Temps de lecture constaté 2’30
AstraZeneca et le Royaume-Uni sont dans la viseur de la Commission européenne.
Entre les pays membres de l’Union européenne et leur désormais ex-partenaire communautaire, le ton monte sur la gestion de la campagne vaccinale. Au cœur des tensions : le comportement du laboratoire britannique AstraZeneca et du Royaume-Uni, accusés par Bruxelles de ralentir l’arrivée de doses de vaccins sur le continent. Le mécanisme de contrôle des exportations de vaccins hors de l’UE sera renforcé.
Un certain ras-le-bol s’est emparé des Vingt-Sept. AstraZeneca et Londres sont dans le viseur de la Commission européenne et de sa présidente allemande Ursula von der Leyen. Lors de la réunion générale en visioconférence entre les chef·fes d’État et de gouvernement de l’UE du jeudi 25 mars, l’objectif était clair : obtenir par tous les moyens possibles les doses prévues dans les contrats avec AstraZeneca. Car beaucoup se font attendre. Dans un contexte où la rapidité de la vaccination fait office de facteur clé pour sortir de l’ornière et gagner du terrain contre le virus, la situation est inacceptable pour les Européens. Et pour cause : la Commission a révélé aux dirigeant·es que depuis décembre 2020, l’UE a exporté quelque 21 millions de doses de vaccins vers le Royaume-Uni, essentiellement produites par le laboratoire Pfizer. Un nombre considérable, quand on sait que le Royaume-Uni a jusqu’à présent inoculé 31 millions de doses. En somme, presque 70 % des vaccins administrés outre-Manche proviennent du continent ! Là où le bât blesse d’autant plus, c’est que dans le même temps, aucune dose du vaccin d’AstraZeneca produite sur le territoire britannique n’a accompli le chemin inverse, malgré les deux usines de production présentes au Royaume-Uni. D’un côtén 21 millions de doses exportées, de l’autre aucune, la balance s’affole et la Commission européenne tape sur la table.
Bruxelles veut limiter les exportations
En réaction à la situation, Ursula von der Leyen a annoncé mercredi 24 mars sa volonté de renforcer un mécanisme communautaire déjà en place depuis le 1er février, celui du contrôle des exportations de vaccin anticovid produits dans l’UE, afin de garantir les approvisionnements des pays membres. Le dispositif mis en place par Bruxelles prévoyait déjà la nécessité d’un feu vert de l’État membre d’où partent les doses et celui de la Commission, avant toute exportation de vaccin. Ce sont 300 autorisations qui ont été délivrées depuis la fin janvier pour l’envoi de 40 millions de doses vers 33 pays et un unique refus d’une livraison d’AstraZeneca vers l’Australie depuis l’Italie. La volonté est claire : utiliser le dispositif contre les laboratoires qui ne respectent pas leurs engagements vis-à-vis de l’UE et tenir compte de la situation des pays vers lesquels l’industriel compte expédier ses doses. L’exécutif européen entend ainsi durcir les conditions d’exportations vers les pays qui produisent eux-mêmes des vaccins sans en envoyer en retour vers l’UE, un principe de réciprocité que Bruxelles oppose aujourd’hui à Londres. D’autant plus que le contrat signé entre AstraZeneca et la Commission prévoit que les deux usines britanniques du laboratoire soient mises à contribution pour servir le marché européen.
Un durcissement qui divise
Désormais, rien n’empêche l’UE d’interdire les exportations de vaccins Pfizer-BioNTech vers le Royaume-Uni. Toutefois, les pays membres n’accueillent pas tous l’initiative et la volonté de la Commission à bras ouverts. À commencer par les pays qui hébergent une industrie pharmaceutique ou qui restent de tradition libérale comme l’Irlande, la Belgique, les Pays-Bas ou la Suède. Autant de membres à avoir fait part de leur réticence lors de la réunion de jeudi. Le Premier ministre suédois, Stefan Löfven, craint qu’une « guerre commerciale » ne naisse de cette montée de tension entre l’UE et son ancien pays membre. Emmanuel Macron s’est lui aussi exprimé : « Face aux velléités de déstabilisation russe, chinoise, d’influence par le vaccin, si nous voulons tenir, nous devons être souverains. Nous nous sommes mis en capacité de produire pour ce faire. » Malgré les avis contraires, les Vingt-Sept ont fait le choix de laisser agir la Commission et de reconnaître implicitement la nécessité de renforcer le mécanisme de contrôle des exportations, à l’heure où la troisième vague frappe tout le continent. C’est « la fin de la naïveté », a affirmé le Président de la République française.
L’UE a fait le choix de durcir le ton. Une fermeté qui pourrait bien débloquer les négociations avec le Royaume-Uni qui ne peut se permettre que Bruxelles lui coupe les livraisons de Pfizer-BioNTech. Dans ce contexte tendu, les discussions ont repris. Un accord est en vue. Reste que même en cas de réussite des négociations, il est peu probable que les États membres reçoivent les 200 millions de doses qu’AstraZeneca ne leur a pas livrées au premier semestre.
ABA