« Un seul nerf de la guerre, la trésorerie »

Les trois clés de sauvegarde d’Isabelle Saladin, présidente fondatrice d’I&S Adviser Operating Partners, partenaire des entreprises de toute taille et de toute nationalité, cocréatrice des Rebondisseurs français, communauté d’entrepreneurs solidaires

Parce que, confinée dans les Yvelines, la « guerrière » Isabelle Saladin dialogue tous les jours avec ses clients, ses adhérents, suit pas à pas les mécaniques de sauvegarde des pouvoirs publics moulinées par l’engrenage trop laminant des banques, elle a de quoi délivrer trois messages forts aux TPE, PME, les premières entreprises à affronter une crise que l’on supposait économique – et qui va le devenir – mais qui fut au final sanitaire et invisible…

Voici la synthèse de ses propos.

Il faut tenir. La France va apprendre ce que le mot « rebond » veut dire. L’une des valeurs clés d’un entrepreneur est sa faculté de rebond. Le reste du monde l’a compris depuis longtemps. En France, le rebond est associé à un mot, « échec », qui veut dire « roi ». Rien à voir avec la connotation négative que nous en avons. Rebondir, c’est accepter la situation, voir les opportunités d’une crise pour repartir et prendre les bonnes décisions. C’est peut-être pour nous une bonne leçon. Comme un chirurgien revendique une dextérité, l’entrepreneur doit rebondir au nom d’une forte résilience.

Le deuxième point se nomme réalité des faits. Pour tenir, il faut limiter la casse. Des TPE, artisans, aux PME, le nerf de la guerre, c’est la trésorerie. En une semaine, la question fut « Comment payer les gens ? » Si l’État s’est montré très réactif, vraiment, dans les faits l’intendance ne suit pas toujours. Le chômage, ou l’activité partiel/le, c’est bien. Mais si vous n’avez pas d’expert-comptable ou de responsable financier, vous devez prendre beaucoup d’élan, et si les sites « officiels » ne boguent pas ! On vous dit continuez à travailler pour soutenir l’économie, mais restez chez vous. Une entreprise qui travaille avec les particuliers dispose-t-elle des protections, responsabilité terrible du chef d’entreprise ?

Les banques ont changé la donne du prêt d’État

Une mesure a été modifiée parmi les aides officielles, le prêt garanti d’État. La première mouture donnait la possibilité de souscrire à un prêt de trésorerie auprès des banques avec la caution de la Bpi à 90 %. Insidieusement, cette même mesure est devenue un prêt d’État limité à 25 % du chiffre d’affaires, avec l’accord de la banque… Ça change la donne pour des entreprises à peine sorties du blocage des gilets jaunes puis des grèves. Ce qui signifie que seules 20 % des entreprises auront accès à ce prêt de trésorerie. Traduction immédiate : défaillances et licenciements. On ne va pas se mentir. On en verra les effets au cours du dernier trimestre. Mais d’emblée, au moment où je m’exprime, j’ai reçu un message de l’un de nos adhérents : il dépose le bilan. Le nerf de la guerre, c’est la trésorerie. Avant même la crise, les dépôts de bilan étaient liés à cet encours. Alors aujourd’hui…

Les 3 attitudes vitales

Tenir veut dire tenir sa trésorerie. Il faut utiliser tout ce que l’État annonce, déposer partout ses dossiers. Au moment où la première puissance du monde est touchée, les États-Unis, on peut imaginer ce qui va nous advenir.
Désormais, trois attitudes s’imposent.

  • La première est de ne pas faire aux autres ce que l’on ne veut pas subir : les entrepreneurs sont une chaîne, des TPE aux grands groupes (qui ne sont pas des entrepreneurs mais des dirigeant/es). Si l’on demande un paiement ou un remboursement pour tenir sa tréso, on coule le voisin. Il faut que les plus gros paient leur facture comptant, alors même que les prêts d’État jouent à leur avantage ! La décision doit émaner du dirigeant, top-down, payez les fournisseurs, court-circuitez les processus ! Idem pour les banques. Ce n’est pas l’heure de jouer sur les cases à cocher. Or les banques ont ajouté à la mesure du gouvernement des conditions qui vont exclure une kyrielle d’entreprises. Mot d’ordre, en appeler aux experts-comptables et aux aides des pros qui se multiplient. Les Rebondisseurs français mettent en relation ses adhérents avec ces professionnels disponibles. Moi, j’ai un expert-comptable et un responsable financier, parce que je ne sais pas faire, je l’assume.
  • Deuxième attitude, demander des avoirs, pas des remboursements. C’est de la solidarité, autant que faire se peut.
  • Troisième exigence, ce que tous les entrepreneurs ont oublié, protéger ses biens personnels et sécuriser son foyer. Quand l’économie va réellement flancher, au-delà des effets de trésorerie, le premier réflexe du dirigeant dans l’écosystème français est de baisser sa rémunération. Mais il faut alors baisser ses charges : renégocier, mettre en veille tous les prêts personnels auprès des banques, les impôts personnels. Une urgence face au tsunami prochain. Se couvrir soi-même, c’est sauvegarder l’entreprise, comme les parents doivent s’équiper les premiers des respirateurs avant leurs enfants dans un avion en perdition !
    Il faut que les banques s’assouplissent.

C’est aussi maintenant qu’il faut lancer le plan de relance. Maintenant. I&S Adviser Operating Partners prépare 14 plans de relance pour ses clients. Le Vieux Continent doit acquérir l’agilité et la rapidité de l’Asie.

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