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Parabole du futur.
En s’éveillant, il sut aussitôt qu’il s’était passé quelque chose d’épouvantable. Oh mon Dieu, se dit-il en se rendant compte que Monsieur Lit l’avait déposé en tas contre le mur. Ça recommence. Et le directorat Ouest qui nous promettait l’infinie perfection. Voilà ce qu’on récolte, songea-t-il, quand on croit aux fariboles des simples humains.
Il se dégagea comme il put des draps entortillés, se leva en chancelant et se dirigea vers Monsieur Placard.
« Je voudrais un élégant costume croisé, gris, avec doubles revers, l’informa-t-il d’un ton cassant par l’intermédiaire du micro de la porte. Une chemise rouge, des chaussettes bleues et… » Mais peine perdue. Déjà l’ouverture vibrait tandis qu’en sortait une immense culotte bouffante en soie pour dame.
« C’est comme ça et pas autrement », fit la voix caverneuse et métallique de Monsieur Placard.
Maussade, Joe Craignos enfila la culotte. C’était mieux que rien – il n’oubliait pas ce Funeste Jour d’Août où le vaste ordinateur polyencéphalique du Queens avait distribué un mouchoir pour seul vêtement aux habitants de la Grande Amérique.
Joe Craignos alla se débarbouiller dans la salle de bains… et s’aperçut que le liquide dont il s’aspergeait était en fait de la limonade tiède. Bon Dieu, se dit-il. Monsieur Ordinateur est plus cinglé que jamais. Il a dû lire les vieilles histoires de science-fiction de Phil Dick, conclut-il. Voilà ce qui arrive, à force de lui faire avaler ces saloperies archaïques.
Il acheva de se peigner – sans utiliser la limonade – puis, s’étant séché, alla à la cuisine voir si Madame Cafetière, au moins, demeurait un fragment de réel encore sain dans la réalité qui se détériorait autour de lui.
Pas de chance. Madame Cafetière lui présenta obligeamment un gobelet de savon. Tant pis.
***
Surpris·e ? Que voulez-vous. Faute d’avoir pu me fendre d’un éditorial à la couleur du 1er avril hier, car M. Macron n’était pas d’humeur badine, je me rattrape aujourd’hui 2 avril avec rétroaction. Et en l’occurrence, la chronique du jour est tirée du début d’une nouvelle de Philip K. Dick, cet auteur de S-F plein de dérision à son propre égard. La nouvelle s’intitule Le jour où Monsieur Ordinateur perdit les pédales, tirée de la compilation des Nouvelles complètes de Philip K. Dick, 1954-1981, publiées chez Quarto Gallimard. Avec une certaine saveur prophétique : le jour où notre IA perdra les pédales, il se pourrait que le vaccin AstraZeneca cesse de tuer des déficient·es en plaquettes sanguines. Et ce n’est pas un poisson.
Olivier Magnan