« Devenir le premier continent climatiquement neutre au monde d’ici à 2050 est le plus grand défi et la plus grande chance de notre temps », explique la Commission européenne. C’est l’ambition du Green deal européen, présenté en décembre 2019. La Commission que préside Ursula von der Leyen devrait rendre une première proposition d’ici au printemps. Des milliers de milliards d’euros seront investis par les États membres et l’Europe pour reprogrammer notre société. Ça vaut le coup de se pencher sur cette grande vague verte européenne.
La Commission a choisi la bourse et la vie pour tenter de bâtir une société durable. Ce sont plus de 260 milliards d’euros d’investissements annuels supplémentaires par an qui vont compléter les milliards déjà libérés. Selon les estimations, les besoins mondiaux vitaux pour la transition environnementale pourraient atteindre 90 000 milliards de dollars sur les quinze prochaines années, uniquement pour les nouvelles infrastructures vertes.
À ces chiffres, s’ajoutent les besoins en produits et services nouveaux et se retranchent les pertes évitées liées aux pollutions et catastrophes climatiques. Le marché du siècle est en construction pour le meilleur et pour éviter le pire.
Les entreprises et start-up sont concernées au premier chef. Elles vont bénéficier de cet argent pour inventer la société de demain avec de nouveaux produits et services, tout en accompagnant le changement de comportement. Tout est à reconstruire et à repenser !
Repenser nos constructions
Ce sont les entreprises du bâtiment qui vont bénéficier des mesures prioritaires liées à la rénovation et à la construction de bâtiments propres et durables. Les bâtiments sont actuellement responsables de 40 % des consommations énergétiques. Il faut les transformer au plus vite. La Commission va réviser la conception des bâtiments neufs et rénover des millions de logements pour répondre aux enjeux. Elle souhaite, par ce biais, doper l’économie circulaire et utiliser le numérique pour améliorer la gestion des bâtiments et la résilience au climat.
La durabilité intégrée dans l’ensemble de la société.
L’Europe ambitionne également d’injecter la durabilité dans toutes les activités. L’un des leviers pour y parvenir est le drainage imposé des investissements des banques vers des activités plus propres et durables. Le fléchage des fonds vise à valoriser des entreprises ou actifs « propres ». Et enclencher le renoncement des entreprises aux activités nocives.
Des financements spécifiques seront déployés pour accélérer les innovations et la modernisation de la société.
L’obligation pour les entreprises de fournir des données et informations extra-financières se verra renforcée pour accroître la confiance et la connaissance des investisseurs et des consommateurs.
Le numérique, vecteur d’optimisation des ressources et des capacités, constitue l’un des socles de cette transition. La Commission entend « améliorer les performances du secteur numérique en tant que tel dans les domaines de l’efficacité énergétique et de l’économie circulaire », mais également utiliser toutes les technologies (IA, cloud, blockchain…) pour porter cette mutation.
Doper les innovations de rupture
« Le Conseil européen de l’innovation consacrera des fonds, des investissements en fonds propres et des services d’accélération d’entreprise aux jeunes pousses et aux PME à fort potentiel pour leur permettre de mettre en place une innovation radicale, en lien avec le pacte vert, qui puisse être développée rapidement à plus grande échelle sur les marchés mondiaux », affirme la Commission. De nouveaux modèles d’entreprises fondés sur la location et le partage de biens seront encouragés.
Une TVA verte
Autre levier de la transformation : la fiscalité. Pour inciter les entreprises, les producteurs, les utilisateurs, les consommateurs à changer rapidement leurs comportements, la Commission demande au Conseil d’adopter la proposition sur la TVA. Elle envisage un taux réduit pour les produits et services durables ou propres. Par exemple, la production de fruits et légumes biologiques bénéficierait d’un taux favorable quand les activités polluantes seraient soumises à un taux plus important pour abaisser la demande.
L’Europe va également supprimer les subventions en faveur des combustibles fossiles et déplacer la charge fiscale vers la pollution (la France subventionne encore bien plus les énergies fossiles que les renouvelables). La fiscalité des transports, carburants, énergies… devrait également se voir ajustée. La lutte contre l’écoblanchiment va être mise en place.
Un plan d’actions baptisé « De la ferme à la table » cherche à garantir une chaîne alimentaire plus durable.
Un nouveau plan en faveur de l’économie circulaire visera à développer de nouveaux marchés de produits neutres pour le climat. Des mesures cibleront aussi les entreprises des secteurs les plus consommateurs en ressources comme la construction, le textile, l’électronique et les matières plastiques… pour diminuer drastiquement les pollutions.
« Simultanément, gérer la transition conduira à des changements structurels considérables dans les modèles d’entreprise, les besoins en compétences et les prix relatifs », prévient la Commission. Entreprises et individus doivent désormais innover ! De par les textes !
Patrice Remeur