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Deux spécialistes du travail publient une mise en garde éclairante dans Harvard Business Review.

« Il faut recruter les dirigeants pour ce qu’ils pourront faire, pas pour ce qu’ils ont déjà fait » : un « papier » de la version française de la Harvard Business Review de 2019 , signé Josh Bersin, Fondateur de l’institut de recherche et de développement professionnel pour les dirigeants d’entreprise et les responsables des ressources humaines et Tomas Chamorro-Premuzic, Chief Talent Scientist chez ManpowerGroup, professeur de psychologie du travail et des organisations à l’University College de Londres et à l’université de Columbia et membre associé de l’Entrepreneurial Finance Lab d’Harvard, éclaire de façon désabusée la grande erreur de la chasse aux managers : ce qu’un individu a réussi ne présage pas sa réussite à venir.

On en revient au fameux principe de Peter : « Avec le temps, tout poste sera occupé par un employé incapable d’en assumer la responsabilité. » Nos deux experts confirment les études académiques qui « montrent que les promotions sont en grande partie des récompenses accordées en vertu de performances passées et que les entreprises continuent de croire que ce qui a permis à un individu de réussir jusqu’alors garantit sa réussite future, et ce même si ses responsabilités changent. Cela explique peut-être pourquoi il y a encore autant de dirigeants incompétents. »

Bersin et Chamorro-Premuzic conseillent aux recruteurs de candidat.es destiné.es à des postes de direction de se poser trois questions :

1. Les compétences du.de la candidat.e font-elles de lui.elle un.e contributeur.trice très performant.e ou un.e dirigeant.e efficace ?
Parce que le leadership requiert « un éventail plus large de traits de caractère, dont un niveau élevé d’intégrité et un faible niveau de narcissisme et de psychopathie, sources de comportements indésirables », la performance n’est pas toujours, pas souvent, le marqueur de bons leaders. En témoignent, selon les deux auteurs, ces grands athlètes qui se révèlent des coachs médiocres. Pour eux, les vendeurs, développeurs ou courtiers en Bourse qui alignent les réussites ne seront pas forcément capables de fédérer une équipe autour d’eux.elles. Bersin et Chamorro-Premuzic ne minimisent pas le degré de compétences techniques qui « assoit leur crédibilité », mais ils doutent que leurs partis pris nés de leur expérience les ouvrent et les poussent à s’adapter. « Les grands leaders sont, eux, capables d’ouverture d’esprit et d’adaptation, et ce, quel que soit leur nombre d’années d’expérience. Ils réussissent dans leur fonction parce qu’ils sont sans arrêt en train d’apprendre. » L’image est rude : « Si vous promouvez votre meilleur vendeur à un poste de management, vous aurez deux problèmes : vous aurez perdu votre meilleur vendeur et gagné un manager médiocre. »

2. Puis-je vraiment me fier aux évaluations individuelles de la performance d’un.e candidat.e ?
La deuxième question que les responsables du recrutement doivent se poser repose sur le biais possible de l’appréciation du n +1 sur son.sa surbordonné.e, éminemment subjective. En outre, écrivent Bersin et Chamorro-Premuzic, « les besoins d’une société peuvent varier selon les moments et ce n’est pas parce qu’un individu est performant dans ses fonctions qu’il vous permettra d’atteindre vos objectifs immédiats. »

3. Est-ce que je regarde droit devant ou dans le rétroviseur ?
« Le secret pour sélectionner les bons leaders est de ne pas récompenser les faits passés, mais d’anticiper l’avenir. » Ceux.celles qui ont réussi dans le passé ou qui réussissent aujourd’hui réussiront-ils.elles dans « un contexte de complexité, d’incertitude et de changements croissants ? » Dès lors, les experts conseillent d’« éviter de promouvoir un.e salarié.e seulement sur la base de son adéquation à la culture d’entreprise. Aussi bonnes que soient vos intentions, vous risquez d’encourager ainsi la pensée unique et des modèles de leadership dépassés. Dans un monde qui change constamment, on attend des entreprises qu’elles croissent aussi vite que les technologies et qu’elles se transforment sans cesse. » Deux exemples cités évoquent Mark Zuckerberg, dépourvu de l’expérience des affaires au lancement de Facebook, et Steve Jobs, très loin d’avoir jamais dirigé une grande entreprise – et du reste, lorsqu’il nomma John Sculley, ex-dirigeant de Pepsi-Cola, directeur général, ce recrutement haut de gamme se révéla un échec cuisant pour la firme. « En ne vous limitant pas à promouvoir vos collaborateurs les plus compétents, mais aussi ceux qui sont le plus à même de vous emmener là où vous voulez aller, votre entreprise prospérera. En d’autres termes, il est temps de prendre en considération vos salariés à fort potentiel et pas seulement ceux qui sont les plus performants », concluent nos superpsychologues du travail.

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