La Banque centrale européenne dans ses œuvres

Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se crédite

Jouant son rôle de garant de la stabilité monétaire de la zone euro, la Banque Centrale Européenne a lancé ces dernières semaines de vastes programmes d’aides aux économies nationales et aux banques commerciales. Il ne s’agit pas de distributions d’argent magique, mais bien de lignes de crédits supplémentaires.

Le 18 avril, la BCE sortait l’artillerie lourde en annonçant un plan de soutien à l’économie européenne de 1 050 milliards d’euros, dont 750 milliards destiné au rachat d’actifs publics et privés et de bons du trésor des États de la zone euro. Des mesures exceptionnelles motivées par la volonté de contenir les répercussions sur l’économie de la pandémie de covid-19.
Concrètement, par le rachat de dette publique et privée sur les marchés, la BCE espère soulager les banques commerciales et leur permettre de maintenir leurs prêts aux entreprises et aux ménages, pour soutenir la production et l’emploi. Pour influencer le coût du crédit et agir sur l’inflation et la croissance, la BCE utilise un instrument de politique monétaire « non conventionnel », le quantitative easing (QE) ou assouplissement quantitatif. Qui consiste donc à acheter massivement des actifs aux banques.
Dans le cadre de son plan lancé en mars, la BCE a relancé son QE à hauteur de 20 milliards d’euros par mois. Comme à son habitude, et en l’occurrence de manière massive, la BCE apporte des liquidités aux banques commerciales.

Du crédit et encore du crédit
Jean-Paul Betbeze, professeur d’économie et de finance à Panthéon-Assas et membre du Cercle des économistes, rappelle les principes qui fondent l’activité d’une banque centrale : « La fonction principale de la BCE c’est la stabilité de sa monnaie, elle ne cherche pas le profit, elle cherche à éviter que ça ne s’effondre, elle n’avait d’autre choix que de soutenir la zone euro. » Une explication complétée par Jérôme Creel, économiste directeur du département des études à l’OFCE : « La BCE accorde des crédits de cours terme aux banques pour leur donner accès à des liquidités leur permettant de créer de l’activité. »
Dans le cadre des plans actuels, la BCE rachète auprès des banques des bons du trésor des États, devenus indésirables pour les investisseurs et ainsi « Relancer la demande pour les titres publics en baissant leurs taux d’intérêts », explique Jérôme Creel. Dans le cas de l’Italie, dont les bons du trésor sont les moins attractifs de la zone euro, les rachats de la BCE préviennent la catastrophe. « Il faut aider les points faibles, le point faible de l’Europe c’est l’Italie, et l’acheteur en dernier ressort, c’est toujours la BCE », lance M. Betbeze.
Pour pousser les banques à s’endetter auprès d’elle, la BCE leur propose des crédits à -0,75 %, à condition que les liquidités mises à dispositions soient utilisées pour faire du crédit bancaire. L’économiste de l’OFCE résume : « Avec cette politique de QE, la BCE veut relancer l’investissement dans l’économie par l’intermédiaire de la relance des activités de crédit des banques en leur permettant de s’endetter à des taux négatifs. » Et tout grâce à la création monétaire. Oui la BCE crée de la monnaie, mais ça n’est pas automatique.

L’argent ne tombe pas du ciel
Jean-Paul Betbeze le martèle : « L’expression planche à billets est une expression journalistique qui n’a aucun sens, le principe reste toujours le même, la BCE fait crédit aux banques et aux États, il n’y a pas de billets émis. » Concrètement, la BCE crée de la monnaie qu’elle prête aux banques sous forme de crédits, qui une fois remboursés, détruisent l’argent créé. « Dans le monde entier, y a une balance entre crédit et monnaie, c’est un équilibre mathématique constant, le maître mot c’est le crédit », complète le membre du Cercle des économistes.
Une vision partagée par Jérôme Creel : « La politique de la BCE à une vocation de création monétaire, mais dire qu’on ressort la planche à billets c’est une fausse image péjorative. Il faut avoir en tête que la BCE ne crée par ex nihilo des milliers de milliards d’euros, ce sont des montants qui vont graduellement rentrer dans l’économie européenne au gré de la relance des demandes de crédit. » Autrement dit, il n’y a pas de création d’argent réel à proprement parler. Si la politique de QE échoue et que les crédits bancaires ne repartent pas, les sommes annoncées ne seront pas en circulation dans leur totalité. « C’est une volonté d’investissement et une facilitation de cet investissement, résume M. Creel, la question c’est de savoir si les crédits qui seront permis grâce à la BCE serviront à financer la relance de la croissance et de la consommation pour atténuer l’éventuelle inflation qui résultera de cette création monétaire. »

Adam Belghiti Alaoui

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