La responsabilité civile et pénale des chef.fes d’entreprise face au risque de contamination des salarié.es est bel et bien engagée.
À l’heure du déconfinement, les chef.fes d’entreprise se doivent de garantir la sécurité au travail à l’ensemble des salarié.es. Lors d’une webconférence organisée par l’Association des journalistes PME, mardi 2 juin, Maître Karine Ries, avocate au barreau des Hauts-de-Seine, Maître Antoine Montant, avocat au barreau de Lyon et Éric Chevée, vice-président national de la Confédération des petites et moyennes entreprises, ont débattu sur la responsabilité civile et pénale des chef.fes d’entreprise face au risque de contamination des salarié.es. Retour sur les principaux enseignements à tirer.
Qu’est-ce que le Duer ?
Outil indispensable à tous.tes les chef.fes d’entreprise, le Duer. Entendez par là le Document unique d’évaluation des risques professionnels. Instauré en 2001, ce document fait l’objet d’une obligation légale, c’est ce qu’a tenu à rappeler Maître Karine Ries : « Le Duer concerne toutes les entreprises y compris les TPE et PME. Il sert aux chef.fes d’entreprise à identifier tous les risques professionnels par unité de travail et indiquer les moyens de prévention mis en œuvre pour limiter au maximum ces risques. Il ne s’agit pas d’un document figé puisqu’il requiert une mise à jour, une fois par an, pour l’ensemble des entreprises sauf celles de moins de 11 salarié.es. » Concrètement, doit figurer dans le Duer « tout ce qui démontre la bonne foi de l’employeur.euse », précise l’avocate au barreau des Hauts-de-Seine, comme les achats d’équipements de protection individuelle ou les échanges de mails qui démontrent la volonté de l’employeur.euse de garantir la sécurité de ses salarié.es. Le non-respect de la bonne tenue du document risque d’entraîner une condamnation pénale.
Prouver la responsabilité des chef.fes d’entreprise est difficile
Responsable, pas responsable ? Le civil, sur ce point, semble l’emporter sur le pénal, « ce n’est pas tant la condamnation pénale qui est importante, même s’il est vrai que la procédure d’instruction pénale pour le.la chef.fe d’entreprise se révèle difficile à vivre et angoissante », a estimé Antoine Montant. Un constat partagé par Éric Chevée : « Si la procédure pénale est quelque chose de marquant pour les chef.fes d’entreprise, les salarié.es sont plus enclin.es à rechercher la responsabilité civile que pénale. » Pour Antoine Montant, directeur du département Conseil en droit social du cabinet Fiducial-Sofiral, « Remettre en avant la responsabilité des chef.fes d’entreprise est davantage un coup de communication de la part des pouvoirs publics dans un contexte particulier de crise sanitaire ». Difficile d’affirmer un lien de causalité entre un.une salarié.e touché.e par la covid-19 et la réalité de sa contamination au sein même de l’entreprise.
L’application StopCovid pourrait-elle faciliter la condamnation et responsabilité des chef.fes d’entreprise ?
Beaucoup de conditions doivent être réunies pour tirer de cette application StopCovid les bénéfices espérés. Antoine Montant évoque le long chemin à parcourir : « Il faut d’abord que l’application soit téléchargée par la personne, que cette même personne reste en contact [au moins 15 minutes] avec d’autres personnes qui disposent, elles aussi, de l’application, puis que cette première personne, en cas de contamination, se dirige chez un.une médecin, qui alertera ensuite la Sécurité sociale… ». Tout cela prend du temps. Idem pour Maître Karine Ries, pas certaine que StopCovid joue un rôle prépondérant pour faciliter la responsabilité des chef.fes d’entreprise, mais la juriste note toutefois un aspect utile : « Renforcer le lien de causalité entre responsabilité de l’employeur.euse et contraction du virus chez le/la salarié.e grâce à la datation. »
Éric Chevée encourage le « prolongement de l’activité partielle »
Vice-président de la Confédération des petites et moyennes entreprises, Éric Chevée souhaite rouvrir le champ de la santé au travail et regrette une particularité française, celle « de consacrer l’argent à la réparation et délaisser la prévention ». Il faudrait davantage investir en prévention comme le font certains pays d’Europe du Nord dans la mesure où, en France, le ratio réparation-prévention s’avère totalement déséquilibré.
Face à l’activité économique de certaines entreprises, Éric Chevée se montre particulièrement inquiet. Le gouvernement aurait dû « prolonger le dispositif d’activité partielle pour amortir, dans le temps, le choc pour les entreprises », c’est-à-dire continuer à prendre en charge environ 80 % des salaires nets jusqu’en septembre. Comme une injonction contradictoire, dans la mesure où l’État s’était engagé à ne laisser tomber aucune entreprise dans ce contexte inédit. Selon Éric Chevée, nombre de restaurants pourraient ne pas rouvrir « car ils préféreront renoncer aux prêts garantis par l’État aujourd’hui plutôt que de faire face au surendettement demain ».
Geoffrey Wetzel, journaliste à la rédaction