Pour sortir de la crise, redistribuer de la monnaie planche à billets aux plus modestes divise.
Après la crise, la reprise. Si la pandémie de covid-19 a plongé la France dans une phase de récession – environ moins 5,8 % au premier trimestre 2020 –, l’heure est venue de panser les plaies. Trouver des solutions pour relancer la machine. Parmi elles, la monnaie hélicoptère. Sa force ? Hystériser le débat économique. D’un côté et de l’autre, les pour et les contre. Analyse d’une possibilité controversée de sortir de la crise.
Faire tourner la planche à billets
C’est jeter la monnaie du haut d’un hélicoptère. Métaphore claire et efficace adoptée par Milton Friedman dès 1969, convaincu de la neutralité de la monnaie, pour vulgariser la théorie de la monnaie hélicoptère (The optimum quantity of money). Alléchant sur le papier, mais concrètement ?
Recourir à la monnaie hélicoptère, pour Christine Lagarde, présidente de la BCE depuis novembre 2019, reviendrait à faire tourner la planche à billets avant de les distribuer au sein de la zone euro. Simple. Certain.es ont parlé de Quantitative Easing du peuple. Soit. Mais l’institution basée à Francfort en a-t-elle le pouvoir ? Pour Peter Praet, ancien économiste à la BCE, ça ne fait pas de doutes : « Oui. Toutes les banques centrales peuvent le faire. [Elles] savent émettre de la monnaie et la distribuer aux gens. C’est la monnaie hélicoptère. » Et l’objectif dans tout ça ? Pousser les ménages, en misant sur un effet de surprise, à stimuler la consommation à court terme, mais qui laisserait ensuite entrevoir une croissance économique. Le tout sans affoler la dépense publique.
Des effets secondaires ?
Et l’épargne dans tout ça ? Si de l’argent est distribué aux ménages, ils.elles peuvent tout à fait opter pour l’épargne plutôt que la consommation. Ce qui représenterait un échec pour la monnaie hélicoptère. Hypothèse fragile. Du moins pour les plus modestes. Quand l’on dispose de revenus modestes, si l’on reçoit de l’argent, on ira le dépenser. La propension à épargner se révèle peu significative. Argument déjà plus recevable pour les plus aisé.es. Possibilité : cibler la monnaie hélicoptère sur les populations à moyens-faibles revenus ou même les secteurs d’activité les plus sévèrement touchés par la crise.
Pour les détracteur.trices de la théorie imaginée par Friedman, il en résulterait un possible déséquilibre extérieur. En boostant la consommation des ménages – reste à savoir à quel degré – le risque est de multiplier les importations et donc de déséquilibrer le commerce extérieur.
Enfin, la BCE bénéficie-t-elle de la légitimité suffisante ? Pour Stanislas Jourdan, directeur européen de Positive Money : « Il faut un vrai débat au sein du Parlement européen, qui est l’institution de contrôle de la Banque centrale européenne. C’est au Parlement européen d’affirmer dans une résolution que la monnaie hélicoptère est un instrument légal vis-à-vis des traités », avait-il souligné. Car le reproche demeurerait l’idée d’une dissonance entre banque centrale normalement indépendante et l’État, représentant du pouvoir politique.
Bien entendu, la monnaie hélicoptère constitue une solution réelle pour repenser l’économie, mais elle ne fait pas l’unanimité tellement la mesure paraît exceptionnelle et utopique. Mais peut-être à la hauteur de ce que nous traversons…
Geoffrey Wetzel