12 ans après la crise financière : des changements positifs à effet anesthésiant…

Douze ans après la dégringolade des subprimes qui a fait trembler l’économie mondiale, un arsenal de mesures a été pris pour éviter une nouvelle crise. Suffisant pour éviter un prochain krach planétaire ?

Ils/elles le disent tous/toutes : une crise imminente menace à nouveau l’économie mondiale. Les cassandres des marchés financiers auront forcément raison… un jour. En attendant, la planète business s’est préparée… à éviter le pire. Mais ne vit-on pas sous tranquillisants ?

1 – Crash tests

Douze ans après la violente crise de 2007-2008, tout semble avoir été mis en place pour empêcher un tel cataclysme de se reproduire : renforcement des règles prudentielles pour accroître les montants des fonds propres et les ratios de liquidité des banques (Bâle 3) et des assurances (Solvabilité 2), crash tests des principaux acteurs financiers face au risque systémique, surveillance accrue de la part des banques centrales. La réglementation s’est considérablement durcie.

2 – Dettes souveraines®

Les institutions : la BCE est passée à la manœuvre en assouplissant largement ses politiques en matière de taux directeurs et de rachats massifs d’obligations (quantitative easing), afin d’éviter tout risque de déflation. En outre, afin de pallier le risque des dettes souveraines, elle s’est dotée en 2012 d’un fonds d’aide doté de plus de 500 milliards d’euros. L’ESM (European Stability Mecanism) est ainsi venu au secours des banques espagnoles (41 milliards d’euros entre 2012 et 2013), de la Grèce (62 milliards) ou de Chypre, ces dernières années. « Les interventions de la BCE pour recapitaliser les banques espagnoles, lors de la crise immobilière du pays à la fin 2008, ou pour soutenir les entreprises italiennes en difficulté, ont empêché toute faillite d’importance depuis la dernière crise », observe l’économiste Philippe Crevel.

3 – Spirale sans retour

Pourtant, certains de ces antidotes pourraient se retourner contre leurs utilisateurs. Priés de respecter les ratios de liquidité prévus, les acteurs privés semblent pris d’un excès de zèle dangereux. Soudain très réticents à prêter, ils ont poussé la BCE, dans la foulée de la FED américaine, à pratiquer des taux négatifs pour les dépôts des banques. De quoi plonger l’économie mondiale dans l’inconnue. « Voilà dix ans que les quantitative easing placent l’économie sous respiration artificielle. Mais c’est un jeu dangereux, car une hausse de ces taux enverrait tous le secteur bancaire et financier à la casse. Nous sommes dans une spirale sans retour », affirme Jean-François Faure, le président-fondateur de la plate-forme d’achat et de vente de pièces en or et argent AuCoffre.com.

4 – Sous perfusion

Les remèdes se révéleront-ils plus dangereux que les maux qu’ils doivent soigner ? « La surréglementation a tendance à rendre myope et à freiner l’activité, hésite Philippe Crevel. Il faut savoir donner un peu de liberté. Les États-Unis, par exemple, reviennent sur certains dispositifs issus de 2008… » Pas suffisants pour d’autres économistes comme Jean-François Faure, grand promoteur de l’achat d’or, qui sent venir la déflagration sous l’anesthésie : « Nous vivons sous perfusion de substances qui nous anesthésient et nous font nous sentir mieux. Mais en fait, on nous injecte une matière toxique contre laquelle il nous faudra trouver un remède inconnu. La création de liquidité, sans inflation, et en dehors de l’économie réelle, crée de nouvelles bulles. Et les monceaux de dettes mal structurées qui s’accumulent chez les particuliers et les États font que le moindre élément déclencheur risque d’engendrer une crise sectorielle, par effet domino. »

5 – Symptômes

Un scénario parmi d’autres, tant la situation actuelle sort des schémas économiques passés. Une chose est sûre, les symptômes d’hier ne seront pas ceux de demain. « Les crises font partie des cycles économiques actuels, mais il est rare que les facteurs soient les mêmes, au contraire ! pointe Philippe Crevel. Il est possible que la prochaine crise ne soit pas financière. Avec le retour des phénomènes sociaux, comme celui des gilets jaunes, on voit que l’exaspération des peuples est de nature à dégénérer en crise. Mais les tensions internationales, comme le risque de guerre entre l’Iran et l’Arabie Saoudite, pourraient aussi occasionner une secousse majeure. »

Défaut de liquidité sur les marchés interbancaires, ralentissement économique en Europe, tensions commerciales entre les États-Unis et ses partenaires, menace de récession sur les marchés financiers mondiaux, déliquescence de la coopération internationale, difficile de trouver une dynamique optimiste sinon dans la perspective majeure, impérieuse et vitale de bâtir une nouvelle croissance verte.

Pierre Havez

® Dettes souveraines : totalité de l’endettement d’un État, l’ensemble des déficits cumulés, plus les dettes contractées par les institutions – collectivités locales, établissements publics… Les États financent leur dette par des titres de créances qu’ils émettent sur le marché financier. Les agences de notations financières comme Standard & Poor’s ou Moody’s surveillent étroitement la dette souveraine.

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