Il serait peut-être temps de soutenir l’action d’un Premier ministre… entreprenant.
Tout dépend désormais de la capacité de cet illustre inconnu que demeure Jean Castex d’emmener tout un pays sur le « nouveau chemin ». Certes, Édouard Philippe n’était guère plus familier aux Français.es en 2017, il a même pris de l’étoffe seulement à l’occasion de la crise sanitaire. Mais au moins son allure, son âge (49 ans) le rapprochaient-ils du jeune président de 42 ans quand le « look » Castex l’en éloigne. Mais est-il un « collaborateur », un « parapluie », un haut fonctionnaire fusible, ou au contraire un vrai « Premier », un vrai chef de gouvernement, comme la France n’en a pas connu depuis longtemps ? Jusqu’alors, s’il a fait semblant de l’être, eh bien ma foi il est bon acteur !
J’écrivais hier qu’Emmanuel Macron, le 14 juillet, avait peu marqué sa vision du futur immédiat, peut-être pour laisser Jean Castex prendre toute la lumière le lendemain, devant les député.es. S’il a agi en ce sens, alors nous nous souviendrons de ce moment de haute politique, quand Le Prince (oui, celui de Machiavel) sait se retirer pour ne plus prendre les coups. Et s’il ne l’a pas voulu, tout s’est passé pourtant en ce sens. Assez indépendant pour critiquer d’emblée un État qui « n’a pas su s’adapter », assez culotté pour évoquer « l’impuissance publique », cet homme, Castex, incontestablement « de droite » même s’il ne brandit pas les vieilles lunes conservatrices, effacé dans l’aspect, est celui auquel le Président Macron aura quand même laissé la primeur des grands axes des 600 jours. Il passe pour un « grand conciliateur » et un « grand facilitateur », tout à fait le complément qu’il fallait à un président sur un siège éjectable désormais soucieux de soigner sa « détestation » (sa balade aux Tuileries montre à quel point il sait se faire respecter des badauds hostiles, au final flattés par sa façon de leur parler sans détour…).
Pour l’heure, les commentateurs, de gauche comme de droite, attendent surtout que cet homme de terroir à accent se « casse les dents » sur les réformes un tantinet révolutionnaires qu’il annonce : emploi, transition écologique, voire retraite universelle relancée. C’est une position imbécile : surtout, ne pas s’enthousiasmer, on aurait l’air un peu stupide si ce petit maire du Gers réussissait là où tous ses prédécesseurs ont échoué. Au contraire, enthousiasmons-nous un peu ! Si cet homme du « dialogue social » ne réussit pas, alors nous sommes tous.toutes condamné.es à sombrer dans nos vieilles dissensions stériles, à sombrer tout court.
Souhaitons au contraire que ce Premier ministre qui sait dire « je » réussisse à nous redonner une perspective en laissant « son » président agir sur la scène internationale, où il n’a pas démérité. Qu’il gère en chef d’entreprise la valse des milliards (sur laquelle il faudra s’interroger sérieusement) qui semble donner des moyens à un chef de gouvernement pour une fois moins soucieux d’économies que d’investissements productifs. Le temps n’est plus à gérer le déconfinement. Mais les confins, le grand large.
Olivier Magnan