La task force du président

Macron s’entoure de 26 économistes pour penser un nouveau modèle économique. Un nouveau « discours de la méthode ».

Repenser l’économie. Rien que ça. Le défi s’annonce immense, le président de la République Emmanuel Macron a sollicité 26 économistes français.es et internationaux en vue de travailler sur les politiques économiques à mener pour répondre aux exigences de la sortie de crise et mettre en place des mesures plus efficaces à terme.

Un aveu d’échec de la part du gouvernement ? En tout cas, au moins, un surministère qui n’existait pas, des regards parallèles sur un avenir réformé en profondeur, une « commission Attali » sans Attali. Un rapport qui serait finalisé fin 2020 autour de trois grands principes : le climat, les inégalités et la démographie. Ambitieux.

Olivier Blanchard et Jean Tirole désignés rapporteurs
Faire table rase. Descartes, le philosophe (et donc forcément scientifique à son époque, le xviie siècle, celui qui entendait faire tabula rasa de tout ce qu’il connaissait jusqu’alors à travers son Discours de la méthode, n’a jamais été aussi contemporain. Face à la crise que nous traversons depuis des mois, qui a mis en lumière nombre de failles au sein du gouvernement, Emmanuel Macron entend bien rectifier le tir : « Repenser nos dogmes économiques à l’échelle française, européenne et internationale », a-t-il déclaré. À cette fin, le chef de l’État a convoqué multiples économistes de renom qui produiront un rapport pour la fin d’année civile.

Une commission constituée entre autres de Paul Krugman, prix Nobel 2008, Nicholas Stern, spécialiste de l’économie du climat, Lawrence Summers, ancien secrétaire au Trésor américain ou encore Laurence Boone, cheffe économiste à l’OCDE. Que rejoignent Daniel Cohen, l’incontournable économiste français rompu à l’exercice mental de penser l’avenir, Jean Pisani-Ferry, l’actuel patron de France Stratégie, la résurgence du « Plan » cher à De Gaulle, Philippe Aghion, l’ex-conseiller en économie de François Hollande. Les « 26 » sous réserve d’inventaire, ne semblent pas très féminisés.

Olivier Blanchard, ancien chef économiste du Fonds monétaire international (FMI), et le prix Nobel français Jean Tirole, joueront, eux, les rapporteurs de cette nouvelle instance, les dirigeants du groupe. Le second, dans un objectif de propositions concrètes et réalisables d’un point de vue politique, pourrait suggérer d’en finir avec cette dualité du marché du travail où CDD et CDI s’affrontent. Bref, cette instance ne relèvera pas d’un cercle de réflexion économique, écarté de toute réalité, elle visera à conseiller sur des politiques pratiques à mettre en œuvre. Après le conseil scientifique ou encore le conseil présidentiel des villes, le président de la République poursuit sa démarche qui consiste à s’entourer d’expert.es chargé.es de nourrir ses prises de décision. Difficile de savoir si Macron désire réellement casser les codes ou si l’appui d’expert.es ne sert pas là à légitimer les politiques mises en œuvre. Comme pour faire autorité. On se souvient peut-être que Nicolas Sarkozy, à l’orée de la crise financière de 2008, s’était lui aussi entouré d’une commission (dite Stiglitz-Sen-Fitoussi) dont les conclusions avaient fini à la poubelle.

Des plans déjà contrecarrés ?
Inégalités, démographie et climat. Si ces trois piliers représentent la priorité du gouvernement, un des objectifs apparaît déjà mis à rude épreuve : le climat. Alors qu’elle devait se tenir en novembre à Glasgow (Écosse), la COP26, figure emblématique de la lutte contre le changement climatique, est repoussée d’un an, soit fin 2021. Une décision qui intervient après requête du Royaume-Uni d’obtenir un délai supplémentaire (le sommet avait déjà fait l’objet d’un décalage, insuffisant pour les Britanniques qui précisaient qu’un « délai beaucoup plus long était nécessaire »). Déjà du plomb dans l’aile pour le climat. Une priorité à la marge sans doute. GW

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