Les fantômes du professeur Perronne

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Publié en juin, le livre de l’infectiologue, dont il a inspiré le contenu faute de l’avoir écrit, restera un témoignage fondé de nos errances.

Olivier Magnan, rédacteur en chef

Il y a 23 jours, je me suis fait l’écho du petit livre noir du professeur Christian Perronne, chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital de Garches. Son titre, Y a-t-il une erreur qu’ILS n’ont pas commise ? (Albin Michel), l’assurait a priori du succès tant nos compatriotes sont friand·es du pamphlet. À l’époque, faute de l’avoir lu, je m’étais surtout interrogé sur les motivations de cet homme (re)connu, déjà polémiste sur la maladie de Lyme dont il attribue la prolifération mal contrôlée « à des tiques trafiquées par un chercheur en virologie nazi ».

Le livre tiré à 80 000 exemplaires reste bien présent sur les tables des libraires : le·la Français·e, qui a horreur qu’on le·la prenne pour un·e naïf·ve, l’achète d’autant plus que Christian Perronne a pris racine depuis quelque temps sur ces plateaux que l’on dit débats, mais qui, souvent, se montrent des (plus) bas. À quand un plateau digne de ce nom ?

Depuis, j’ai parcouru le pamphlet, ordonné en « Scandales » (11 au total, parfaitement agencés comme le veut le genre, avec les jeux de mots qui sonnent, « Un confinement qui confine à la bêtise »…).

Christian Perronne, qui en a forcément donné le contenu, ne l’a pas écrit.

Faute de temps, sans doute, et du talent voulu pour être lu. On n’est pas chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital de Garches et l’invité à répétition des plateaux télé, et capable d’écrire en un temps record ne serait-ce qu’un petit volume de 200 pages. Il n’est un secret pour personne que les « écrivains fantômes » – souvent des journalistes – sont légion qui écrivent, non pas sous la dictée, mais à l’écoute du signataire connu, dans un style vigoureux, les pamphlets en question. La ghost writer de l’éminent professeur est connue puisque, et c’est assez honnête, Christian Perrone la remercie : il s’agit d’une consœur nommée Ambre Bartok qui « [l]’a aidé dans la rédaction et la mise en forme de ce livre… dans l’urgence ». La page Facebook de la rédactrice annonce la couleur de son statut de « prête plume » et d’écrivaine, avec la couverture du livre sous-traité.

Il arrive si souvent que la plume de l’auteur virtuel ne soit pas citée que ce retour d’ascenseur est à saluer, même si son nom – c’eût été possible – ne figure pas en couverture. Je le sais, je l’avoue volontiers, je fus l’écrivain fantôme de quelques personnalités pour lesquelles j’avais par contrat accepté mon anonymat. J’aurais donc du mal à fustiger le savant dont les propos, s’ils ont été mis en scène, travaillés, rendus accrocheurs et parfois véhéments, reflètent bien la pensée.

Perronne dézingue tout, mais nul « complot » ne le sous-tend : tout ce qu’il annonce, dénonce, chiffre, relève, pour autant que le bon sens le laisse supposer, de la vérité sous-jacente à ce drame planétaire que chaque État a géré selon ses faiblesses, qui sont celles de ses politiques et… de ses expert·es. Le livre, au fond, n’apprend rien que l’on n’a lu ailleurs et vu au fil des JT, des prises de parole, des directives et des mesures. Oui, ce gouvernement a commis pas mal d’erreurs, sinon toutes, qu’il a tenté, comme pris au dépourvu de certaines incompétences, de contrebalancer à coups de milliards. D’autres pays en ont commis d’autres sans se préoccuper outre mesure de limiter la casse : les États-Unis en sont l’exemple, mais la dynamique entrepreneuriale du continent se chargera sans doute de relancer le moteur, moyennant quelques destins brisés.

Reste à comprendre la motivation du professeur : désir de vérité, cri de liberté, volonté incoercible de ne pas se confondre avec un monde médical qu’il juge dévoyé, crise de notoriété, mal à l’ego – on ne citera pas l’appât du gain pour un homme à l’abri du besoin ?

C’est son affaire. Il vaut mieux un pamphlet qui n’imprime pas des contre-vérités que le silence et la lâcheté. Avis d’écrivain fantôme !

Olivier Magnan

3 Commentaires

  1. L’écriture inclusive est un signe de reconnaissance pro-régime comme l’était par exemple le salut nazi pendant le 3e Reich. Le genre de comportement qui discrédite forcément tout discours puisqu’on sait que la motivation principale est d’obtenir la gamelle.

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