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Sa popularité confirmée doit sûrement se révéler bénéfique dans un pays qui doute.
Heureusement, nous avons le professeur Didier Raoult !
Il a tout pour incarner le Gaulois, d’où son surnom, « le druide ». De Panoramix, il avait les cheveux longs et la barbe blanche. Qu’un coiffeur bénévole lui ait raccourci le capillaire et taillé le bouc ne change rien : notre icône nationale reste appréciée par un.e Français.e sur deux, selon le sondage de l’Institut Harris Interactive pour LCI.
Ce n’est ni étonnant ni inquiétant : à toute crise il faut une soupape. Un gouvernement se doit de compter sur un dérivatif, une contre-image, un opposant, un critique populaire. Il sert de fusible et conforte les doutes, sans risquer de renverser quoi que ce soit. Emmanuel Macron l’avait compris en lui témoignant une certaine écoute. Pour le Prince de Machiavel, « le petit nombre n’est écouté que lorsque le plus grand ne sait quel parti prendre ni sur quoi asseoir son jugement », ce qui ressemble un peu aux valses-hésitations sanitaires de l’exécutif : la sainte colère du Président à l’encontre du ministre de la Santé empêtré dans ses tests, lors du dernier conseil des ministres, en est l’image.
Donc, ce professeur spécialiste des maladies infectieuses à Marseille, connu pour sa promotion contestée de l’hydroxychloroquine comme remède contre la covid-19, reçoit le « regard positif » de 52 % des sondé.es. 33 % ne l’aiment pas et 15 % ne se prononcent pas faute de le connaître (comme ils.elles sont sages !). La typologie de ceux.celles qui apprécient le turbulent ne trompe pas : 68 % des 65 ans et plus expriment une bonne opinion du personnage. Pile dans le créneau de la génération Mai-68 qui connut la première vraie remise en cause d’une politique ancrée. Des figures qui osent dire non.
Pourtant, la gauche de la France insoumise (62 % des sympathisants) et le Rassemblement national (72 %) se montrent « les plus positifs » à l’égard de l’homme en blanc dont on ne connaît justement pas les opinions politiques – Libération le traite d’« électron politiquement libre ». De quoi conforter la popularité du personnage et lui donner cette peu ragoûtante image d’« abcès de fixation », la moindre des choses pour un infectiologue. Au fond, le druide nous est bénéfique. Les chefs gaulois respectaient ces prêtres savants. Comme eux, le professeur Raoult incarne ce contre-pouvoir qui apaise en irritant. Qu’il ait raison ou tort passe au second plan.
Olivier Magnan