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par Isabelle Saladin, présidente fondatrice d’I&S Adviser, réseau français d’operating partners, des entrepreneur·euses expérimenté·es qui épaulent opérationnellement les fondateurs de start-up, PME ou ETI.
La numérisation accélérée des économies assortie des nouvelles incertitudes sanitaires et climatiques impose aux PME de sortir du modèle « un produit = un modèle de vente » et d’identifier d’autres sources de revenus pour leur activité.
La crise économique a conduit beaucoup de chef·fes d’entreprise à s’interroger sur la robustesse et la pertinence de leur business model. De nombreux webinaires et vidéos ont été diffusés sur l’intérêt d’adopter des modèles économiques dits hybrides – qui consistent à additionner plusieurs sources de chiffres d’affaires. L’hybridation est alors une option à regarder de près car elle s’avère un puissant levier de création (ou re-création) de valeur dans un environnement économique qui se caractérise par une incertitude croissante.
Deux raisons motivent le choix de ce type de modèle économique : renouer avec la croissance en ajoutant une (ou plusieurs) source(s) complémentaire(s) de chiffre d’affaires ; limiter l’impact des crises économiques par la compensation entre les sources de chiffre d’affaires.
La clé du succès et de la valorisation des acteurs high-tech et biotechs
Les acteurs du numérique (créateurs de technologie, opérateurs de plates-formes) et des biotechs ont bien compris la valeur ajoutée de ces business models. Force est de constater aujourd’hui que les entreprises les plus valorisées dans le monde – et qui ont pour le moment plutôt relativement bien traversé la crise de covid19 – sont celles qui reposent sur ces business models hybrides et que figurent parmi elles un grand nombre de high-tech et de biotechs – en premier lieu ceux qui sont devenus les GAAFAM : Google/Alphabet, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft.
À titre d’exemple et pour n’en détailler qu’un, Amazon est à la fois un gestionnaire d’actifs avec son site de vente en ligne, un fournisseur de services avec son cloud (qui est aussi son premier générateur de marge) et un formidable orchestrateur d’écosystèmes avec sa plate-forme qui étend l’offre de produits. En six ans, la valorisation boursière d’Amazon a été multipliée par quatre. Ce que le marché valorise, c’est autant la vision et la volonté de Jeff Bezos d’investir dans des modèles à très gros potentiel que la cohérence de l’expérience client entre les multiples offres proposées.
Côté biotech, la biotech dijonnaise Oncodesign a fait la démonstration des atouts de l’hybridation en annonçant mi-juillet 2020 des résultats financiers en hausse, malgré la crise. Cette annonce a conforté la pertinence de son nouveau modèle économique déployé en début d’année, combinaison de trois activités : une activité de service, une activité purement biotech de mise au point de nouvelles molécules et une activité autour de l’intelligence artificielle.
Ces exemples montrent qu’il n’y a pas d’effet de « bulle » dans la valorisation de ces entreprises, mais une appréciation légitime de leur potentiel à générer du chiffre d’affaires. Par conséquent, une PME peut, elle aussi, légitimement s’interroger sur l’hybridation de son business model. En combinant plusieurs modèles économiques, elle aura la capacité d’accélérer sa croissance et sa création de valeur. En cas de crise, si l’une des sources de revenu est affectée, les autres pourront sauver l’entreprise.
Hybrider ne veut pas dire renoncer à ce que l’on fait
Pour cela, pas besoin d’une transformation radicale. Il ne s’agit pas de renoncer au modèle initial de l’entreprise mais de le compléter pour ne pas dépendre d’une seule source de revenu. De plus, il est tout à fait possible de suivre une trajectoire évolutive, menée étape par étape, à partir des offres de produits et services existantes.
Ce qui est néanmoins certain, c’est que les technologies numériques sont au cœur de l’hybridation des business models. L’enjeu sera donc de les maîtriser pour d’abord comprendre en quoi elles peuvent être utiles pour développer le business, puis pour tracer un sillon visant à les utiliser.
Attention toutefois : créer un site internet ou développer sa présence sur les réseaux sociaux ne suffit pas. Les PME doivent embrasser complètement le numérique et réfléchir à d’autres circuits et schémas de vente de leurs offres. Un trop grand nombre d’entre elles sont en retard en continuant à penser que « un produit = un circuit de vente ».
Se poser les bonnes questions et ouvrir son horizon
Alors comment se lancer ? Il faut d’abord se poser les bonnes questions :
- Comment mes cibles seront-elles organisées demain ?
- Comment consommeront-elles à l’avenir ?
- Quels produits ou services peuvent être utiles à mes cibles en sus de mon offre actuelle ?
- En quoi mon offre sera-t-elle utile à d’autres cibles ?
- Quel est/quel sera le mode de consommation de ces potentielles futures cibles ?
Il faut ouvrir surtout au maximum le champ des possibles… Le faire seul s’avère particulièrement difficile. Se faire aider est donc souvent l’une des clés de succès d’une hybridation de modèle économique.
L’expérience d’entrepreneur·euses qui ont expérimenté d’autres business models est en effet extrêmement précieuse. Elle va permettre d’oser imaginer l’inimaginable en matière de business model, d’avoir une approche réaliste de ce que peut être le retour sur investissement de nouveaux modèles de vente, d’ajuster le plan d’exécution et d’éviter des écueils de base, etc.
L’une des clés pour surmonter les périodes de crise économique est donc bien dans l’hybridation du business model. Plus que jamais, il est essentiel que les chef·fes d’entreprise français·es s’emparent du sujet et explorent d’autres schémas pour diversifier, mixer, multiplier leurs sources de chiffres d’affaires.