 morts. La faute à une pandémie qui dure depuis près d’un an, et dont les variants – notamment le britannique – ne laissent que peu de répit à toutes celles et ceux qui regrettent forcément la vie d’avant. Une des restrictions plébiscitées par le gouvernement français : le couvre-feu.  Déjà en vigueur dès 18 heures au sein de 25 départements, le gouvernement a annoncé que l’ensemble du territoire devra s’y confronter pendant au moins 15 jours dès samedi 16 janvier. Une mesure qui a son lot de défenseur·es et de détracteur·rices. Un couvre-feu à 18 heures est-il vraiment efficace ?

« Un couvre-feu avancé à 18 heures ne changera pas grand-chose », dixit l’épidémiologiste Catherine Hill. « On ne peut pas nous prouver scientifiquement qu’entre 18 et 20 heures, il y a une amélioration dans le cadre de l’épidémie sanitaire », lançait Renaud Muselier, président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. « On n’est pas tous d’accord, même en tant qu’infectiologues », décrivait Éric Cua, du CHU de Nice. Non, le couvre-feu à 18 heures ne fait pas l’unanimité. Y compris chez les scientifiques. Et pourtant, c’est ce qui a été décidé dans 25 départements – dans un premier temps – pour enrayer la propagation du virus. Avant une généralisation à l’ensemble du territoire. Le gouvernement, lui, y croit dur comme fer. Pourquoi ?

Faire chuter les interactions sociales
L’une des raisons qui expliquent la mise en place d’un couvre-feu précoce serait la limitation du nombre de nos contacts. Essentiel quand on veut lutter contre une épidémie. Réduire de deux heures le début du couvre-feu rendrait plus complexe « le fait de rencontrer de nouvelles personnes », explique Jean-Stéphane Dhersin, mathématicien et responsable de la plate-forme Modcov19. Or, moins on a de contacts, plus les risques de se faire contaminer diminuent. Dit comme ça, c’est assez logique. Un constat partagé par le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, qui assure que « la dynamique de croissance du virus est moins rapide que dans d’autres territoires » lorsqu’il évoque les premiers départements concernés par un couvre-feu avancé.

La volonté, derrière, est aussi de casser les rassemblements informels. Un couvre-feu qui débute à 20 heures laisse encore une marge de manœuvre – bien que très restreinte – à celles et ceux qui voudraient se réunir après le travail, échanger autour d’un apéro, dans la sphère privée ou « sauvage », c’est-à-dire en extérieur, malgré la fermeture des bars et restaurants. Ramener le couvre-feu à 18 heures éteint cette marge de manœuvre : quand vous sortez du travail, il faudra simplement rentrer chez vous ! Comprenons-nous bien, c’est le métro-boulot-dodo qui est visé. Voire le boulot-dodo pour les salarié·es qui peuvent télétravailler. De plus, une étude avait été réalisée par l’Institut Pasteur fin décembre : des milliers de malades avaient répondu à un questionnaire dont il ressortait que, hors du foyer (qui représente un tiers des contaminations), les cas de covid sont survenus dans le cercle familial (33 %), dans le milieu professionnel (29 %) et dans le milieu amical (21 %). Autrement dit, des contaminations qui découlent de repas en famille, d’interactions au sein de l’entreprise et du temps passé entre ami·es. Un couvre-feu à 18 heures permettrait de mieux lutter contre la première et la troisième source de contamination.

Une meilleure traçabilité
Souvenez-vous, en mai 2020, la Guyane avait décidé d’instaurer un couvre-feu avant de le durcir progressivement : d’abord de 23 heures à 5 heures du matin, puis 19 heures. Il était même passé à 17 heures fin juin. Était reproché à l’époque aux Guyanais·es de sortir et consommer de l’alcool, soit de multiplier les risques de contamination. Selon les spécialistes, l’avancement du couvre-feu s’était montré efficace : « À chaque fois que le couvre-feu était avancé, on voyait que la courbe du nombre de cas descendait. Plus il était tôt, moins il y avait de cas », expliquait le professeur Mathieu Nacher, médecin au centre hospitalier Andrée Rosemon de Cayenne.

Parmi les autres objectifs d’un couvre-feu à 18 heures, la volonté d’une meilleure traçabilité. Selon l’étude de l’Institut Pasteur, près d’un tiers des personnes interrogées ne connaissaient pas le lieu où ils·elles avaient contracté le virus. Or, en limitant le nombre d’interactions avec des inconnu·es, des ami·es ou même le cercle familial, l’on réduit le champ des possibles où un·e malade aurait pu être contaminé·e. Enfin, mettre en place un couvre-feu avancé pousserait les employeurs à opter pour le télétravail de leurs salarié·es. Dans la mesure où un couvre-feu avancé constitue une contrainte supplémentaire qui rendrait encore plus décourageantes les allées et venues au et du bureau.

Si le couvre-feu, bien qu’il ne fasse pas l’unanimité, représente une mesure (parmi d’autres) pour s’attaquer à la pandémie covid-19, des dommages collatéraux ne pourront se voir évités. Et ce ne sont pas les commerçant·es qui diront le contraire. Eux·elles qui réalisent entre 20 et 30 % de leur chiffre d’affaires entre 17 et 20 heures. Il faudra alors trouver quelques combines pour sauver les meubles, ouverture le dimanche et/ou beaucoup plus tôt le matin, à 6 heures ?  Mais qui irait en boutiques aux aurores… ? Cette fichue pandémie nous donne du fil à retordre. GW

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