L’autre professeur qui dénonce

Un livre discrètement paru en juin enflamme le monde médical. Et l’opinion publique.

Souci de publicité ? De gain ? De vengeance ? Ou souci de vérité ? À chaque fois qu’un livre polémique dénonce, attaque, enflamme, cette éternelle question de la crédibilité de l’auteur se pose : mais qu’est-ce qu’il.elle cherche, enfin ? La notoriété sulfureuse du jeteur d’alerte ou le bien public ?

En l’occurrence, que cherche le professeur Christian Perronne, chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital de Garches ? A priori, il n’a rien du complotiste de base ignare. Perronne fut conseiller au ministère de la Santé, président de l’entité qui précéda le Haut Conseil de santé publique. Son livre, Y a-t-il une erreur qu’ILS n’ont pas commise ? (paru en juin chez Albin Michel), dépasse et de loin jusqu’aux critiques sans langue de bois du professeur Didier Raoult, jusqu’alors seul ennemi public n° 1 des politiques et des médecins d’un avis contraire au sien. Christian Perronne soutient, au-delà même des affirmations de Didier Raoult qui fit polémique avec son traitement à l’hydroxychloroquine associée à l’azithromycine, que la préconisation de son Cher Confrère aurait pu sauver 25 000 vies si le corps médical en avait reconnu l’efficacité…

Position d’autant plus exemplaire que par le passé le Cher Confrère n’avait pas manqué de critiquer Perronne dont la position sur la maladie de Lyme, causée par des tiques qu’il pense avoir été trafiquées au départ par un nazi, en dit déjà beaucoup sur la fureur complotiste du médecin de Garches… Ne suggère-t-il pas dans son livre que la « terreur hygiéniste » mise en place par le gouvernement se révèle fort utile pour prévenir toute deuxième vague de gilets jaunes !

Très vite, le feu nourri des confrères.sœurs accusé.es sans plus d’ambages que Raoult de recevoir des gratifications de la part des laboratoires a tenté de tuer l’entreprise du professeur Perronne : et d’expliquer que sans ces « cadeaux », aucune recherche ne pourrait se mener (au passage, ils reconnaissent les avoir touchés). Et de rappeler que Perronne fit poser des infirmières dont la blouse portait au dos des « Grand merci à M. Perronne », des « Un grand homme, M. Perronne » ou des « Bravo M. Perronne » (voir photo). Incroyable. Plaisanterie ou pas ? Quant à l’étude qu’il dit avoir menée sur l’hydroxychloroquine, la voilà, comme celle de Didier Raoult, entachée de tous les biais que les chercheur.euses orthodoxes opposent à ses conclusions. Là, les bras nous en tombent : à quoi jouent-ils, les pontes ? Est-ce vraiment le moment de déclencher une guerre civile médicale ? Comment une telle sommité pourrait-elle sombrer dans le cloaque de la mauvaise médecine ? Convoqué devant le Conseil de l’ordre, Perronne fera-t-il comme son confrère sulfureux : je vous méprise… ?

En tout cas, le succès du livre du professeur nous assure d’une chose : en France, on aime les râleurs, les contempteurs, les dénonciateurs, les grands qui gueulent, les empêcheurs de se masquer en rond. Peut-être parce que sous les grandes outrances se cache toujours une parcelle de vérité ? L’ennui, c’est qu’elle se cache bien.

Olivier Magnan

 

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