Air France-KLM et trafic aérien, l’Europe est à la traîne

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Le trafic aérien européen reste très inférieur à celui de 2019, et aux niveaux retrouvés aux États-Unis.

Le premier trimestre 2021 ressemble dangereusement à 2020 pour le trafic aérien européen et son cador Air France-KLM. Pendant que de l’autre côté de l’Atlantique et qu’en Asie le trafic a presque retrouvé son niveau d’avant crise, l’Europe reste à la traîne et les reconfinements nationaux n’ont rien arrangé. Face à l’urgence, la recapitalisation d’Air France-KLM a obtenu le feu vert de Bruxelles, et l’équation financière vire au casse-tête.

L’Europe est bel est bien la lanterne rouge mondiale de la reprise du trafic aérien. Pendant que le trafic domestique chinois est repassé au-delà de ses niveaux de 2019 et qu’une reprise tout aussi spectaculaire et rapide s’engage sur le marché américain, le trafic aérien européen fait l’escargot, avec un niveau d’activité encore inférieur de 64 % à son niveau d’avril 2019, selon les chiffres d’Eurocontrol. Aux États-Unis, le rapport est limité à -30 %, pour -20 % en Chine et -40 % au niveau mondial. Le retard de la France et de ses voisins est considérable. En volume, le nombre de vols dans le ciel européen n’atteint que le tiers de la « normale », soit quelque 10 000 vols par jour. Pour les seuls vols internationaux, l’écart est encore plus important : -80 % par rapport aux niveaux d’avant crise. Le reconfinement et les nouvelles restrictions en France n’ont rien arrangé, et le peu d’activité retrouvée est repartie à la baisse, pour descendre à 28 % du niveau de 2019. Une diminution de l’offre qui s’étend en Allemagne, au Royaume-Uni, en Italie. Conséquence, Air France n’opère qu’à 32 % de ses capacités en ce début avril, Lufthansa à 21 % et Ryanair à 10 % seulement, pendant que les compagnies américaines prévoient déjà de remettre en service l’intégralité de leur flotte d’ici au mois de mai. Plus significatifs encore, à l’exception d’Aeroflot et de Turkish Airlines aucune compagnie européenne ne figure dans le classement OAG des 20 premières compagnies aériennes mondiales, ultra dominé par les compagnies américaines et chinoises. Idem pour les grands aéroports du continent, qui ont disparu des 20 premiers aéroports mondiaux. Résignées, les compagnies européennes espèrent et attendent la reprise, à l’instar de Ryanair, première compagnie européenne en nombre de passager·ères, qui compte remettre plus de 90 % de ses capacités en services dès juin.

Il faut sauver le soldat Air France-KLM
En attendant la providence de la reprise, l’urgence est à la survie des grandes compagnies européennes, à commencer par Air France-KLM. La compagnie franco-néerlandaise pourrait accumuler une dette de l’ordre de 13 milliards d’euros entre 2020 et 2023, et sa solvabilité inquiète. Après avoir tout fait pour que le fleuron européen ne se retrouve pas à court de liquidités au plus fort de la crise – avec l’octroi de 7 milliards d’euros de prêts à Air France – , l’État s’attaque au reste d’une équation financière loin d’être résolue. Première étape : un accord de principe avec la Commission européenne, approuvé par Air France-KLM et Air France, autour d’un plan de recapitalisation, officiellement dévoilé ce mardi 6 avril, de 4 milliards d’euros. De quoi permettre à Air France-KLM de se conformer aux règles financières. En réalité, cette recapitalisation correspond à une injection d’argent frais de seulement 1 milliards d’euros, le montant de la future augmentation de capital. Les trois autres milliards proviennent de la conversion du prêt de l’Etat français de mai 2020 en titres super subordonnées (TSS) sous forme de dette perpétuelle hybride. Certes les fonds propres d’Air France-KLM s’en trouvent renforcés, mais les analystes financiers recommandent de considérer les TSS comme de la dette. Une chose est sûre, le milliard d’argent frais permettra de couvrir la consommation de cash du premier semestre, mais de nouveaux financements seront nécessaires pour la seconde moitié de l’année, et pourraient être apportés par les Pays-Bas pour KLM. Problème, à l’issue de l’augmentation du capital du groupe à laquelle les Pays-Bas ont décidé de ne pas participer, la participation de l’État néerlandais pourrait tomber sous les 10 %. Dans le même temps, l’opération va se traduire par une montée de l’État français au capital, lequel en détient aujourd’hui 14,3 %. La France s’étant engagée à rester en dessous du seuil des 30 %, au-delà duquel il lui faudrait lancer une offre publique d’achat (OPA) sur l’intégralité du capital.

L’aide a un prix
En contrepartie de cette augmentation de son capital, Air France s’est engagé à fournir des efforts supplémentaires de réduction des coûts, à commencer par l’interdiction du versement des dividendes et un gel des rémunérations des membres de la direction, assorti d’une interdiction des bonus tant que la recapitalisation n’est pas remboursée à 100 %. Aussi, l’accord interdit au groupe Air France-KLM de prendre une participation de plus de 10 % dans une autre compagnie. Dans un communiqué, Bruxelles indique que « l’État français recevra une rémunération appropriée pour l’investissement, et des mécanismes supplémentaires ont été mis en place pour inciter Air France et son holding à racheter la prise de participation de l’État résultant de la recapitalisation ». Car oui, la France n’a pas vocation à rester éternellement au capital d’Air France-KLM, et s’est engagée à une « stratégie de sortie crédible dans un délai de douze mois à compter de l’octroi de l’aide (…) à moins que l’intervention de l’État ne soit ramenée à un niveau inférieur à 25 % des fonds propres d’ici là », comme le précise le communiqué de la Commission européenne. Si la participation de la France n’est pas réduite dans un délai de six ans, un nouveau plan de restructuration devrait être proposé.
Surtout, Air France va devoir céder à d’autres compagnies aériennes des créneaux horaires à l’aéroport de Paris Orly, pour se conformer aux règles européennes de la concurrence. Après négociations, cette rétrocessions se limite à 18 créneaux, soit 9 allers-retours quotidiens, contre 24 créneaux quotidiens réclamés à la compagnie allemande Lufthansa.

Si le nouvel effort de la France pour soutenir Air France-KLM illustre l’importance stratégique des grandes compagnies aériennes, c’est aussi le cas des aides consenties par d’autres pays européens. L’allemand Lufthansa, premier aviateur européen, s’apprête à proposer une recapitalisation de 5,5 milliards d’euros, et avait bénéficié d’un plan de 9 milliards d’euros approuvé par Bruxelles en juin dernier, dont 6,8 milliards de l’État allemand. En Italie, on vole au secours d’Alitalia, dont le chiffre d’affaires s’est effondré de 87,5 % l’an passé. Pour soutenir la compagnie qui a fait l’objet de différents plans de sauvetage représentant 13 milliards d’euros sur les douze dernières années, Rome a décidé d’injecter 3 milliards supplémentaires à l’automne 2020. Au Royaume-Uni en revanche, pas d’aide sectorielle pour les compagnies aériennes. Comme quoi, les accords et les fonds européens ont du bon.

ABA

 

 

 

 

 

 

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