Pour en finir avec quatre siècles de machisme grammatical.
Au fil de votre lecture, qu’il s’agisse de la lettre quotidienne ou des magazines LMedia (ÉcoRéseau Business, Franchise & Concept(s), Parenthèse), vous avez bien compris que nous avons choisi l’écriture dite inclusive : autrement dit, chaque mot, adjectif ou participe passé ne s’accorde pas forcément au seul masculin : nos lecteur.trices savent que si ils.elles sont salarié.es, employé.es ou patron.nes, l’usage des deux genres transparaîtra dans nos articles.
« C’est très gênant », nous écrit parfois tel lecteur ou telle lectrice. Harry, qui nous houspille souvent dans ses commentaires, nous balance que « Vous nous fatiguez les yeux avec votre écriture all inclusive ». Outre que l’écriture française inclusive n’a nul besoin de cet anglais qui signifie « tout compris », je doute que nos accords à deux genres gênent à ce point la lecture. Vous savez pourquoi ? Parce que le cerveau possède cette faculté fort utile de photographier le mot et de puiser dans sa base de données en un millionième de seconde le vocable reconnu. Lire « des contaminé.es plus jeunes et mieux soigné.es » n’oblige en rien à épeler. Les mots sont reconnus à la volée et vous notez simplement, comme une information supplémentaire, cette nouvelle façon de ne plus tout réduire au seul genre masculin.
C’est tellement vrai qu’un drôle d’exercice qui consiste à vous donner à lire des mots apparemment complètement mélangés ne vous pose pas la moindre difficulté. Tenez, lisez : « Is vuos pvueoz lrie ccei, vuos aevz asusi nu dôrle de cvreeau ? » Surpris.e d’avoir décrypté sans effort « Si vous pouvez lire ceci, vous avez un drôle de cerveau ? » Pourtant, il a suffi à la fonction lecture d’identifier la première et la dernière lettre du mot. Son algorithme étonnant a identifié ce charabia en quelques microsecondes (il serait en difficulté si tous les mtos étaient de pures anagrammes : tmso serait beaucoup plus difficile à identifier).
Autant dire que l’écriture inclusive justifie largement son adoption tellement elle entre en rupture « militante » avec son objet : en finir avec la suprématie du masculin que certains grammairiens dignes du bourgeois gentilhomme nomment pudiquement « neutre ». Neutre, le masculin ? En rien. Il s’agit d’un choix arbitraire pas si vieux dans l’histoire du français : c’est au XVIIe siècle que les académiciens ont imposé l’accord selon « le genre le plus noble » (sic). « Un siècle plus tard, Beauzée justifie cette décision en ceci que “le genre masculin est réputé le plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle” » (resic, cité par Éliane Viennot, « historienne et professeuse », comme elle se qualifie).
Une affirmation tellement machiste, ridicule et intolérable que nous tenons pour honneur de contribuer à en effacer l’infamie. Du reste, notre ami le virus qui nous inocule la covid (maladie du coronavirus) s’amuse à nous rendre égaux.ales devant lui : il nous masque tous, homme et femme, sur un pied d’égalité…
Olivier Magnan