Temps de lecture constaté 2’30
Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, a présenté une série de mesures pour le « bien-être de la faune sauvage captive ». Après avoir « canné » sur les néonicotinoïdes.
Victoire pour les défenseurs de la cause animale ! Mardi 29 septembre, Barbara Pompili a prononcé l’interdiction progressive de la présentation et de l’exploitation d’animaux sauvages dans les cirques itinérants, ainsi que celle de l’introduction de nouveaux animaux dans les delphinariums. D’un côté, les associations s’en félicitent, de l’autre, les gérants s’indignent. Si le cap est donné, aucun calendrier n’a encore été précisé pour la mise en œuvre de ces interdictions.
À l’image des 30 milliards d’euros alloués à la transition écologique dans le cadre du plan de relance, l’écologie et sa ministre de la Transition Barbara Pompili ont touché le gros lot. Et l’écolo du gouvernement se préoccupe également du sort de nos amis les bêtes. En présentant sa série de mesures sur le « bien être de la faune sauvage captive », la ministre lance un pavé dans la mare et espère faire bouger les lignes. Un pas de plus pour la cause animale et une victoire pour ses défenseurs dans un combat qui ne date pas d’hier. « Notre époque a changé dans son attitude à l’égard de l’animal sauvage », estime Barbara Pompili. Les annonces tiennent en quelques mesures : fin progressive des animaux sauvages dans les cirques itinérants, interdiction de la reproduction et de l’introduction de nouvelles orques et de nouveaux dauphins dans les trois delphinariums du pays, et fin de l’élevage, d’ici à cinq ans, des visons d’Amérique pour leur fourrure. En résumé : « Fauves, éléphants, singes, dauphins ou visons : il est temps d’ouvrir une nouvelle ère dans notre rapport à ces animaux ». Une décision qui tranche enfin le débat ouvert au printemps 2019, sous l’égide du ministre de l’Écologie d’alors, François de Rugy, dans le cadre d’une consultation sur le sujet auprès des associations et des professionnels concernés par l’exploitation d’animaux sauvages.
Des mesures en questions
En novembre 2019 déjà, la mairie de Paris annonçait l’interdiction des animaux sauvages dans les cirques de la capitale en 2022, suivant l’exemple de près de 400 mairies françaises, dont plusieurs grandes villes (Strasbourg, Angers…). L’annonce du gouvernement s’inscrit dans un mouvement général de prise de conscience, plus tardive que dans bien des pays qui interdisent totalement les animaux dans les cirques : Autriche, Belgique, Pays-Bas, Inde, Irlande, Italie, Israël, Mexique, Portugal, Suède et Singapour pour ne citer qu’eux.
Même si les annonces font enfin bouger les choses, aucune précision n’a encore été donnée quant aux dates d’application des interdictions. Du coup, l’incertitude règne encore sur le devenir des animaux. La ministre n’a évoqué qu’une interdiction « dans les années qui viennent », sans donner de délais précis. Le futur des quelque 500 fauves aujourd’hui en captivité dans les cirques français, selon la profession, reste flou : « Des solutions vont être trouvées au cas par cas, avec chaque cirque, pour chaque animal. » On n’est pas sorti de la cage ! Des refuges se portent déjà volontaires pour accueillir les bêtes à la retraite. S’il va de soi que ces animaux, nés et élevés dans ces conditions, ne pourront être remis en liberté, leur « reconversion » pose problème. Idem pour les cirques, dont l’activité va devoir s’adapter, en particulier les cirques en itinérance, concernés par les mesures (les autres spectacles qui présentent des animaux sauvages échappent à l’interdiction, le Moulin Rouge conserve ses serpents aquatiques…).
Vers un nouveau cirque
Le gouvernement a, dans la foulée de l’annonce, débloqué une enveloppe de huit millions d’euros pour la reconversion des cirques et des delphinariums et leur personnel. Qu’importe, les professionnels du cirque itinérant, qui redoutent la mort de leurs traditions, dénoncent une décision « injuste » et une « catastrophe » pour la profession, qui subit déjà une baisse de fréquentation ces dernières années. Selon leurs dires, les associations animalistes mentent sur les conditions de vie des animaux, « bien traités dans la majorité des cas », d’après Alain Frère, fondateur du festival du cirque de Monte-Carlo. Outre les justifications des mesures, les dirigeants de cirques redoutent également une catastrophe financière et une difficile transition vers un cirque sans animaux et jugent « ridicule » l’enveloppe de huit millions d’euros annoncée par le gouvernement.
De l’autre côté du débat, les associations et les ONG de défense des animaux se sont unanimement réjouies des annonces de Barbara Pompili, à l’image d’Amandine Sanvisens, présidente de l’association Paris Animaux Zoopolis, dans les colonnes du Monde : « C’est un grand jour, une avancée historique. Cette décision acte le fait que nous avons actuellement la dernière génération d’animaux sauvages détenue dans les cirques itinérants. »
Le « combat idéologique » entre défenseurs de la cause animale et écologique et exploitants de cirques et de delphinariums sera encore long, notamment autour du flou des mesures annoncées. À commencer par le cadre formel des mesures (arrêté, décret ou loi) et le manque de précisions sur les modalités et le calendrier de leur application.
Adam Belghiti Alaoui