Si elles devaient assurer la pandémie, les compagnies dépasseraient leurs fonds propres.
Alors que les pressions sur les assureurs s’intensifient pour réclamer plus d’actions concrètes face à la crise, les cadors du secteur se mobilisent et préparent un plan d’investissement d’1,5 milliard d’euros pour la relance des entreprises. Si elles ne peuvent pas tout, les assurances ont bien un rôle à jouer.
« Les assurances doivent être au rendez-vous de cette mobilisation économique. J’y serai attentif. » Le message est passé. Le président de la République a profité de sa nouvelle allocution télévisée du lundi 13 avril pour réclamer davantage d’efforts de la part des assureurs et les inciter à soutenir leurs assurés. Le chef de l’État exhorte de fait les assureurs à participer plus activement à l’effort collectif de solidarité. Un appel qui s’inscrit dans le droit fil des reproches qui pèsent contre le monde de l’assurance depuis le début du confinement et l’arrêt de l’activité de nombre d’entreprises.
Il est vrai que les compagnies d’assurances n’ont pas cherché à mettre la main à la poche dès les prémices de la crise économique. La plupart se sont limitées à l’application simple et stricte des contrats de leurs clients. Contrats qui ne couvrent pas les pertes d’exploitation sans dommages (incendie, accident), au grand dam des entreprises freinées par le confinement.
Pas de régime spécial
Sur ce point des pertes d’exploitation, Florence Lustman, présidente de la Fédération française de l’assurance (FFA), interrogée par Le Figaro, tempère les critiques sous forme d’aveu d’impuissance : « Les pertes d’exploitation liées à la pandémie se chiffrent à près de 60 milliards d’euros, c’est-à-dire plus que les fonds propres des assureurs non-vie. » Et rappelle que son secteur est loin d’être épargné : « Nous évaluons déjà l’impact de cette crise pour les assureurs à plus de 3 milliards d’euros. »
Les règles du jeu ne changent pas, une justification partagée par Axa, qui compte parmi les leaders du secteur : « Nous comprenons les difficultés des entreprises, mais les pertes d’exploitation ne sont pas couvertes par les contrats d’assurance lors d’une guerre et d’une pandémie, c’est la règle dans le monde entier et depuis toujours. » En d’autres termes, par son caractère systémique et global, la pandémie empêche toute mutualisation et la décision du gouvernement de fermer des entreprises ne peut être considérée comme un aléa.
Mutualisation et aléa : les deux piliers principaux sur lesquels repose l’assurabilité d’un risque. En l’espèce, les critères ne sont donc pas réunis. Reste qu’après plusieurs appels du pied de Bercy, les assureurs ouvrent le coffre-fort depuis quelques semaines.
De l’argent sur la table
Le secteur, par la voix de la FFA, s’était déjà engagé fin mars à participer à hauteur de 200 millions d’euros au fonds de solidarité pour les TPE et indépendants. Il double aujourd’hui sa participation à 400 millions d’euros. L’effort des assureurs est donc en partie collectif, comme l’explique le service communication d’Axa : « Certaines mesures concernent l’ensemble des adhérents à la FFA, notamment la poursuite des contrats des TPE qui ont des difficultés à payer leurs cotisations et la prise en charge des indemnités journalières des femmes enceintes et des personnes en arrêt maladie. »
Outre l’effort commun, chaque compagnie s’engage selon son bon vouloir. Le 14 avril, Axa annonce porter à 375 millions d’euros le montant de ses engagements, dont 200 millions d’euros de cotisations redistribuées aux clients professionnels et 175 millions d’euros consacrés à la solidarité nationale. D’autres groupes font bénéficier leurs sociétaires de la baisse des accidents automobiles, en chute de 70 %. Maif va redistribuer 100 millions d’euros à ses assurés et Matmut s’est engagé à geler ses tarifs d’assurance auto jusqu’à la fin de 2021.
Parmi les prochains engagements collectifs du secteur, est attendu un plan d’investissement d’1,5 milliard d’euros pour les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) pour accompagner les entreprises et leur relance à long terme. Un plan dont la coordination sera assurée par la Caisse des Dépôts. Cerise sur le gâteau, Bercy a annoncé travailler avec les assureurs pour la création d’un régime d’assurance pandémie, pour mieux prévenir les risques sanitaires à l’avenir.
Adam Belghiti Alaoui