Malgré la réforme de 2015, les pères boudent toujours le congé parental !

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Moins de 1 % des pères recourent au congé parental à taux plein, selon une étude de l’OFCE.

En 2015, les congés parentaux font l’objet d’une réforme – qui vient notamment modifier leur durée – pour lutter contre les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes liées à l’arrivée d’un enfant. C’est donc sous le gouvernement Hollande qu’on aboutit à la « prestation partagée d’éducation de l’enfant » (PreParE). Pour un premier enfant, la durée maximale de versement de l’allocation pour un congé parental passe alors de six mois à partager entre les deux parents à six mois pour chaque parent. Puis, à partir du deuxième enfant, la réforme réduit à deux ans maximum la période d’indemnisation pour un même parent au lieu de trois initialement, ce qui oblige l’autre parent à prendre une partie du congé pour couvrir la période jusqu’aux trois ans de l’enfant. On l’aura compris, l’objectif tend à doper le recours au congé parental des pères… Pour quel bilan ?

Non, la réforme de 2015 n’a rien changé à la donne sur un recours plus fréquent des pères au congé parental. D’après une étude de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), publiée mardi 6 avril, le taux de recours au congé parental à taux plein des pères est passé de 0,5 % à 0,8 % – et quel que soit le rang de l’enfant. Insignifiant ou presque. Du moins, bien loin de l’objectif que s’était fixé le gouvernement de l’époque… pousser 25 % des pères à prendre un congé ! Idem pour les congés parentaux à temps partiel, où « le recours des pères d’un premier enfant est  passé de 0,7 % à 0,9 % et celui des pères qui ont deux enfants ou plus de 1 % à 1,8 % », observent Hélène Périvier et Grégory Verdugo, les deux économistes qui ont réalisé l’étude.

Une indemnisation trop faible ?
Sans doute une pièce du puzzle pour expliquer ce délaissement du congé parental des pères. Face à un montant de l’indemnisation qui plafonne à 400 euros par mois – et sans considérer la rémunération antérieure – la France aurait, selon les auteur·es, tout à gagner à adopter les modèles scandinave ou allemand qui proposent « une indemnisation calculée en proportion du salaire passé », peut-on lire dans l’étude. Problème, difficile de réduire le phénomène à des explications financières puisque même les pères qui exerçaient déjà une activité à temps partiel avant la naissance de leur enfant – et qui auraient donc moins à perdre à recourir à un congé parental avec une indemnité de 149 à 258 euros par mois en complément de leur revenu habituel – y ont très peu recours. Sous cet angle, près de 70 % des pères, contre 25 % des mères, renoncent à percevoir l’allocation de congé parental.

Autre explication – a priori la principale d’après l’étude –, un biais genré par rapport à la prise d’un congé parental. D’abord parce que les pères n’ont pas forcément connaissance de leurs droits : ils peuvent ne pas savoir que « le congé est fait pour eux […] Et puis parce que ce sont souvent les mères qui se posent en premier lieu la question de comment faire garder leur enfant », pointe Hélène Périvier. Un manque d’informations peut-être, mais même du côté des hommes au courant de leurs possibilités, la peur de la stigmatisation risque parfois de prendre le dessus. Avec en filigrane une attaque à la « virilité » pour un père qui accepterait un congé parental alors que d’autres collègues de l’entreprise ne le feraient pas. Une hypothèse plausible : « On observe que le taux de recours des indépendants au congé parental est plus élevé, ce qui pourrait appuyer cette thèse d’un effet social d’une certaine vision de la masculinité en entreprise », explique Hélène Périvier.

Effet positif : les femmes reviennent plus tôt au travail
Voilà une note positive constatée par les deux économistes de l’OFCE, qui remarquent un retour plus rapide des femmes sur le marché du travail – ce qui ne veut pas pour autant dire que les hommes ont pris leur « part » dans les congés parentaux. Malgré tout, « on voit le revenu des mères augmenter, et même en moyenne compenser la perte d’une année d’allocation », confie Hélène Périvier pour RTL. Des retours plus tôt à leur carrière – même si les femmes des classes sociales les plus précaires ne retrouvent pas forcément un emploi rapidement – qui réduisent les inégalités professionnelles entre femmes et hommes.

Si, au global, la réforme des congés parentaux de 2015 n’a pas porté ses fruits, le gouvernement actuel entend poursuivre « une réflexion » sur une éventuelle révision du congé parental, c’est en tout cas ce qu’a indiqué à l’AFP le cabinet du secrétaire d’État chargé de l’Enfance et des Familles, Adrien Taquet. Pour rappel, le congé paternité – qui intervient durant les premières semaines après l’arrivée d’un enfant et qui se distingue donc du congé parental – sera allongé dès le 1er juillet et passera de 14 à 28 jours. Pour l’heure, « une campagne d’information et de sensibilisation » pour lutter contre le biais de genre qui entache le dispositif de congé parental s’affiche comme l’une des priorités, préconise l’étude de l’OFCE. GW

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