Guide entrepreneur 2019 : enjeux de marché

Une étude récente de l’Association pour l’emploi des cadres (Apec) le montre clairement : même si le contrat à durée indéterminée (CDI) demeure la forme dominante d’emploi en France, la part du travail indépendant progresse depuis plusieurs années. L’emploi non salarié progresse plus vite que l’emploi total, en particulier dans le secteur tertiaire. Ce que confirme un sondage Ipsos : 49 % du panel sont « intéressés ou concernés par une activité professionnelle d’indépendant » (61 % chez les demandeurs d’emploi) et 28 % se disent prêts à sauter le pas. C’est à une transformation profonde du monde professionnel et de l’attractivité de ces nouvelles modalités d’emploi depuis une dizaine d’années que nous devons nous préparer. Micro-entrepreneur, portage salarial, affacturage : trois segments en plein développement.

1 – Micro-entrepreneurs, vrais petits patrons

Dix ans après sa création, le statut de micro-entrepreneur (ex-auto-entrepreneur, la sémantique s’en mêle…) a toujours le vent en poupe. En 2009, l’instauration de cette mesure issue de la loi de Modernisation de l’économie visait à donner un coup de pouce à tous ceux/celles qui hésitaient à se lancer dans l’entrepreneuriat, en simplifiant la fiscalité et les contraintes administratives.
Il s’agissait aussi de réduire le travail au noir, en offrant un cadre aux activités professionnelles de faible ampleur qui correspondaient à un complément de salaire. Le complément est devenu l’essentiel. La France compte aujourd’hui près de 1,3 million de micro-entrepreneurs – forte progression enregistrée l’an passé. 2019 leur réserve de meilleures protections de statut. Pour bénéficier du régime, il s’agit de respecter les plafonds de chiffre d’affaires,
70 000 euros par an maximum pour les activités de services et 170 000 pour les activités de vente de marchandises. Les atouts nouveaux : primo, le droit au chômage – l’une des promesses électorales d’Emmanuel Macron. Un micro-entrepreneur sans activité touchera 800 euros par mois pendant six mois. Condition sine qua non : il faudra avoir travaillé au moins deux ans avec au minimum 10 000 euros de revenus et se placer sous le régime du redressement ou de la liquidation judiciaire. Secundo, les femmes micro-entrepreneuses bénéficient de l’instauration du congé maternité universel. Elles doivent suspendre leur activité au minimum 8 semaines et touchent une indemnité journalière de 54 euros pendant leur congé. Tercio, les nouveaux micro-entrepreneurs enregistrés après le 1er janvier 2019 vont bénéficier d’un allègement des cotisations sociales sur plusieurs années, lié à l’ouverture de l’Accre (Aide à la création d’entreprise) à tous les créateurs. Quarto, depuis le début de l’année, ces nouveaux micro-entrepreneurs ne sont plus affiliés à la Sécurité sociale des indépendants, mais directement à la CPAM (Caisse primaire d’assurance maladie). En 2020, ce sont tous les indépendants qui devraient basculer sous le régime général, pour l’ensemble de leur protection sociale.

2 – Le portage salarial, indépendant et salarié, mais au prix fort

Ce mode flexible d’externalisation qu’est le portage salarial, relativement récent, intéresse vraiment les PME comme les sociétés du CAC  40 qui y voient le moyen, pour une durée limitée et en fonction de leurs besoins, de recruter une prestation intellectuelle extérieure sans salaire à la clé. Dans un contexte de concurrence aiguë sur fond de crise économique, la formule du portage se révèle judicieuse. Le portage s’assimile à un achat ponctuel d’une prestation tout comme l’entreprise recourt au coup par coup aux services d’un expert-comptable ou d’un avocat. Intégrer des ressources ponctuelles pour la dynamique de leur activité constitue souvent la préoccupation de nombre de chefs d’entreprise, un appel à des consultants de haut niveau dans le management, les ressources humaines, la finance, le marketing, la communication ou l’informatique. Un compromis pour le « porté » entre les protections assurées par le salariat et les libertés permises par l’entrepreneuriat. Le portage a tout particulièrement bénéficié ces dernières années de la sécurisation de son régime juridique après être longtemps resté sans fondement légal : son inscription dans le Code du travail ne date que de 2015 et le bénéfice d’une convention collective n’existe que depuis le 1er juillet 2017. Le portage salarial établit un contrat entre l’entreprise de portage salarial (le « porteur ») et le freelance, alors que l’entreprise cliente contracte, elle, avec le seul porteur. Lequel établit des bulletins de salaire au porté, considéré comme un salarié de l’entreprise de portage. Alors, certes, le statut est réputé lui offrir plus de confort et de sécurité que celui de micro-entrepreneur ou d’entrepreneur individuel, mais à quel prix : le « porté » s’acquitte des charges salariales, des charges patronales et de la prestation du porteur. Autant dire que le prix de la prestation devra se montrer suffisant pour absorber un tel coût et laisser au « porté » un revenu significatif. La contrepartie n’est pas mince : le prestataire salarié reste indépendant, choisit sa clientèle, établit lui-même ses tarifs et démarche les prospects. Qui est concerné ? Les consultants désireux de travailler de manière indépendante sous statut sécurisé, les micro-entrepreneurs ou travailleurs indépendants libérés des désagréments administratifs et déclaratifs, les porteurs de projet qui désirent mesurer l’impact de leur potentiel avant de se lancer seul(e)s, les intervenants à l’international, les demandeurs d’emploi ou jeunes diplômés pour développer un projet et se servir du portage salarial comme d’un tremplin. Ou encore les seniors à la retraite ou en préretraite en vue d’un complément de revenu. Ne nous leurrons pas : un nombre croissant d’entreprises ne veulent pas d’autre statut pour échapper aux contraintes du salariat.

3 – L’affacturage, un mode de gestion qui se normalise

Pour se financer à court terme – un réflexe désormais –, beaucoup d’entreprises ont recours à l’affacturage. On connaît le principe : la société obtient le règlement anticipé d’une facture en la cédant à un acteur financier. Numéro deux sur le marché européen de l’affacturage derrière la Grande-Bretagne, l’hexagone connaît une croissance soutenue du service : 291 milliards d’euros de créances traitées pour l’année 2017. Si les chiffres progressent aussi rapidement, c’est que la typologie des entreprises affacturées a évolué, à l’instar des mentalités. Engouement ou pas, on estime que moins de 3 % des entreprises françaises ont recours à une solution de financement de leurs factures clients quand elles sont 10 % au Royaume-Uni.
Affaire de perception : longtemps, l’affacturage en France a été associé aux entreprises en difficulté. Et bon nombre de chefs d’entreprise considèrent encore l’affacturage comme un financement complexe, contraignant et coûteux. Changement de cap. Si les PME ont été les premières à tabler sur l’affacturage, les « très grands producteurs de factures » (opérateurs téléphoniques, fournisseurs d’électricité…) cèdent aujourd’hui d’immenses portefeuilles de créances. Ces grands comptes constituent 40 % des encours facturés ! Dans le même temps, les établissements bancaires qui détiennent la majorité des factors ont eu intérêt à pousser ce type d’offre. Le financement est réputé très sûr, puisque sécurisé par une facture. Il vient en complément du crédit traditionnel, ce qui pousse un groupe bancaire à « couvrir » davantage une même entreprise cliente. Force est de constater que 85 % du secteur sont trustés par les filiales des grandes banques commerciales hexagonales : BNP Paribas Factor, HSBC Factoring, Natixis Factor, CM-CIC Factor, CA Leasing & Factoring… Mais des acteurs d’une nouvelle génération relevant de la sphère des start-up ont émergé. On les appelle les « factors 2.0 ».  À la faveur de promesses de valeur efficaces (simplicité des offres et processus, tarification transparente, délais de réponses raccourcis…), les fintechs comme Finexkap, Urica, Edebex ou Creancio se positionnent sur le marché à potentiel des PME et TPE. Par exemple, Finexkap leur propose une solution de financement ponctuel de factures commerciales sans engagement.

Jonathan Nahmany

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